« Un moment charnière pour Concordia »

Dans ce message...
- Le point sur les défis budgétaires pour l'exercice 2025-2026
- Les modèles financiers traditionnels ne fonctionnent plus
- Faye Diamantoudi prendra la tête du développement commercial et de la production de revenus
- Exemples de changements que nous pouvons apporter
- Nous montrer dignes du titre d'« université nouvelle génération »
Une histoire qui se répète
À la fin des années 1990, l’Université Concordia vit des difficultés financières sans précédent. Les inscriptions diminuent continuellement depuis une décennie. Puis, le gouvernement provincial sabre les budgets de fonctionnement des universités de 25 % et cesse d’indexer les subventions, ce qui entraîne une perte supplémentaire de 12,5 %. En 1997, l’Université traîne une inquiétante dette accumulée de 40 millions de dollars alors que son budget est bien moindre qu’aujourd’hui. Certains se demandent alors inévitablement si l’Université Concordia, vieille de moins d’un quart de siècle, peut survivre.
Au plus fort de cette crise, l’Université fait quelque chose de remarquable. Notre communauté élabore une vision audacieuse pour son avenir et la met en œuvre avec détermination au cours de la décennie suivante.
L’Université prend des mesures radicales pour comprimer ses coûts et réduire la pression sur ses finances. Mais elle réalise également des investissements structurants afin de se différencier et de se doter de la capacité de grandir.
Prenant un risque calculé, Concordia innove en procédant à l’émission d’obligations d’une valeur de 200 millions de dollars. Elle utilise le capital recueilli pour construire les pavillons John-Molson et EV et rénover le pavillon Hall, au centre-ville. Elle construit le complexe des sciences Richard-J.-Renaud et modernise les pavillons des sciences Bryan et Drummond du campus Loyola.
C’est également au cours de cette période de stress financier intense que l’Université commence à accroître et à diversifier ses activités de recrutement, ce qui a pour effet de rendre sa population étudiante plus cosmopolite que jamais. Par la même occasion, Concordia clôt le chapitre de sa fusion de manière décisive en rationalisant les unités et les activités se déroulant sur chaque campus.
L’Université lance des programmes d’études avant-gardistes. En 2001, le Département de design ajoute les arts numériques à son offre. En 2002 est fondé l’Institut d’ingénierie des systèmes d’information de l’Université Concordia, qui se consacre exclusivement à la recherche et à la formation d’étudiantes et d’étudiants des cycles supérieurs. En 2000, l’école de gestion utilise un généreux don philanthropique pour lancer le programme de gestion de portefeuilles Kenneth-Woods, qui permet à des étudiantes et étudiants de gérer des millions de dollars en placements réels.
Il s’agit bien évidemment d’une période trouble, où les incertitudes et les écueils sont nombreux. Mais elle sert également de tremplin à plus de deux décennies de croissance ininterrompue et elle esquisse le parcours qui permettra à Concordia d’être reconnue aujourd’hui comme l’une des meilleures jeunes universités du monde.
Une situation similaire, mais une université plus forte
Nous savons tous qu’aucun moment de l’histoire n’est identique à un autre. Mais pour ceux parmi nous qui sont à Concordia depuis un bon moment, il est difficile de ne pas éprouver une impression de déjà vu. La pandémie est tout juste derrière nous que déjà nous voilà de nouveau plongés dans une situation financière désastreuse, principalement en raison de politiques gouvernementales successives visant à nous affaiblir.
Bien qu’il soit possible de trouver un peu de réconfort dans la décision que la Cour supérieure du Québec a récemment rendue en notre faveur, ce jugement à l’encontre de politiques gouvernementales déraisonnables et injustifiées représente en définitive une victoire morale bien plus qu’un gain matériel pour Concordia. Les dommages sont déjà faits. En outre, ces effets négatifs sont aggravés par le resserrement des politiques d’immigration qui a fait chuter les inscriptions d’étudiantes et d’étudiants étrangers, affaiblissant ainsi la réputation et les finances des universités de tout le Québec pour les années à venir.
