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Nancy Barić & Steven J. Yazzie

À portée dans la distance

4 mars - 12 avril 2024

Vernissage: 21 mars 2024 de 17h à 20h. Joignez-vous à nous pour une discussion avec les artistes de 18h à 19h. 

Description de l'exposition

À portée dans la distance réunit des films de Nancy Barić et Steven J. Yazzie, qui sont centrés sur les relations avec l’eau et le territoire. Ces deux courts métrages alternent entre une présentation de style documentaire et l'abstraction sonore et imagée afin d'explorer des questions autour de la représentation, de l'écologie et de l'intendance. Les films entrelacent également des récits personnels, collectifs et historiques qui abordent les connexions et les déconnexions dues au colonialisme.  

Nancy Barić

Electric Water  [Eau électrique] , 2021, single-channel video installation,25 minutes

Electric Water est un documentaire expérimental et une méditation sur la poésie et la politique de l'eau. Le récit oscille entre l'héritage Dalmate de la mer Adriatique de Barić et la perspective Haudenosaunee sur les chutes du Niagara. Alors que notre relation avec l'eau est perturbée par la pollution, les barrages et le regard touristique, il y a des récits et des perspectives qui nous ramènent au pouvoir et aux enseignements de l'eau.  

Steven J. Yazzie

Mountain Song [Chanson de la montagne] , 2015, single-channel video installation, 11 minutes

Mountain Song fait partie d'une série d'installations vidéo et de films explorant les montagnes sacrées Diné et Navajo. Structuré en quatre couplets, le film explore le savoir autochtone, le mystère, l'exploitation des ressources, dont l’uranium, et les réflexions postcoloniales sur la vie communautaire. Les conversations enregistrées avec des aîné.e.s, ami.e.s et membres de la communauté ont pour toile de fond un voyage personnel.  Cette excursion vers une montagne sacrée Diné et Navajo, Dibé Nitsaa, dans le sud du Colorado, s'est finalement terminé sur une montagne située à l'extérieur de mon jardin à Phoenix, en Arizona, là où j'ai vécu. Tout au long du film, on peut entendre les conversations radio des premiers humains ayant atterri sur la Lune en 1969 lors de la mission Apollo. L'intersection du son de l'alunissage, des récits autochtones et des vues aériennes des territoires ancestraux font écho aux souvenirs de nos histoires communes. Ceux-ci compliquent l'expérience perpétuelle de la marginalisation et de l'autochtonie subjective.

Texte d'exposition

Les monstres visibles et invisibles 
Par Erin Joyce

« Mon enfant, je vais te nourrir et te garder en bonne santé, et instiller en toi force et courage. » C’est avec ces mots, griffonnés en lettres blanches sur un écran entièrement noir, que commence la vidéo de Steven J. Yazzie intitulée Mountain Song, réalisée en 2015. Le ton de la phrase évoque les poèmes épiques d’Homère et de Virgile, et semble préfigurer le voyage que s’apprête à faire la personne qui la lit et l’entend. Oscillant entre des témoignages des membres des communautés autochtones et des documents d’archives sonores de l’alunissage d’Apollo 11, en 1969, l’œuvre instaure une tension entre les structures de pouvoir et les savoirs sacrés. Elle explore l’incessante marche du progrès colonial à travers les mécanismes et les machinations du capitalisme qui oppose l'existence harmonieuse avec le monde naturel, poussant l’humanité à viser sans cesse de nouveaux sommets, aux dépens de l’ordre naturel et de la santé de la planète.   

Steven J. Yazzie s’attarde sur l’impact dévastateur de l’uranium et de son extraction non seulement sur les communautés autochtones, mais aussi sur l’environnement. Il établit un lien entre l’uranium, les cosmologies et les récits autochtones en comparant cet élément chimique à un « monstre invisible ». Le développement de l’extraction de l’uranium et son utilisation militaire ont imposé une distance vis-à-vis les modes de vie traditionnels, remplaçant les manières de vivre en équilibre avec la terre par une pathologie coloniale qui empoisonne les sols, pollue les cours d’eau et génère une charge radioactive dans la conscience.

Lorsque Steven J. Yazzie écrit dans le quatrième et dernier vers de son poème « Mon enfant, le vêtement que je porte est aussi le tien. Je suis ton foyer, ainsi que ta mère et ton père », il nous rappelle que ce que nous infligeons à la terre, à notre mère et à notre père, nous nous l’infligeons aussi. Il nous lance un avertissement : les monstres que nous éveillons ne peuvent pas être renvoyés à leur sommeil.  

