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Blog post

Allégorie poétique sur la pandémie

February 25, 2021
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By Isabelle Guillard


Peinture de © Natalie Vassil, Voyage Céleste, 2019, Triptyque, 100 X 300 cm Cette toile se trouve sur le paquebot Le Jacques Cartier de la flotte du Ponant. Peinture de © Natalie Vassil, Voyage Céleste, 2019, Triptyque, 100 X 300 cm. Cette toile se trouve sur le paquebot Le Jacques Cartier de la flotte du Ponant.

« Par où faut-il commencer ? Comme toujours in « medias res », par le milieu des choses ». Latour, B. (2006). Changer de société, refaire de la sociologie. La Découverte.

Ce blogue explore de manière philosophique et poétique l’idée de repenser le monde, plus précisément la société et de notre relation avec la Terre. Cette pandémie a apporté son lot de changements, il faut bien l’admettre, mais cette période troublante de notre histoire n’est-elle pas une possibilité de construire des bases plus solides et durables pour un meilleur avenir ? Devant cette incertitude, il nous faut reconnaître les erreurs et les illusions qui nous ont menés jusqu’à cette crise sanitaire, mais il nous faut aussi agir rapidement afin de ne pas compromettre la capacité aux générations futures de répondre à leurs besoins (Rapport Brundtland, « Notre avenir à tous », 1987).

Comprendre les problèmes auxquels nous sommes confrontés, c’est analyser les forces dominantes, leurs modes de production et de représentation sociale. C’est déceler les contradictions et faire de nouveaux assemblages en se référant à différents domaines de connaissance et aux êtres qui les composent. À l’ère du numérique, cette tâche devient de plus en plus complexe, puisque le progrès lié aux technologies exige des changements constants et une efficacité toujours plus accrue de notre pratique professionnelle. Cette pandémie nous a fait basculer du jour au lendemain au télétravail et aux cours en ligne sans avoir eu le temps de nous y préparer et d’évaluer leurs impacts à long terme. Le temps est souvent une notion qui nous échappe. En moins d’un an, la science a réussi à fabriquer un vaccin, créant ainsi une vive concurrence auprès de l’industrie pharmaceutique. Le commerce électronique de détail a vu doubler ses chiffres d’affaires, entraînant une hausse des produits d’emballage et d’équipement à usage unique (plastique, carton, gants, masques, lingettes désinfectantes, etc.).  Sans compter l’image projetée des médias sociaux qui nous isolent du territoire avec lequel nous cohabitons et de cette temporalité du vivant. Nous sommes bien loin des enjeux réels des changements climatiques que les scientifiques anticipent depuis plusieurs décennies. La technoscience peut s’avérer paradoxale si l’on considère qu’elle en est l’unique vérité capable de rétablir l’unification entre l’homme et la nature.

Bien que les causes exactes de la transmission de la Covid-19 n’ont pas encore été identifiées avec certitude, plusieurs études y compris celles de la Banque mondiale, affirment que les changements climatiques accroissent de façon significative la propagation de maladies infectieuses. La dégradation des habitats naturels due à la déforestation, l’agriculture intensive et la croissance de la population, entraîne la migration des animaux et augmente le lien entre eux et les humains, ce qui a pour effet d’accélérer la prolifération de pathogènes zoonotiques (maladie de Lyme, Sras, grippe aviaire). Nous savons par ailleurs que la hausse des températures et la pollution de l’air sont aussi des facteurs qui peuvent influencer la propagation de virus et avoir des répercussions auprès des populations plus vulnérables. Les questions qui se posent sont nombreuses, mais indispensables puisque cette crise sanitaire est à la fois biologique, sociale et économique. Elle touche toutes les sphères de notre écosystème dont l’humain et le non-humain.