Nous sommes à un autre tournant de l’histoire de Concordia. Ce qu’il y a de différent cette fois, c’est que nous nous trouvons dans une position fondamentalement beaucoup plus solide qu’il y a 25 ans, car nous disposons d’actifs et d’un bilan global beaucoup plus sains ainsi que d’une réputation encore meilleure.
Budget de fonctionnement de 2025-2026
Hier, nous avons présenté le budget de fonctionnement de l’Université pour l’exercice 2025-2026 à notre conseil d’administration. Conformément au plan de redressement approuvé par le conseil d’administration et le gouvernement en décembre 2023, qui prévoit le retour à l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans, le budget cible un déficit de 31,6 millions de dollars pour l’exercice. Pour atteindre cet objectif, nous devons réaliser 53 millions de dollars d’économies et de nouveaux revenus.
Compte tenu des dépenses et des revenus que nous prévoyons, si nous ne prenons aucune mesure, notre déficit sera de 84 millions de dollars. Ainsi que nous l’avons fait récemment, nous devrons conséquemment continuer à réduire bon nombre de nos dépenses, notamment en diminuant encore plus nos coûts de main-d’œuvre, en limitant les frais liés aux activités et en réduisant des services. Or, en raison des mesures que nous avons déjà prises et des sacrifices que la communauté a déjà consentis, nous avons de moins en moins d’options à notre disposition. Nous devrons donc faire preuve d’encore plus de discipline, car des choix toujours plus difficiles nous attendent.
S’il n’y a pas lieu de se réjouir, il est tout de même encourageant de constater que nos importants sacrifices et notre volonté commune de prendre des décisions difficiles nous ont permis d’obtenir les résultats escomptés au cours des deux premières années du plan de redressement. Ces résultats sont remarquables compte tenu des perturbations ayant bouleversé la formule de financement et le contexte de recrutement, car les règles du jeu ont considérablement changé au cours de cette période.
Je vous invite à consulter le site de l’Université pour prendre connaissance du budget de l’exercice 2025-2026, voir les mesures supplémentaires de réduction des coûts qui seront mises en œuvre et lire la plus récente foire aux questions à ce sujet.
Le gouvernement est engagé dans une spirale de désinvestissement
Malheureusement, comme si les défis à venir n’étaient pas suffisants, le plus récent budget du gouvernement du Québec ne fait qu’empirer les choses.
En 2025-2026, le gouvernement n’investira pas un sou de plus dans notre fonctionnement. Il a également annoncé que les subventions aux universités seraient gelées l’an prochain. En outre, de mémoire, il s’agit de la première fois que l’État ne couvre pas le coût des augmentations de salaire négociées avec nos syndicats bien qu’elles soient conformes à sa propre politique salariale. Enfin, le gouvernement cessera de financer des projets – en génie et en enseignement, notamment – d’une valeur de près de 12 millions de dollars pour Concordia.
Oui, vous avez bien lu. Malgré la rhétorique ministérielle, si l’on fait le compte, on constate que le gouvernement réduit considérablement le financement de l’ensemble du secteur universitaire.
Nos difficultés budgétaires sont d’ordre structurel
L’effet corrosif que les récentes décisions politiques auront chaque année sur les finances de Concordia signifie que nous faisons désormais face à un déficit structurel inévitable. Les salaires, qui constituent de loin notre plus importante dépense, continuent d’augmenter. En revanche, notre population étudiante, dont nous tirons la majeure partie de nos revenus, est en baisse (d’environ 700 étudiants à temps plein en 2024-2025). Le profil de cette population (pays d’origine, programme d’études et type de revenu) évolue également.
Où cela nous mènera-t-il? Dans le passé, nous avons connu des difficultés budgétaires lorsque les coûts augmentaient plus rapidement que les revenus. Or, le défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui est le suivant : alors que les coûts continuent d’augmenter, nos revenus diminuent. En fait, nos revenus de l’an prochain seront inférieurs à ceux de cette année, une première dans l’histoire de Concordia.
