Skip to main content

La chercheuse engagée de Concordia Ezgi Ozyonum souhaite décoloniser nos programmes d’étude

La doctorante se penche sur l’intégration des systèmes de connaissances marginalisés dans l’enseignement supérieur
28 octobre 2021
|
Ezgi Ozyonum : « Je défends la justice sociale et la justice cognitive. »
Ezgi Ozyonum : « Je défends la justice sociale et la justice cognitive. »

Comment pouvons-nous promouvoir l’authenticité, l’éthique et le respect dans l’enseignement, la recherche et l’engagement communautaire? Quelles voix et perspectives sont absentes du matériel de cours? Qui occupe la place centrale? Qui reste en marge?

Voici quelques-unes des questions auxquelles Ezgi Ozyonum, chercheuse engagée de Concordia tente de répondre.

Les travaux de cette doctorante en éducation portent sur l’héritage colonial en éducation et l’intégration des systèmes de connaissances marginalisés dans les programmes d’études et la pédagogie.

« Les structures coloniales sont enracinées dans les universités et privilégient les normes, les standards et les savoirs eurocentriques, affirme-t-elle. Mes travaux de recherche explorent les façons de décoloniser l’éducation en milieu universitaire. »

Originaire de Turquie et scolarisée au Moyen-Orient, Mme Ozyonum a présenté ses travaux lors de conférences universitaires dans le monde entier, y compris celles de la Société d’éducation comparée et internationale et l’American Educational Research Association. Elle est une membre active du Carrefour des perspectives et pratiques de décolonisation.

« La colonisation prévoit le contrôle de la production du savoir »

Pour celles et ceux qui ne le savent peut-être pas, pourriez-vous expliquer sur quoi repose le concept de la décolonisation?

Ezgi Ozyonum : La décolonisation est un processus visant à remettre en question les discours coloniaux en dépassant le cadre de l’inclusion et de la sensibilisation aux cultures. Elle consiste à perturber l’oppression systémique, à décentrer les paradigmes dominants et à amplifier la voix des personnes traditionnellement marginalisées.

La colonisation n’est pas un événement historique. Elle ne se limite pas à la conquête et à la colonisation d’un territoire; il s’agit d’un système de domination qui contrôle la production du savoir.

Comment peut-on décoloniser un programme d’études universitaires?

EO : Le point de départ de la décolonisation est en chacun de nous. Il est essentiel de participer aux discussions sur la décolonisation des programmes d’études et aux ateliers sur la déconstruction des plans de cours. On peut se poser les questions suivantes : la structure du cours offre-t-elle la possibilité d’échanger et de générer en synergie des connaissances? De quelles façons les systèmes de connaissances autochtones et d’autres groupes marginalisés sont-ils intégrés au matériel de cours?

Diriez-vous que les institutions et les cultures réussiront un jour à se défaire totalement de leurs préjugés fondamentaux envers « l’autre »?

EO : Oui, mais pas dans un avenir proche. L’élimination des préjugés exige un engagement à long terme.

Nous devons décoloniser, et non perpétuer, les discours racistes, sexistes et coloniaux. Nous devons transformer les structures et mieux comprendre comment la diversité et l’inclusion authentiques se manifestent.

Selon la chercheuse autochtone Linda Tuhiwai Smith, l’expérience des Autochtones n’était pas prise en compte, et ceux-ci n’étaient pas considérés comme des humains à part entière. On prétendait qu’ils n’inventaient rien, ne créaient aucune institution et ne produisaient rien d’important. La société ignorait les modes de connaissance non occidentaux.

Nous intégrons maintenant la pluralité des savoirs dans nos programmes d’études et notre pédagogie, ce qui aidera les institutions et les cultures à se défaire des préjugés fondamentaux qu’elles entretiennent envers elles-mêmes et autrui.

Vos travaux visent-ils essentiellement à amener le monde occidental et ses institutions à prendre davantage conscience de leurs rapports historiques avec les autres régions du monde?

Je défends la justice sociale et la justice cognitive, mais la première ne peut exister sans la deuxième.

Je veux dire par là que l’injustice cognitive est au cœur des systèmes de production du savoir depuis le début du colonialisme des temps modernes. Mes travaux de recherche soutiennent la justice en fonction de l’épistémicide (le génocide des épistémologies). Le combat pour la justice sociale comprend la quête de justice cognitive (épistémique).

La chercheuse autochtone Marie Battiste a élaboré une conception du « culturalisme » qui nous aide à comprendre comment la culture dominante est devenue universelle et est considérée comme le point de vue neutre sur le plan universitaire et pédagogique.

Les établissements d’enseignement supérieur au Canada lancent actuellement leur propre stratégie de décolonisation dans le but de transformer l’éducation. J’espère que cela permettra aux voix réduites au silence de s’épanouir dans le milieu universitaire.

Vous avez étudié en Turquie et en Occident. Selon vous, qu’est-ce que le Canada, l’Europe et les États-Unis ignorent de leurs liens aux autres cultures et régions?

Je crois que chaque culture et nation peut contribuer à rendre le monde meilleur. Si nous n’élargissons pas nos perspectives et que nous limitons nos connaissances à une partie du monde, l’humanité ratera de nombreuses possibilités de progresser. Le reste du monde produit également des connaissances, mais celles-ci ne sont pas reconnues ni valorisées.

Les modes de connaissance occidentaux sont assurément importants, mais il faut aussi admettre l’existence des autres modes de connaissance dans le monde. En tant qu’éducateurs et éducatrices, notre rôle consiste à construire un système d’intégration du savoir où toutes les connaissances sont égales. Beaucoup de personnes et d’établissements d’enseignement ont souffert des dynamiques de pouvoir caractérisant la production du savoir colonial.


Joignez-vous à Ezgi Ozyonum pour une démonstration virtuelle et interactive de déconstruction de plans de cours dans le cadre du Carrefour des perspectives et pratiques de décolonisation, le 8 novembre prochain de 12 h à 14 h.

Assistez à la conversation d’Ezgi Ozyonum avec la directrice de la décolonisation des programmes d’études et de la pédagogie de Concordia, le 10 novembre prochain de 13 h à 14 h.

Apprenez-en davantage sur le Département des sciences de l’éducation de Concordia et les chercheuses et chercheurs engagés de 2021-2022.

 



Retour en haut de page

© Université Concordia