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Chercheuse engagée à Concordia, Mieko Tarrius souhaite exposer les dynamiques raciales du développement urbain causé par la technologie

On ne peut étudier l’embourgeoisement sans prendre en considération la blanchité
4 octobre 2022
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« En tant que femme blanche immigrante d’origine française, j’ai commencé à m’interroger à savoir si je ne faisais pas partie du problème », fait remarquer Mieko Tarrius.
« En tant que femme blanche immigrante d’origine française, j’ai commencé à m’interroger à savoir si je ne faisais pas partie du problème », fait remarquer Mieko Tarrius.

Phénomène socioéconomique controversé s’il en est un, l’embourgeoisement préoccupe autant les urbanistes et les économistes que les organismes de justice sociale et les gouvernements, et ce, depuis des décennies. En effet, l’embourgeoisement a des conséquences réelles sur les personnes marginalisées partout sur la planète, et ces effets se présentent sous de nombreuses formes.

Doctorante en géographie et en études urbaines, Mieko Tarrius est chercheuse engagée à Concordia. Elle s’intéresse aux dynamiques raciales de l’embourgeoisement causé par l’émergence de secteurs associés à la haute technologie, ainsi qu’aux interactions entre ce phénomène et les notions de race et de blanchité.

Ses recherches s’appuient sur son expérience personnelle de la vie dans des quartiers marginalisés, en France et à New York. Ces deux régions ont connu une transformation considérable sous l’impact de l’embourgeoisement.

Cet automne, Mme Tarrius amorce sa thèse, laquelle vise à révéler les dynamiques raciales de l’embourgeoisement causé par la technologie dans Parc-Extension, à Montréal, et dans le quartier étudiant de University City, à Philadelphie, en Pennsylvanie.

Ses travaux reçoivent l’appui financier du Fonds de recherche du Québec – Société et culture et de Concordia.

« L’embourgeoisement sous toutes ses formes est un phénomène complexe »

En quoi consiste exactement l’embourgeoisement causé par la technologie?

Mieko Tarrius : C’est un phénomène multidimensionnel.

En quelques mots, il s’agit d’un embourgeoisement déclenché par les sociétés technologiques, qui forment une industrie mondiale. Par exemple, une jeune entreprise décide de s’installer dans un quartier marginalisé où le loyer est abordable. L’arrivée de l’entreprise a pour effet d’attirer d’autres capitaux et investissements, ainsi que des travailleurs et des touristes issus de milieux qui ne sont pas traditionnellement associés au quartier en question.

Étant donné qu’il y a de moins en moins de logements et d’espaces commerciaux pour la population qui habitait déjà le quartier, celui-ci se transforme. Outre le déplacement physique des résidents forcés d’aller s’établir ailleurs, on observe aussi un changement de vocation commerciale et de culture.

L’embourgeoisement causé par la technologie peut également faire référence aux géants mondiaux des technologies, comme Airbnb ou Uber, et à l’incidence de ces entreprises sur les marchés traditionnels du logement et de l’emploi qu’on associe aux personnes marginalisées.

Votre expérience de vie dans le quartier Crown Heights, à New York, a grandement inspiré vos travaux de recherche actuels. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

MT : Quand je me suis installée à New York au début des années 2010 pour faire ma maîtrise, le seul quartier qui correspondait à mes moyens financiers était Crown Heights, un quartier pauvre à prédominance noire et juive hassidique, situé dans l’arrondissement de Brooklyn.

Durant les quatre années où j’y ai vécu, j’ai vu des restaurants et des bars locaux qui s’y trouvaient depuis des lustres faire place à de gigantesques immeubles de grande hauteur.

En tant que femme blanche immigrante d’origine française, j’ai commencé à m’interroger à savoir si je ne faisais pas partie du problème. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience que je ne pouvais pas étudier l’embourgeoisement sans réfléchir à la race, à la blanchité et à la position que j’occupe – c’est-à-dire sans comprendre en quoi mon identité et mes privilèges dictent mon point de vue, ma recherche, voire ma trajectoire personnelle et universitaire.

Dans le cadre de vos travaux, vous serez appelée à interviewer des gens qui vivent dans ces quartiers. Quelles méthodes entendez-vous utiliser pour recueillir ces données?

MT : Je crois fermement au pouvoir de l’image.

Je vais demander aux personnes que je rencontre de prendre des photos de leur quartier et de m’expliquer en quoi ses images sont importantes. Cette méthode est très utile en ce sens qu’elles suscitent les émotions et les souvenirs, ce qui permet d’approfondir la conversation.

Bien que vos recherches n’en soient qu’à leurs débuts, qu’espérez-vous accomplir au bout du compte en ce qui a trait au problème de l’embourgeoisement causé par la technologie et à son incidence sur les communautés racisées?

Je souhaite exposer l’ampleur des répercussions de l’embourgeoisement causé par la technologie sur les communautés racisées et vulnérables et amener les populations marginalisées à se mobiliser afin de mieux résister aux effets négatifs du phénomène.

Enfin, j’espère que mes travaux inciteront les têtes dirigeantes à prendre des décisions éclairées en matière de développement urbain, à tenir compte de la race et du privilège blanc dans leur réflexion et à travailler de concert avec les communautés marginalisées aux processus de planification et de mise en œuvre.


Apprenez-en davantage sur le
Programme des chercheuses et chercheurs engagés de Concordia.



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