Transformer l’anxiété liée à la prise de parole en public en solides compétences narratives

La prise de parole en public a toujours fait partie des sources d’anxiété les plus courantes dans le monde du travail. Cela s’explique en grande partie par la pression énorme qu’elle génère.
C’est une compétence qui peut ouvrir des portes, améliorer la communication au quotidien et influencer la façon dont les autres vous perçoivent. Pourtant, la peur qui accompagne la prise de parole en public empêche souvent les professionnels de s’améliorer.
C’est exactement ce que constate André Durocher, ancien porte-parole de la SPVM, dans sa classe.
« Très peu de personnes participant à ce cours envisagent de devenir des conférenciers professionnels, souligne-t-il. La plupart souhaitent simplement se sentir plus à l’aise lorsqu’elles doivent présenter un exposé dans le cadre de leur travail. »
André Durocher, qui donne le cours Effective Public Speaking (« s’exprimer efficacement en public ») à Formation continue Concordia, pense que la plupart des gens sont plus habiles qu’ils ne le croient. Avec les bonnes techniques, même les personnes les plus nerveuses peuvent apprendre à communiquer avec clarté, calme et confiance.
Acquérir de l'experience en public
André Durocher ne se destinait d’ailleurs pas à une carrière axée sur la prise de parole en public. Au début des années 2000, alors qu’il compte déjà 30 ans de carrière au sein du Service de police de la ville de Montréal (SPVM), un incident survenu dans son secteur attire l’attention des médias. Ses supérieurs lui demandent alors de s’adresser aux journalistes, ce qu’il n’avait jamais fait auparavant.
Cette expérience se déroule si bien que quelques jours plus tard, il estnommé chef de la division des relations publiques du SPVM. Aujourd’hui, M. Durocher occupe le poste de directeur des relations communautaires et de la sécurité routière au sein de l’Association canadienne des automobilistes(CAA), un rôle qui le tient sous les feux de la rampe.
Bien qu’il ait fait ses débuts en relations publiques en contexte de crise, M. Durocher affirme que ses enseignements s’appliquent aux professionnels de tous les secteurs, y compris ceux qui travaillent en mode virtuel, qui doivent d’adapter à différents publics ou qui souhaitent apprendre à gérer leur nervosité. Quelles que soient les circonstances, M. Durocher insiste sur le fait qu’une communication efficace repose avant tout sur l’authenticité.
Authenticité et lien plutôt que perfection
De nombreuses personnes apprenantes arrivent au cours complexées par leur voix ou leur accent. André Durocher s’efforce de dissiper leurs doutes.
« Votre public ne se soucie pas de votre accent, souligne-t-il. Ce qui lui importe, c’est ce que vous dites. Si vous êtes authentique, les gens ressentent une connexion avec vous. »
Il relativise également la peur du jugement.
« Un ami m’a dit un jour que la timidité était en fait une forme de narcissisme, témoigne-t-il. Vous pensez que tout le monde vous regarde. Pourquoi vous croyez-vous si spécial? Les gens ne vous regardent pas. Ils pensent à eux-mêmes. »
Aider les personnes apprenantes à se concentrer davantage sur les besoins de leur public plutôt que sur leurs propres insécurités est au cœur de son enseignement. Plutôt que de considérer les présentations publiques comme un exercice de mémorisation, M. Durocher les présente comme un exercice d’adaptabilité. Il constate que les intervenants qui se fient trop à leurs notes écrites ont souvent du mal à s’adapter lorsque la situation change. Il est bien plus efficace de pouvoir s’exprimer naturellement, avec ses propres mots, et de réagir à l’auditoire.
« Dites-moi de quoi il s’agit, [ne vous limitez pas] au texte », insiste-t-il.
Se préparer au-dela des mots
André Durocher enseigne à ses élèves que bien parler en public va au-delà des mots. Notamment, il les aide à prendre conscience de leur langage corporel et de leur façon de s’exprimer. Il souligne également l’importance de s’adapter à son public. Même si le message reste le même, la manière dont vous le communiquez à votre auditoire est cruciale.
La plupart de ses élèves sont des professionnels qui doivent savoir présenter efficacement dans le cadre de leurs fonctions. Certains occupent des postes de direction, d’autres s’expriment pour la première fois dans une deuxième ou une troisième langue. Afin d’accompagner ces apprenants aux profils variés, M. Durocher évalue chacun d’eux en fonction de ses progrès personnels, et non par rapport aux autres.
Le cours commence par une brève réflexion écrite sur les forces et les faiblesses de chaque personne apprenante. André Durocher note que très souvent, les gens se trompent sur ce qui constitue leur plus grande difficulté, croyant que le problème réside simplement dans leur nervosité ou la barrière linguistique, alors que des facteurs tels que la posture, l’interaction avec le public et même la configuration visuelle jouent un rôle tout aussi important.
« Imaginez le nombre de facteurs de stress potentiels que vous éliminez simplement en vous préparant et en vérifiant la salle, l’éclairage, vos polices de caractères, tout », énumère M. Durocher.
Des rétroactions dans un environnement bienveillant
Les élèves acquièrent des connaissances plus approfondies lors des séances d’entraînement, au cours desquelles ils reçoivent des commentaires de M. Durocher et de leurs pairs. L’enseignant veille à ce que l’environnement reste constructif et propice à l’apprentissage pratique.
« Personne n’est ici pour être humilié, souligne-t-il. Nous sommes tous ici pour nous améliorer. »
Pour illustrer l’importance de rester dans l’instant présent, l’ancien policier raconte une anecdote à propos d’une conférence de presse qui s’est tenue il y a plusieurs années, au cours de laquelle il a été poussé à donner des détails sur une opération menée dans un hôtel et impliquant des membres d’un groupe de motards.
Il devait réagir rapidement.
« On peut raisonnablement supposer qu’ils n’échangeaient pas des cartes de hockey », avait répondu M. Durocher.
Cette citation a fait la une des journaux. Elle s’est révélée efficace parce qu’elle a su toucher le public, désamorçant la tension sans dévoiler de renseignements sensibles.
Pour M. Durocher, l’objectif lorsqu’on s’adresse à un public n’est pas d’impressionner, mais d’être compris.
« À la fin du cours, vous ne serez pas parfait, mais vous serez meilleur qu’au début, affirme-t-il. La seule personne que vous devez surpasser, c’est vous-même. »