Pérenniser financièrement notre mission
En tant qu’université, l’essentiel de notre mission consiste à construire et à transmettre le savoir au moyen de l’enseignement et de la recherche. Comme nous n’avons pas d’objectif plus important, celui-ci doit par conséquent orienter toutes nos décisions actuelles et à venir. C’est pourquoi, afin d’assurer la viabilité de notre mission, il est devenu essentiel de tracer une nouvelle voie vers la stabilité financière.
Pour ce faire, l’Université doit élaborer un nouveau modèle budgétaire ainsi qu’un plan d’affaires à plus long terme tout en continuant à remplir les engagements inscrits dans son plan de redressement, ce qui est nécessaire pour protéger sa cote de crédit et maintenir ses coûts d’emprunt actuels.
Comme d’autres universités, Concordia utilise depuis longtemps un modèle budgétaire qui s’appuie sur la croissance de l’effectif étudiant. Nous calculons nos dépenses pour l’exercice à venir et produisons les revenus nécessaires pour couvrir ces dépenses en recrutant de nouvelles personnes étudiantes. Parce que ce modèle axé sur la croissance ne tient plus, nous devons maintenant inverser notre approche en estimant nos revenus à venir et en adaptant nos coûts en conséquence. Il s’agit d’un changement majeur pour notre université et il exigera une adaptation difficile à un nouveau type de discipline fiscale.
Du même coup, nous devons transformer notre modèle économique pour qu’il devienne moins vulnérable aux changements politiques inopinés. Il sera possible d’y parvenir en continuant de nous faire économes et de repenser nos activités et notre structure tout en augmentant les revenus tirés de la recherche et de nos programmes d’études en examinant de nouvelles possibilités et activités.
Pour faire avancer ce dossier, j’ai demandé à Faye Diamantoudi d’assumer les nouvelles fonctions de responsable du développement commercial et de la production de revenus, ce qu’elle fera parallèlement à son rôle de doyenne de l’École des études supérieures. À la tête d’une petite équipe, Faye trouvera de nouvelles occasions d’affaires pour l’Université, et elle collaborera avec des partenaires internes pour en tester la viabilité.
De nos nouvelles façons de penser naîtront de nouvelles possibilités
Nous savons que de bonnes idées émergent de partout dans notre université, et ce ne sont pas les exemples de l’évolution de Concordia qui manquent autour de nous.
La Faculté des beaux-arts ouvrira bientôt la voie de la transformation en fusionnant les départements de musique, de danse et de théâtre dans une nouvelle École de la scène, ce qui permettra à la fois de donner une plus grande visibilité aux programmes existants, de rationaliser les coûts et d’augmenter les occasions pour les étudiantes et étudiants d’enrichir leur parcours universitaire grâce à l’approche transdisciplinaire préconisée.
Bien qu’elle soit encore toute jeune, l’École de la santé a mis à profit sa détermination et son sens de l’organisation pour étendre et mieux cibler ses activités. Grâce principalement aux revenus supplémentaires qu’elle génère, l’école coûte moins cher à l’université que le Centre PERFORM ne le faisait à lui seul.
Dans le secteur de la recherche, l’Institut d’IA appliquée et l’Institut des villes nouvelle génération font sentir leur présence et créent de nouvelles sources de revenus en approfondissant leur collaboration avec des partenaires des secteurs public et privé. Pendant ce temps, en plus de procéder à la plus vaste campagne de recrutement de doctorants de l’histoire de l’Université, le programme Volt-Age se penche, conjointement avec le Vice-rectorat à la recherche, à l’innovation et au rayonnement, sur de nouvelles avenues concrètes pour stimuler la commercialisation des travaux de recherche.