Selon les théoriciens néoclassiques, la croissance exponentielle ne peut arriver à l’état stationnaire, tant que le progrès technique (richesses, investissements publics et recherche-développement) apporte un rendement cumulatif. L’idée étant que l’innovation accroît la rentabilité et rend les travailleurs plus productifs et par conséquent génère une croissance constante. Le rapport Meadows (1972) en révèle un tout autre aperçu en précisant que l’exploitation irraisonnée des ressources naturelles aboutira éventuellement à l’effondrement du système économique mondial. Face à cette adversité, « combien de temps le développement peut-il encore durer »1 tout en assurant la coexistence et la protection de la biodiversité ? D’autres épidémies pourraient être encore plus dévastatrices si les points de bascule entraînent des phénomènes irréversibles tels que la fonte du pergélisol qui contiendrait des quantités de mercure, de méthane et de C02 équivalent à 15 années d’émission humaine. La Covid-19 n’aura eu qu’un effet à court terme sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C, il faudrait diminuer de 7, 6% les émissions mondiales de C02 par an sur une décennie.

© Natalie Vassil, Musical Cords N2, Paris 2017, acrylique, 97 X 130 cm. © Natalie Vassil, Musical Cords N2, Paris 2017, acrylique, 97 X 130 cm.

Dans cette perspective, il m’apparaît important de s’interroger sur la nature de l’espace-temps, de ces multiples dimensions qui nous relient au social afin de développer une plus grande conscience planétaire. Dans son livre « For Space » (2005), Doreen Massey décrit l’espace comme étant une sphère dynamique de formes hétérogènes qui par sa relation avec le temps pourrait offrir de nouvelles possibilités et ouvertures sur le futur « L'imagination de l'espace comme surface sur laquelle nous sommes situés, la transformation de l'espace en temps, la séparation nette du lieu local de l'espace extérieur; sont des manières d'apprivoiser le défi que présente la spatialité inhérente au monde 2 » [traduction libre]. Une reconfiguration de cet espace qui nous habite, mais aussi avec lequel nous interagissons dans notre vie au quotidien pourrait être une façon de trouver des alternatives effectives et affectives, logiques et sensibles, objectives et subjectives au-delà des frontières qui nous séparent et de nos différences.  Elle pourrait être une façon de résister à une spatialité homogène, à l’accélération du temps qui nous est imposé par les exigences du monde moderne et d’offrir une qualité de vie plus soutenable.

Herman Daly, l’un des pionniers de l’économie écologique a élaboré des principes sur lesquels reposent aujourd’hui les trois piliers du développement durable 3 :

  1. Pour le renouvellement des ressources naturelles, les taux de récolte doivent être égaux aux taux de régénération (rendement soutenu).
  2. Pour prévenir les effets de la pollution, les taux d'émission de déchets devraient être égaux aux capacités d'assimilation naturelle des écosystèmes dans lesquels les déchets sont émis.
  3. Pour les ressources non renouvelables, l’épuisement des ressources non renouvelables devrait exiger un développement comparable de substituts renouvelables pour cette ressource.

Le maintien d’un équilibre durable entre l’homme, la société et l’environnement dépend essentiellement de ces trois piliers. Pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris, il faudrait que chaque pays collabore à une entente climatique globale sur ces principes par des lois plus rigoureuses en matière de développement durable.

Recontrer Natalie Vassil


1 Freitag, M. (2006). Les ateliers de l'éthique, la revue du CRÉUM, vol. 1, no 2, p. 7.
2 Massey, D. (2005). For Space, Sage, p. 7.
3 Daly, H. E. (1990). Toward some operational principles of sustainable development. Ecological Economics (2)1–6.

About the author

Isabelle Guillard is an artist, art teacher and doctoral candidate in Art Education. She completed her master from Vermont College of Fine Arts in Montpelier. Her research interest focuses on the integration of ecological art and environmental education in the school curriculum. She also considers her own artistic practice as a field of research-creation. Her paintings depict natural spaces on the fringes of urban areas, revealing the tangled contradictions inherent in the relation between humans and the environment. Her works are part of public and private collections.

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