« L’harmonie est un facteur très émotionnel en musique »
L’envie de bouger au son de la musique a fait l’objet d’études approfondies dans le passé, notamment par Maria Witek. Cette chercheuse – qui a participé à la rédaction de l’article de Tomas Matthews et qui est maintenant attachée à l’Université de Birmingham – explore le concept de syncope, c’est-à-dire la mise en sourdine d’un temps fort du rythme.
Son étude montre que les auditeurs préfèrent un degré de syncope moyen. Si la musique n’est pas assez syncopée, ils la trouvent monotone, ayant l’impression d’écouter un métronome. En revanche, si le degré de syncope est trop élevé, ils ont de la difficulté à suivre le rythme. Les préférences des auditeurs à cet égard peuvent être représentées sous la forme d’une « courbe en U inversé ».
Dans le cadre de sa recherche, Tomas Matthews privilégie la même approche, mais l’applique à l’harmonie. Celle-ci est l’effet obtenu lorsque plusieurs notes sont produites simultanément, par exemple dans un accord de guitare ou de piano.
« L’harmonie est un facteur très émotionnel en musique, souligne-t-il. Elle nous fait vraiment ressentir les choses. Ainsi, si l’on combine des rythmes moyennement syncopés – ceux qui ont le plus de groove, de l’avis général – avec des harmonies modérées, on obtiendra peut-être une élévation du sommet de la courbe en U inversé. Un agencement optimal et une interaction entre rythme et harmonie accentuera cet effet par rapport à ce qu’on observe avec le rythme seul. »
Avec des collègues, Tomas Matthews a réalisé un sondage en ligne auquel ont répondu quelque 200 personnes, principalement européennes et nord-américaines. La participation étant ouverte à tous, les répondants appartenaient à divers groupes d’âge et possédaient des compétences musicales très variées. Les chercheurs leur ont demandé d’évaluer – sur une échelle de un à cinq – leur intérêt pour la musique groove, la fréquence à laquelle ils l’écoutaient et leur goût pour la danse ainsi que la fréquence à laquelle ils s’adonnaient à cette activité.
« Le groove amalgame plaisir et envie de bouger »
Les participants étaient invités à écouter de brèves séquences musicales comportant trois degrés (faible, moyen et élevé) de complexité rythmique et harmonique. Composées par Tomas Matthews et les coauteurs de l’étude, elles reposaient sur des claves (ou figures rythmiques) de son et de rumba caractéristiques de la musique afro-cubaine. Les participants devaient évaluer chaque séquence en fonction de l’intensité de leur envie de bouger à son écoute et du plaisir que leur procurait cette expérience auditive.
Les chercheurs ont constaté que les auditeurs accordaient une meilleure note quand la musique combinait un degré de syncope moyen et une complexité harmonique faible ou moyenne. Les harmonies de complexité faible ou moyenne étant toutes deux perçues favorablement, Tomas Matthews affirme qu’elles amplifiaient l’effet en U inversé du rythme.
« L’harmonie renforce selon nous le bien-être que ressent l’auditeur et, par conséquent, l’incite à bouger davantage, explique-t-il. Le groove amalgame en quelque sorte plaisir et envie de bouger. Quant à l’harmonie, elle agit principalement sur l’aspect agréable du groove. »
« Enfin, poursuit-il, les réponses des personnes aimant danser indiquent un taux plus élevé du désir de bouger, mais pas du plaisir éprouvé. »
Cela s’explique, de l’avis de Tomas Matthews, par une association plus forte entre musique groove et mouvement chez les amateurs de danse.
Cette recherche a été financée par le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies, le programme d’échanges d’étudiants en neurosciences cognitives de l’audition d’Erasmus Mundus, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada de même que la Fondation nationale de recherche danoise.
Consultez l’étude citée : The sensation of groove is affected by the interaction of rhythmic and harmonic complexity (« l’interaction entre la complexité rythmique et harmonique agit sur la sensation de groove »).