L’une des occasions les plus intéressantes qui s’offrent à Concordia est d’exploiter le changement qui s’opère dans la manière et le moment que choisissent les apprenants pour poursuivre des études supérieures. Si nous continuerons à combler les besoins de notre clientèle habituelle de personnes étudiantes du premier cycle et des cycles supérieurs, nous devons tenir compte du fait que le monde de l’enseignement s’adapte rapidement pour répondre aux besoins des nouveaux apprenants, qu’il s’agisse de professionnels en quête de perfectionnement, d’étudiants étrangers poursuivant leur formation à distance ou de partenaires de différents secteurs et territoires cherchant à développer une expertise précise.
Dans la foulée de l’initiative de Concordia pour l’Afrique, l’École de génie et d’informatique Gina-Cody, en collaboration avec le projet Technology For Peace du Programme des Nations Unies pour le développement et l’organisme GIVE1PROJECT a lancé un programme hybride de courte durée de formation en cybersécurité à l’intention des jeunes de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale. À la suite du projet pilote de 2023, plus de 20 000 demandes d’inscription ont été reçues pour 500 places disponibles dans la deuxième cohorte.
Au cours de l’année qui vient, nous prévoyons accueillir nos premières étudiantes et étudiants du premier cycle en génie chimique et des matériaux. Souvenons-nous que nous avions initialement proposé de créer ce programme d’études alors que nous étions en situation déficitaire depuis plusieurs années et que nous devions, tout comme aujourd’hui, nous conformer à un plan de redressement approuvé par le conseil d’administration et le gouvernement.
S’ajoutant aux activités de Formation continue Concordia, le travail de l’École de la Santé pourrait ouvrir d’autres possibilités en matière de formation professionnelle. De même, notre récent partenariat avec Hydro-Québec et Énergir pour doter le campus Loyola de solutions énergétiques novatrices dans le cadre de l’initiative PLAN/NET-ZÉRØ pourrait donner à Concordia un avantage de premier plan en matière d’enseignement, de formation et de recherche dans ce domaine crucial.
Le projet du campus Loyola montre que notre parc immobilier et nos infrastructures constituent deux de nos actifs les plus importants, et nous devons également examiner d’autres manières d’en optimiser l’utilisation.
Une communauté fière et déterminée
Les temps sont durs pour le monde de l’Enseignement supérieur, et il en va de même pour Concordia. Il ne sert à rien de nier cette réalité.
L’ensemble du secteur est soumis à un test de résistance. Bon nombre des hypothèses financières qui nous ont guidés dans le passé ne sont tout simplement plus valables. Les principales sources de financement sur lesquelles nous comptions depuis longtemps ont disparu ou sont devenues aléatoires.
Fort heureusement, la créativité ne manque pas à Concordia. Nous aurons d’ailleurs besoin plus que jamais de l’ingéniosité de notre communauté afin de proposer une vision inspirante de ce que notre université peut devenir alors que nous entamons le parcours qui suit nos 50 premières années.
Nous avons de quoi être fiers quand on pense à ce que nous avons accompli en relativement peu de temps et en dépit de bien des pronostics. Concordia continuera de jouer un rôle important dans l’avenir de Montréal, du Québec, du Canada et du monde.
Mais pour y arriver, nous devons nous surpasser. Nous devons changer, parfois de manière fondamentale dans certains grands secteurs, et nous devons le faire de toute urgence.
Voilà 10 ans que nous présentons Concordia comme l’université nouvelle génération. Le moment est venu de soutenir cette prétention.
Cela ne sera pas chose facile. Il faut s’attendre à des déconvenues, à des frustrations et à des épreuves. Or, ces difficultés seront encore plus pénibles et tenaces si nous n’agissons pas maintenant. Nous – j’entends par là l’ensemble de notre communauté – n’avons d’autre choix que de saisir cette occasion et de faire preuve d’audace, de vision et de stratégie.
L’Université a affronté l’adversité par le passé. Ensemble, nous ferons en sorte que l’histoire se répète en nous montrant plus forts cette fois-ci encore.
Graham Carr
Recteur et vice-chancelier