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Varda Nisar, chercheuse engagée de l’Université Concordia, explore les visées politiques qui sous-tendent la création des musées du Pakistan ainsi que les stéréotypes qu’ils véhiculent

« Les institutions culturelles doivent miser sur l’inclusion, en particulier en ce qui a trait aux minorités »
24 février 2023
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« J’ai éprouvé un grand sentiment de vide lorsque j’ai vu les musées américains, parce que nous n’avons rien de semblable au Pakistan », raconte Varda Nisar.
« J’ai éprouvé un grand sentiment de vide lorsque j’ai vu les musées américains, parce que nous n’avons rien de semblable au Pakistan », raconte Varda Nisar.

Les musées jouent un rôle essentiel dans la création d’une identité nationale et la préservation du patrimoine culturel. Mais selon la chercheuse engagée de l’Université Concordia Varda Nisar, ils peuvent aussi se faire les promoteurs de certaines visées politiques et perpétuer des stéréotypes.

La doctorante au Département d’histoire de l’art examine les façons dont trois musées du Pakistan représentent les minorités ethniques et religieuses et les corps genrés. Au cours de ses recherches, elle a découvert que la plupart des musées pakistanais ont été construits sous des dictatures militaires, et qu’ils sont par conséquent profondément empreints d’une idéologie militariste contribuant à perpétuer des stéréotypes colonialistes préjudiciables aux minorités du pays.

La chercheuse a également constaté que de nombreux musées n’avaient pas renouvelé leur collection depuis leur création, ce qui, selon elle, témoigne d’un refus de s’ouvrir à l’évolution des points de vue et des idées.

Varda Nisar — qui est également fondatrice d’un festival artistique pour enfants à Karachi et a occupé le poste de directrice de la programmation éducative lors de la biennale de Karachi — abordera, dans le cadre d’une discussion en table ronde, les enjeux auxquels font actuellement face les musées sud-asiatiques. La rencontre, intitulée The Logic of Postcolonial Museums, se déroulera à ESPACE 4 le 6 mars prochain de 10 h à midi.

Elle animera également un balado en direct à ESPACE 4, intitulé What did we get ourselves into? Reflections from Emerging Curators, le 7 mars de 13 h à 14 h. À cette occasion, Varda Nisar et deux autres étudiantes en histoire de l’art décriront leur expérience d’organisation conjointe d’une exposition et d’apprentissage sur le tas. L’exposition en question, re* imagining / créer / building / faire / mapping / connaissance /..., débutera le 9 mars à la galerie FOFA et le 30 mars à la bibliothèque Webster.

Le public pourra assister aux deux événements, en personne ou en ligne.

Diorama exposé au Musée national du Pakistan, à Karachi.  | Photo : Varda Nisar Diorama exposé au Musée national du Pakistan, à Karachi. | Photo : Varda Nisar

« La production culturelle, le régime militaire et la propagande sont interreliés. »

Qu’est-ce qui vous incitée à vous intéresser aux musées du Pakistan?

Varda Nisar : Lorsque je me suis installée à Islamabad, capitale du Pakistan, je croisais chaque jour un monument national en me rendant au travail. Le monument est constitué de quatre grands pétales censés représenter les quatre principales communautés ethniques du pays. Cette idée — selon laquelle le Pakistan ne serait constitué que de quatre groupes ethniques — m’a frappée, parce que dans ce pays, différentes communautés luttent depuis longtemps pour être reconnues et représentées et faire entendre leur voix.

À partir du moment où j’ai porté attention au monument, je me suis mise à examiner d’autres lieux. J’ai fréquenté toute ma vie les musées de ma ville natale, Karachi. Mais je ne m’étais jamais encore arrêtée aux discours qu’ils véhiculaient. Une fois que l’on commence à creuser, on se rend compte que les dioramas des musées représentant des membres de différents groupes ethniques dans leur village proposent une vision désuète de ces minorités et sont porteurs d’une mentalité colonialiste. Ces images perpétuent certains stéréotypes.

Dites-nous-en davantage sur les musées du Pakistan.

VN : À Karachi, il n’y a que quelques musées étatiques. Ils ne ressemblent pas à ce que l’on rencontre dans les pays occidentaux. La plupart des musées publics du Pakistan présentent les mêmes expositions depuis leur création, et sont très dépassés. Les communautés n’ont pas voix au chapitre dans ces musées.

Il importe également de mentionner le lien entre la production culturelle et les dictatures militaires du Pakistan. L’armée est une institution investie d’un grand pouvoir depuis que le Pakistan a vu le jour, en 1947. L’armée régit les affaires extérieures du pays et prend toutes les décisions importantes.

Je constate dans mes recherches que les dictateurs instrumentalisent constamment la culture. Lorsqu’ils construisent des musées ou des infrastructures de grande envergure comme des barrages, ils utilisent un langage qui vante la modernité de ces réalisations : « Nous construisons un musée moderne »; « nous allons enfin avoir un musée d’art dans cette partie de la ville qui est complètement inaccessible par transport public ».

Les militaires investissent également des millions de dollars dans le tournage de films à gros budget et la diffusion de chants nationalistes. La production culturelle, le régime militaire et la propagande sont interreliés.

Comment les musées pourraient-ils devenir des lieux plus inclusifs?

VN : Si les musées ne prennent pas les moyens de devenir plus inclusifs, en particulier à l’égard des minorités, alors nous allons continuer à isoler et à exclure des pans entiers de la population, et les musées n’auront plus aucune utilité. Les musées peuvent jouer un rôle rassembleur et faire sentir à tous qu’ils sont les bienvenus. Ils peuvent y arriver en exposant des œuvres issues de groupes minoritaires et de régions éloignées, en engageant un dialogue avec ces groupes et en modifiant les perceptions à leur égard.


Apprenez-en davantage sur le
Programme des chercheuses et chercheurs engagés de l’Université Concordia.

Assistez à la discussion en table ronde The Logic of Postcolonial Museums, à ESPACE 4 (1400, boul. De Maisonneuve O.) ou en ligne le 6 mars de 10 h à midi.

Assistez au balado en direct What did we get ourselves into? Reflections from Emerging Curators, à ESPACE 4 (1400, boul. De Maisonneuve O.) ou en ligne le 7 mars de 13 h à 14 h.

 



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