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Des chercheurs de Concordia font appel à l’apprentissage profond pour déceler l’anorexie chez les adeptes des médias sociaux

Les algorithmes peuvent fouiller les discussions en ligne et repérer les personnes qui ont besoin d’aide rapidement, selon la linguiste informaticienne Leila Kosseim
29 octobre 2019
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Elham Mohammadi, Leila Kosseim et Hessam Amini.
Elham Mohammadi, Leila Kosseim et Hessam Amini.

Les billets dans les médias sociaux foisonnent d’information personnelle révélatrice, et souvent douloureuse, à propos des personnes qui les écrivent. Toutefois, lorsque ces billets sont examinés isolément, il est possible d’y déceler des caractéristiques indicatrices de la présence potentielle de problèmes de santé mentale graves – comme des pensées suicidaires, un stress post-traumatique ou encore, un trouble de l’alimentation.

Dans un article préparé en vue du colloque 2019 du CLEF, qui a eu lieu en septembre dernier à Lugano, en Suisse, deux étudiants aux cycles supérieurs de l’Université Concordia ont tracé les grandes lignes d’une méthode destinée à détecter les signes d’anorexie chez les personnes par une analyse de leur activité dans les médias sociaux.

L’article a été rédigé sous la supervision de Leila Kosseim, professeure au Laboratoire de linguistique computationnelle (CLaC) du Département d’informatique et de génie logiciel de l’Université Concordia.

Elham Mohammadi (M. Sc. 2019) et Hessam Amini – qui prépare sa thèse de doctorat – ont examiné des billets publiés dans Reddit par des utilisateurs étiquetés anorexiques ou non anorexiques, ainsi qu’une liste de billets par ordre chronologique. Au moyen d’algorithmes d’apprentissage profond, les chercheurs ont examiné les billets à la recherche de particularités linguistiques qui permettraient d’identifier l’utilisateur ou l’utilisatrice comme étant anorexique ou susceptible de souffrir d’anorexie.

« À la différence d’études précédentes, où l’on dépendait de linguistes informaticiens pour repérer dans les billets les indices linguistiques d’un problème d’anorexie, explique Hessam Amini, notre méthode fait plutôt appel à des machines et à des algorithmes d’apprentissage profond pour établir ces indices. »

C’est-à-dire qu’en analysant suffisamment de billets publiés par des utilisateurs anorexiques et non anorexiques connus, les algorithmes en viendront à pouvoir distinguer une personne atteinte d’un trouble de l’alimentation d’une autre qui n’en souffre pas. Assorti de paramètres largement acceptés, leur modèle s’est révélé d’une grande précision.

Un dépistage précoce est crucial

Les auteurs étaient davantage intéressés par le dépistage précoce des problèmes mentaux – un sujet qui, selon eux, n’a pas fait l’objet d’études suffisantes à ce jour – plutôt qu’à la détection de comportements néfastes après le fait.

« Bien souvent, il est essentiel d’agir vite », mentionne Elham Mohammadi. « Dans le cas d’idées suicidaires, par exemple, un dépistage précoce est crucial. »

« Le plus grand avantage de cette méthode réside dans sa portée », explique Leila Kosseim.

« Le volume d’interactions en ligne est tel qu’il est impensable d’imaginer un humain en assumer la surveillance constante, fait-elle remarquer. Repérer des billets dont le propos laisse présumer une anorexie, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais, si vous disposez d’une machine capable de repérer cette aiguille de temps en temps, les billets problématiques peuvent alors être acheminés à un professionnel de la santé mentale. »

Préserver l’équilibre entre besoin et vie privée

Hessam Amini entrevoit trois catégories de gens qui pourraient bénéficier de cette méthode. La première regroupe celles et ceux qui sont personnellement à risque – c’est-à-dire les personnes qui sont elles-mêmes atteintes d’anorexie.

La deuxième est formée des personnes qui recherchent de l’aide pour un ami ou un proche. La troisième réunit les psychologues et les autres professionnels de la santé mentale qui font de la recherche sur l’anorexie ou traitent des personnes aux prises avec un trouble de l’alimentation.

« Il devient de plus en plus urgent de repérer les personnes atteintes d’anorexie, mentionne Hessam Amini. En effet, les études donnent à penser que le nombre de personnes atteintes d’anorexie qui nécessitent un traitement est beaucoup plus élevé que le nombre de personnes traitées. »

Les chercheurs soulignent cependant que ce modèle de détection n’est pas conçu pour remplacer l’évaluation par un professionnel de la santé mentale. Il vise plutôt à compléter l’expertise humaine.

Cette approche soulève bien sûr des préoccupations en matière de confidentialité et d’accès aux données. Dans le cadre de leurs travaux, les membres de l’équipe de recherche ont respecté des principes éthiques très stricts. Les données utilisées ont été fournies par une agence externe et n’étaient accessibles qu’au personnel universitaire autorisé.

Leila Kosseim précise que des systèmes similaires ont déjà été conçus pour détecter la cyberintimidation et les propos haineux dans les médias sociaux. Elle espère que les professionnels de la santé mentale pourront utiliser les résultats de sa recherche pour identifier les victimes potentielles d’anorexie et joindre ces dernières au moyen de lignes téléphoniques d’aide et d’autres formes de cyberassistance.

Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada.


Consultez l’étude citée : Quick and (maybe not so) Easy Detection of Anorexia in Social Media Posts.
 

 



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