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Notre avenir culturel passe par un soutien à la relève artistique
Cet articlé a été publié dans Le Devoir.
Alors que les enjeux de souveraineté économique, politique et culturelle sont projetés à l’avant-scène par les agissements du président Trump et des oligarques qui l’entourent et l’encensent, il est plus important que jamais de penser et d’agir non seulement à court terme, mais aussi à moyen et long terme.
C’est certainement le cas pour le secteur culturel, dont le poids économique est dorénavant reconnu et même valorisé par les gouvernements et les milieux d’affaires, comme le confirmait une récente étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain qui soulignait l’effet de levier considérable des investissements culturels en matière de création d’emplois.
Avec un apport financier de 11 milliards de dollars à l’économie québécoise, l’industrie culturelle constituait 9,2 % du PIB de la grande région de Montréal en 2021. Son potentiel de croissance ne se dément pas et il pourrait être amplifié par un mouvement soutenu en faveur de la consommation et de la fréquentation culturelles de proximité au moment où les échanges en faveur des États-Unis sont en baisse.
Survie
Mais les arts, les lettres, le patrimoine et les industries culturelles représentent énormément plus que les chiffres et les données quantitatives auxquels il faut souvent recourir pour en démontrer l’importance.
Bien plus qu’un secteur d’activité économique, ils sont une dimension essentielle de l’existence et de la survie de toute communauté humaine. Ils sont aussi un ancrage et une perspective d’émancipation et de pleine réalisation pour toutes les personnes qui font partie de cette communauté ou qui aspirent à s’y joindre.
La culture est une condition du vivre-ensemble et la promesse d’un meilleur avenir commun. Pas étonnant, donc, qu’on réalise de plus en plus le potentiel des arts et de la culture comme facteurs de réussite des projets et initiatives en matière d’urbanisme, de santé physique et mentale, de réinsertion sociale ou de développement écologique durable.
Tout en retenant les apprentissages, les œuvres et les savoir-faire des générations précédentes, la culture évolue constamment d’une façon qui n’est pas linéaire. Ce mouvement, nous le devons en grande partie aux artistes, qui interrogent sans cesse nos rapports à la nature, à l’univers, à l’imaginaire et aux autres humains, qui créent des images, des mouvements, des écrits, des sons et des musiques pour nous permettre de mieux vivre nos vies. C’est pour cela que l’accès au patrimoine culturel et à la création actuelle ne doit pas être le privilège d’une minorité, mais un droit universel.
Idéal
L’offre culturelle, si vaste et diversifiée soit-elle, ne suffit pas à développer une culture de la culture. La responsabilité culturelle de l’État doit s’assumer grâce au système d’éducation : la transmission culturelle passe nécessairement par l’école et par l’enseignement supérieur.
À titre d’exemple, le programme Kulturtanken en Norvège, en collaboration avec les écoles et institutions culturelles, permet d’offrir aux jeunes un accès aux expériences artistiques, pour qu’ils deviennent ensuite des acteurs et des instigateurs de la culture.
Le journaliste Stéphane Baillargeon du Devoir évoquait récemment l’Université Jaume I (UJI) de Castellón, en Espagne, qui joue un rôle majeur de diffuseur culturel, en raison d’une politique culturelle imposée par la loi. Ces exemples montrent que les établissements d’enseignement ont un rôle crucial à jouer dans la formation et la transmission de la culture de façon durable.

Relève
La vitalité culturelle d’une société repose en grande partie sur les artistes, que nous nous devons de former et d’encourager. Pourtant, l’éducation supérieure, qui doit jouer un rôle stratégique en matière de recherche, de formation et de transmission culturelle, est encore sous-financée.
En effet, si le réseau universitaire a reçu une « augmentation » de 2,1 % cette année, celle-ci est bien en dessous du taux d’inflation et se traduit donc, comme le fait remarquer l’Union étudiante du Québec, par une décroissance nette.
Les établissements d’enseignement supérieur ont aussi la responsabilité de fournir aux artistes émergents les outils et les occasions favorables pour réussir leur transition vers la vie professionnelle. Par exemple, la Faculté des beaux-arts de l’Université Concordia a lancé la plateforme Art Volte, en 2020, pour soutenir ses diplômés, par le biais de mentorats, de formations, d’occasions de réseautage et de financement et d’expériences professionnelles rémunérées.
En près de cinq ans, plus de 1200 diplômés ont pu bénéficier de cette initiative unique en son genre, qui facilite leur insertion professionnelle et leur permet de contribuer pleinement au milieu culturel québécois.
Alliances
Toutefois, les établissements d’enseignement ne peuvent agir seuls. Des partenariats solides avec le politique, le secteur culturel et les acteurs des industries culturelles et du milieu des affaires sont plus que jamais nécessaires.
La Faculté des beaux-arts de l’Université Concordia s’engage donc dans des collaborations avec des organismes culturels influents, tels que le Musée d’art contemporain, l’Office national du film, la SODEC, la Place des Arts, Tangente, Zone 3, ainsi que de nombreux musées, centres d’artistes, festivals, revues, associations et institutions en tous genres.
Ces initiatives et alliances sont autant de pistes concrètes qui pointent vers un soutien structuré, qui ont un impact direct sur les artistes émergents, mais aussi sur les organismes culturels et la richesse — dans tous les sens du terme — de notre société.
Dans un contexte économique et politique fragile, notre culture doit s’affirmer davantage. Cependant, investir dans la culture sans intégrer l’éducation, c’est bâtir sur du sable. Il est impératif d’adopter une vision à long terme, ambitieuse et cohérente, où culture et éducation — deux leviers essentiels du progrès social et économique — agiront en complicité et en synergie.