Cette idée des monstres et du monstrueux est également présente dans le film Electric Water de Nancy Barić (2021). En examinant son héritage et l’arrivée de ses ancêtres en Amérique du Nord en provenance de la mer Adriatique, la cinéaste présente une mosaïque composée de la mémoire collective, des récits fondateurs et de liens. Le tout parallèle des récits sur la genèse de l’univers et les cosmologies des peuples Haudenosaunee liés aux chutes Niagara. Nancy Barić traite de la puissance de l’eau à travers le prisme des lois naturelles, du capitalisme et de la spiritualité. Elle fait état du lien qu’elle et sa mémoire génétique entretiennent avec les chutes Niagara en évoquant Nikola Tesla, avec qui elle partage le même pays d’origine. La première centrale hydroélectrique, conçue par Tesla aux chutes Niagara, était une réalisation que l’inventeur considérait comme vouée au bien et qui allait fournir de l’électricité gratuite à la population. Cet objectif a par la suite été dévoyé par les longs tentacules du capitalisme. Le capitalisme et sa vaste portée constituent une créature mutante qui dénature, corrompt et empoisonne tout ce qu’il touche.

Dans le courtmétrage, Nancy Barić s’entretient avec Rick Hill, un membre de la communauté Haudenosaunee qui a grandi près des chutes. Hill narre des bribes des histoires de son clan racontant la création de l’univers, où il est question du Créateur et de son frère malveillant connu sous le nom de Flint. Pour chaque bonne chose apportée par le Créateur, Flint créait un équivalent délétère, sous forme de monstres. Au cours d’un duel entre les deux frères, ceux-ci se sont bousculés et frappés tout bord tout côté, entraînant des bouleversements cataclysmiques qui ont transformé et refaçonné le paysage. Selon Rick Hill, c’est cet épisode qui a donné aux chutes leur configuration actuelle. Pour faire échec aux monstres créés par son frère, le Créateur a donné vie à des êtres de tonnerre, qui, avec des claquements et des secousses inhérents à leur nature, ont forcé les monstres à retourner sous terre. À l’arrivée des touristes, les êtres de tonnerre ont quitté les chutes en direction de l’ouest jusqu’aux Rocheuses, et reviennent chaque année en apportant avec eux la pluie. Le film met en lumière la coupure du lien culturel en raison des agressions coloniales et et des approches méthodologiques extractivistes axées sur le « progrès ». En raison de la commercialisation du monde naturel, la connection spirituelle a été coupé et des barrières se sont érigées empêchant d’établir une relation sacrée avec les lieux naturels. Nancy Barić et Steven J. Yazzie nous pressent de renouer avec les récits illustrant la puissance d’une vie équilibrée en illuminant les fissures qui surviennent lorsque la pollution, l’extraction et l’assujettissement forcé de la terre prédominent.

 

À propos de l'écrivaine

Erin Joyce est une écrivaine ainsi qu’une commissaire en art contemporain qui a organisé plus de 35 expositions aux États-Unis. Elle a remporté l’édition 2023 du prix Rabkin en journalisme spécialisé en art, décerné par la Dorothea and Leo Rabkin Foundation. Son travail a attiré l’attention de diverses publications comme Vogue, le New York Times, l’Art Newspaper, Forbes, The Economist, le Chicago Tribune, Hyperallergic et Widewalls. Erin Joyce vit et travaille à Phoenix, en Arizona.

À propos des artistes

Nancy Barić est une cinéaste et une artiste visuelle qui vit et travaille à Tiohtià:ke/Montréal. Ses films font partie des collections de l’école de cinéma Mel Hoppenheim et de La Grande Bibliothèque de Montréal. Son dernier film de fiction, Veronika, a été présélectionné dans le cadre du Top 10 des meilleurs courts métrages canadiens du Festival international du film de Toronto (TIFF). Ses films ont été présentés dans des revues telles que 24 images, no.131 (Canada, Québec), Let's Panic (États-Unis) et Terra Firma, no. 2 (Royaume-Uni).  

Steven J. Yazzie (Diné/Pueblo de Laguna/De descendance européenne) est un artiste multidisciplinaire qui travaille avec la vidéo, la peinture, la sculpture et les installations environmentales. Il est le cofondateur de Digital Preserve, un projet de production vidéo et de film qui privilégie les collaborations avec les communautés autochtones et les institutions artistiques et culturelles. Il est l'un des membres fondateurs du collectif artistique autochtone Postcommodity. Les œuvres de Yazzie ont été exposées au Museum of Modern Art, au National Museum of the American Indian, au Musée des beaux-arts du Canada, au Art Gallery of Ontario, au Museum of Contemporary Native Art et au Heard Museum.

Remerciements

Nancy exprime sa sincère gratitude à Rick Hill, Haudenosaunee et éminent érudit Autochtone, pour sa gracieuse participation à l'entretien.

Steven tient à exprimer toute sa gratitude à Freddie Johnson, qui est Diné, et à l'honorable Robert Yazzie (également Diné) pour leur contribution inestimable au projet de film "Mountain Song". 

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