La chercheuse engagée de Concordia Brogan Stewart décode les signaux subtils du comportement des macaques japonais
Du Japon au Lincoln Park Zoo, à Chicago, la chercheuse engagée Brogan Stewart (B. Sc. 2018; M. Sc. 2019) de Concordia a parcouru le monde pour réaliser ses recherches. La doctorante en sciences environnementales suit la piste des macaques japonais sauvages et en captivité depuis 2019.
Les travaux de Brogan Stewart consistent à examiner le comportement des macaques dans le but de mieux comprendre l’incidence de leur environnement sur leur niveau de stress. Elle observe également le comportement de singes nés avec un handicap afin de déterminer s’ils deviennent stressés plus tard dans la vie.
Amie des animaux et militante pour le climat, Brogan Stewart est membre fondatrice du comité sur l’urgence climatique, un groupe d’étudiantes et étudiants du premier cycle et des cycles supérieurs et de membres du corps professoral de Concordia qui ont uni leurs forces dans le but de contrer la crise climatique mondiale.
Les recherches de Brogan Stewart sont financées par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT), le Centre de la science de la biodiversité du Québec et l’Université Concordia.
« Il me faut apprendre à très bien connaître certains singes »
Qu’espérez-vous accomplir par vos travaux de recherche?
Brogan Stewart : Mes recherches ont pour but de déterminer si un singe est stressé par son environnement, pour que des changements appropriés soient apportés avant qu’il ne commence à manifester des signes de stress intense. Si vous avez déjà visité un zoo et vu un ours polaire balancer la tête d’avant en arrière, cela signifie que l’animal était stressé par son milieu de vie. Il avait probablement besoin d’un habitat plus étendu et de plus de complexité dans cet habitat pour le stimuler.
Nous avons également constaté ce type de comportements répétitifs moins complexes chez les primates lorsqu’ils sont stressés. Les singes font leur toilette en retirant les poux et les insectes de leur fourrure, mais il leur arrive de se livrer à cette activité de façon excessive, à tel point qu’ils en perdent leur poil. Je cherche à établir un lien entre ces comportements stéréotypés et l’environnement.
J’observe les changements de comportement subtils chez cinq groupes de macaques japonais : un groupe à l’état sauvage et un autre en liberté, et trois groupes en captivité. Les groupes à l’état sauvage et en liberté présentent le comportement idéal. Pour les trois groupes en captivité, j’observe leur environnement afin de déterminer s’ils disposent d’un espace tridimensionnel pour grimper et s’ils ont accès à un environnement stimulant sur le plan cognitif ainsi qu’à de la végétation, et cetera. Je cherche à déterminer s’il y a diminution de la complexité comportementale lorsque l’environnement est moins complexe.
Comment mesurez-vous la complexité du comportement des singes?
BS : J’utilise un type d’analyse appelé analyse fractale. Par exemple, si vous observez la feuille d’une fougère, vous constaterez qu’elle est la réplique exacte des folioles qui émergent de la tige, et que les plus petites folioles sont elles-mêmes exactement identiques aux plus grandes. Ainsi, un même schéma se répète à différentes échelles. Il s’agit là de structures fractales, et on en retrouve partout dans la nature.
Selon la théorie sur laquelle je m’appuie, le comportement animal présente aussi une structure fractale au fil du temps. Au même titre qu’il est possible de quantifier la complexité des structures fractales dans la nature, on peut quantifier la complexité des comportements animaux dans des données de séries temporelles. Il existerait donc un registre optimal de complexité adopté par les animaux lorsqu’ils sont en santé; lorsqu’ils sont stressés, leurs comportements peuvent se situer au-delà ou en deçà de ce registre. Ces comportements peuvent alors devenir plus périodiques, comme ceux des animaux dans les zoos, ou aléatoires et frénétiques.
Comment recueillez-vous les données sur les comportements des singes?
BS : Il me faut apprendre à très bien connaître certains singes. Dans un des groupes, au Japon, on comptait environ 500 individus, mais je n’en ai observé qu’une vingtaine pour mes recherches. Chaque jour, je devais différencier ces 20 singes des autres membres du groupe. On arrive à vraiment bien connaître ces animaux lorsqu’on passe des semaines à les observer.
J’établis donc ce qu’on appelle un échantillon focal d’une durée de 35 minutes. Pendant cette période, j’enregistre un singe et prends note de tous ses comportements : « se gratter, marcher, sauter, marcher. » Je peux alors remarquer toutes ses petites particularités et apprendre à connaître sa personnalité. Certains singes sont plus timides et doux, tandis que d’autres sont vraiment hyperactifs et plastronnent constamment.
Apprenez-en davantage sur le Programme des chercheuses et chercheurs engagés de l’Université Concordia.