L'exploration par Veronica des méthodologies d'inclusion prend une forme dynamique grâce à la circulation et à l'exposition de son installation vidéo à trois écrans, appelée "The Third Screen". Qu'elle soit présentée lors d'une conférence ou exposée dans une galerie «cube blanc», l'oeuvre à trois canaux distille ces espaces en lieux de dialogue incarné. Dans l'œuvre, la façon conventionnelle dont nous communiquons nos résultats de recherche dans le milieu académique subit une subtile rébellion ontologique. Les spectateurs se retrouvent immergés dans l'expérience des participant-e-s de la recherche de l'artiste - Azzouz, Joanna, Kevin et Sheida - qui sont directement impliqué-e-s dans l'interprétation et la communication des avancées des connaissances. S'inspirant de principes décoloniaux, d'histoire orale, et des « listening circles » issus des méthodes d'éducation populaire et ouvrière, cette installation immersive n'est pas seulement un affichage statique, mais la manifestation d'une approche dialogique lorsqu'il en vient à comprendre et communiquer les résultats d'une étude. Dans cette oeuvre, Veronica encourage tant les universitaires que les artistes à s'interroger activement sur la profondeur et les phases d'inclusion de leurs collaborations académiques en communauté, et revendique un protocole inconclusif et participatif avec ceux-celles dont les expériences sont au cœur de la recherche. L'impact de « The Third Screen » est évident dans la manière dont il a influencé une institution à adopter une plateforme dialogique plutôt que monologique. Cela a été particulièrement remarquable lorsque le Forum mondial en l'écologie acoustique a inclus "The Third Screen" dans le cadre de sa conférence (30ème anniversaire) s'intitulant « Listening Pasts, Listening Futures ». À cette occasion, Veronica, en collaboration avec Amanda Gutiérrez, invitée keynote du Forum, a pu parrainer Bénéwendé Segueda, une collaboratrice de Veronica âgé de 17 ans, pour qu'elle co-écrive et délivre le discours d'ouverture du Forum.
Au cours des deux mois qui ont précédé le Forum, Veronica et Amanda ont réuni leurs pratiques artistiques respectives pour concevoir et animer une série de cinq ateliers extrascolaires au CSLP avec leur jeune collaboratice, Bénéwendé. Au cours de ces ateliers, Bénéwendé a été initiée à l'histoire et à la pratique de l'écologie acoustique ainsi qu'à ce que les deux artistes perçoivent conjointement comme étant en jeu lorsqu'elles s'engagent dans l'acte d'écoute à partir d'une position intersectionnelle. Un objectif important de ces ateliers individualisés était la rédaction conjointe du discours inaugural « Shared Keynote » qui a été prononcé sur scène par Bénéwendé et Amanda. Après avoir utilisé différents types de technologies d'enregistrement sonore et créé des paysages sonores de son propre environnement, comme son lycée et son quartier, Bénéwendé a mené des entretiens au cours desquels elle a non seulement parlé de son expérience par rapport à celles de femmes plus âgées issues de différents milieux, mais a également exploré des questions telles que : Qu'est-ce que cela signifie d'écouter à travers mon oreille, qui est attachée à mon corps, mon genre, ma peau, mon âge ? Comment mon expérience acoustique s'inscrit-elle dans ce que l'écologie acoustique offre traditionnellement ? Le point culminant de cette collaboration intergénérationnelle a été le voyage de Bénéwendé au Forum mondial de l'écologie acoustique en Floride avec Veronica et Amanda.
« Shared Keynote » était le discours inaugural de la conférence, qui s'est déroulé devant une assemblée internationale de plus de 250 scientifiques, artistes et activistes. Bénéwendé, une lycéenne ivoirienne-burkinabé-québécoise de 17 ans de l'arrondissement de Saint-Léonard, a captivé l'auditoire par sa contribution, qui consistait à parler de sa vie, de sa famille, de ses préoccupations et des idées qu'elle souhaite partager avec le monde. Bénéwendé a également décidé de parler du défi de l'égalité des femmes de l’hémisphère sud. Après le « Shared Keynote », Veronica et ses collaboratrices ont mené une conversation de groupe avec les membres de la conférence présent-e-s au discours inaugural, afin de mieux comprendre les expériences et les perspectives des personnes présentes dans le public. Les questions suivantes ont été explorées : Ce type de pratique discursive inclusive, participative et incarnée pourrait-il être mis en œuvre dans votre propre institution (éducative, artistique, et/ou scientifique) ? Maintenant que vous avez fait l'expérience, en tant que membre du public, de ce partage de l'autorité discursive, pourriez-vous, en tant qu'artistes, chercheur-e-s et parties prenantes, vous voir faciliter directement l'inclusion des acteurs-trices de la communauté avec lesquels vous travaillez ? Ce faisant, vous permettrez aux acteurs-trices communautaires de se représenter et de s'exprimer sur le travail que vous réalisez ensemble.
La documentation audio et vidéo de la « Shared Keynote » et de la conversation qui a suivi est en train d'être articulée en une œuvre d'art médiatique itérative qui sera présentée dans divers espaces artistiques et universitaires comme un outil pour la discussion et la mise en œuvre d'une pratique dialogique plus réactive, inclusive, participative et représentative au sein de ces mêmes institutions. Soutenu par le projet Someone du Centre for the Study of Learning and Performance, dans le cadre de la Chaire UNESCO sur la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme violent.