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Les gens utilisent la technologie pour bien plus qu’on ne le pense – et Tinder en offre un bon exemple, affirme une chercheuse de Concordia

Une étude sur les usages non conformes de l’appli révèle un écosystème en ligne florissant et créatif
21 juillet 2020
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Stefanie Duguay : « Quand les gens découvrent une nouvelle technologie, ils en adaptent l’utilisation à leurs besoins et à leur style de vie. »  | Photo : Kon Karampelas, Unsplash
Stefanie Duguay : « Quand les gens découvrent une nouvelle technologie, ils en adaptent l’utilisation à leurs besoins et à leur style de vie. » | Photo : Kon Karampelas, Unsplash

La fulgurante montée en popularité de Tinder a consolidé sa position d’application de rencontre par excellence pour des millions d’utilisateurs et utilisatrices, jeunes et moins jeunes. Or, si cette plateforme est surtout connue parce qu’elle facilite les rencontres et les fréquentations légères, certains de ses quelque 50 millions d’utilisateurs à l’échelle mondiale l’emploient à de tout autres fins.

De la vente en réseau par cooptation aux campagnes politiques ou aux messages de santé, en passant par la promotion de spectacles locaux, des utilisateurs de Tinder s’approprient la plateforme en fonction de leurs propres besoins. Lesquels n’ont souvent rien à voir avec le sexe ou les idylles. Cette « utilisation non conforme » – expression empruntée à la pharmacologie pour décrire l’usage d’un produit dans un autre but que celui indiqué sur l’emballage – fait l’objet d’un article publié dans la revue The Information Society.

« Quand les gens découvrent une nouvelle technologie, qu’il s’agisse d’un marteau ou d’un ordinateur, ils en adaptent l’utilisation à leurs besoins et à leur style de vie », observe l’auteure Stefanie Duguay, professeure adjointe de communication à la Faculté des arts et des sciences de Concordia.

« En étude des sciences et des technologies, on appelle ce phénomène “appropriation par les usagers”. Quand on achète un marteau, celui-ci ne fait pas l’objet de mises à jour régulières et n’acquiert pas de nouvelles fonctionnalités – ce que font en revanche les applis. Elles viennent avec un marketing, une vision d’utilisation et un ensemble de caractéristiques, lesquelles sontsouvent mises à jour et modifiées selon l’activité des utilisateurs. »

Ainsi, explique la chercheuse, l’article examine Tinder sous l’angle de l’appropriation et de cet échange entre utilisateurs et applications.

Stefanie Duguay Stefanie Duguay

Que dit l’étiquette?

Stefanie Duguay a d’abord analysé en profondeur la conception de Tinder, s’intéressant à la mécanique imaginée par les développeurs pour guider les utilisateurs en fonction de l’usage prévu. Elle a ensuite parcouru des dizaines d’articles sur des gens qui utilisent l’appli à d’autres fins que les rencontres sociales, amoureuses ou sexuelles. En dernier lieu, elle a mené des entrevues de fond auprès de quatre utilisateurs « non conformes ».

Le premier se servait de son profil pour une campagne antitabac; le deuxième, pour une campagne contre le trafic sexuel; le troisième, pour promouvoir des produits de santé; et le quatrième, pour soutenir le sénateur américain Bernie Sanders dans sa course à l’investiture démocrate en 2016. La chercheuse a ensuite comparé et mis en opposition ces différentes utilisations non conformes.

« J’ai découvert que souvent, l’usage prévu de Tinder – les rencontres éphémères – servait d’inspiration ou de complément à la campagne menée par les utilisateurs non conformes, indique la professeure Duguay. Ils intégraient un élément de séduction, ou exploitaient la perception générale de Tinder en tant qu’espace numérique pour des échanges intimes. »

La chercheuse ajoute que de nombreux utilisateurs se servant de l’appli pour son usage prévu se fâchaient lorsqu’ils découvraient les vraies intentions des utilisateurs non conformes. « Cela montre que l’usage non conforme peut avoir un effet quelque peu perturbateur sur la plateforme. Bien sûr, cela dépend de la vision plus ou moins étroite que les gens ont de l’application. »

Esprit ouvert sur les rencontres éphémères

Selon la chercheuse, les conversations impliquant Tinder ne sont généralement pas prises très au sérieux, l’appli étant associée à la culture des rencontres éphémères. Or, cette attitude occulte une réalité plus vaste.

« Le sexe et les rencontres amoureuses sont des activités très importantes dans notre société. Mais je voyais aussi cette autre gamme d’activités sur Tinder. Les plateformes de ce type sont davantage comme des écosystèmes. Quand les gens les utilisent à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été conçues, elles peuvent adapter leurs directives et fonctionnalités et exercer ainsi un grand effet sur les utilisateurs. »

Dans ses recherches récentes, la professeure Duguay s’est intéressée à la réponse des applications de rencontre à la pandémie de COVID-19. Avec David Myles, professeur associé à l’Université du Québec à Montréal, et Christopher Dietzel, doctorant à l’Université McGill, elle étudie la façon dont les applis de rencontre ont communiqué les risques pour la santé à leurs utilisateurs et les mesures qu’elles ont prises à la lumière des directives de distanciation sociale. Leurs résultats préliminaires font actuellement l’objet d’un examen par les pairs.

Consultez l’étude citée : You can’t use an app for that: Exploring off-label use through an investigation of Tinder. »



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