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Une doctorante de Concordia crée une bande dessinée sur l’éducation autochtone au Québec

Dans son projet de recherche-création doctoral, Emanuelle Dufour explore sous plusieurs angles la réalité québécoise des Premières Nations
10 octobre 2019
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De gauche à droite : Marcel Lalo (animateur radio innu), Louis-Karl Picard-Sioui (écrivain wendat), Eve Batsien (conseillère, d’origine wendate), le chien Charlot-le-guerrier et Stanley Vollant (chirurgien innu) ont randonné, en 2011, de Québec à Wendake à l’occasion de la marche Innu Meshkenu. | Toutes les images nous ont gracieusement été fournies par l’artiste.
De gauche à droite : Marcel Lalo (animateur radio innu), Louis-Karl Picard-Sioui (écrivain wendat), Eve Batsien (conseillère, d’origine wendate), le chien Charlot-le-guerrier et Stanley Vollant (chirurgien innu) ont randonné, en 2011, de Québec à Wendake à l’occasion de la marche Innu Meshkenu. | Toutes les images nous ont gracieusement été fournies par l’artiste.

En 2016, la doctorante Emanuelle Dufour terminait le premier chapitre d’un projet de recherche-création intitulé J’ai une histoire à raconter : Les mémoires graphiques, outils de subjectivation et de rencontre.

Traitant de l’éducation autochtone au Québec, cette bande dessinée aborde plus particulièrement le rôle de la sécurisation culturelle dans la réussite des étudiants autochtones.

L’œuvre a fait partie des projets finalistes au concours « J’ai une histoire à raconter » du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Doctorante au Département d’éducation artistique de l’Université Concordia, Emanuelle Dufour propose maintenant un antépisode.

« Les événements de ce nouveau chapitre se déroulent avant ceux du précédent, explique-t-elle. Il s’agit d’une collection de souvenirs présentée sous forme imagée. Une quarantaine de collaborateurs – autochtones et non autochtones – ont participé à sa genèse. Les lecteurs y sont invités à entamer un processus d’autoexamen de leur attitude à l’égard des réalités autochtones. »

Jusqu’au 27 octobre, l’œuvre Des histoires à raconter : D’Ani Kuni à Kiuna est exposée au Département d’éducation artistique, situé dans le pavillon intégré Génie, informatique et arts visuels de l’Université Concordia.

De gauche à droite : Ellen Gabriel (militante kanien’kehá:ka) et Prudence Hannis (directrice associée de l’Institution Kiuna, d’origine abénaquise). De gauche à droite : Ellen Gabriel (militante kanien’kehá:ka) et Prudence Hannis (directrice associée de l’Institution Kiuna, d’origine abénaquise).

Incompréhension et récupération

Le titre de la bande dessinée fait allusion à Ani Kuni, une ritournelle bien connue au Québec. Popularisée en 1973 par Madeleine Chartrand, une chanteuse pop non autochtone, elle a longtemps été associée à la culture iroquoise.

Une enquête réalisée par la Société Radio-Canada en 2017 a toutefois révélé que ce chant provenait des Arapahos du Colorado et du Wyoming.

« La première partie du titre fait référence à une méconnaissance profonde de la chanson – qui n’a rien d’une berceuse, mais tout d’un chant de lamentation associé à la danse des esprits – de même qu’à une forme d'appropriation culturelle », précise Emanuelle Dufour.

« Je voulais signaler tant l’état d’ignorance dans lequel nous nous trouvons que l’isolement dans lequel le système néocolonial maintient les différents peuples habitant le territoire », poursuit-elle.

À l'opposé, la deuxième partie du titre fait référence à l’Institution Kiuna, un établissement collégial situé à Odanak par et pour Premières Nations, ainsi qu’à son précurseur, le Collège Manitou. Rappelons que le mot kiona signifie « nous » en langue abénaquise.

Mme Dufour a fait paraître des articles – évalués par ses pairs – sur le système des pensionnats indiens, la communauté du Collège Manitou et l’Institution Kiuna. En 2017, ces deux derniers articles lui ont valu respectivement le prix d’excellence en recherche de l’Université Concordia et le prix Étudiante-chercheuse étoile du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture.

De gauche à droite : Anna Mapachee (professeure d’anichinabé d’origine crie et anichinabée), Jacques Kurtness (professeur de psychologie et ex-négociateur innu) et Emanuelle Dufour (doctorante québécoise). De gauche à droite : Anna Mapachee (professeure d’anichinabé d’origine crie et anichinabée), Jacques Kurtness (professeur de psychologie et ex-négociateur innu) et Emanuelle Dufour (doctorante québécoise).

Se découvrir étrangère dans son propre pays

Lorsqu’on lui demande ce qui l’a incitée à conférer à sa recherche la forme d’une bande dessinée et à la publier, Emanuelle Dufour affiche un point de vue philosophique.

« À mon avis, mon parcours ressemble à celui de nombreux Québécois, dit-elle. Après avoir voyagé dans une quarantaine de pays, je me suis rendu compte que je n’avais jamais été à la rencontre de mes des Premiers Peuples du Québec. Pourtant, ma famille est établie ici depuis deux siècles. »

La doctorante cite un gazouillis de Jesse Wente, activiste et communicateur ojibwé : « Si des artistes canadiens non autochtones veulent créer des œuvres sur les pensionnats indiens, pourquoi ne s’en tiendraient-ils pas à la partie de l’histoire qui leur appartient? Ce n’est vraiment pas à eux de raconter le récit des survivants. Mais il y a un aspect de l’histoire qu’ils devraient explorer en profondeur [traduction libre]. »

Le nouveau chapitre jette un regard critique sur plusieurs enjeux, notamment la sous-représentation des Autochtones dans la société québécoise en général et dans le système éducatif en particulier, les répercussions de la crise d’Oka et les conséquences néfastes des stéréotypes. L’auteure espère ainsi contribuer au dialogue.

« La réconciliation est l’affaire de tout le monde, affirme-t-elle. À mon avis, ce message commence à se propager. L’incompréhension mène aux stéréotypes et aux préjugés, ce qui entraîne un manque d’empathie envers les membres des Premières Nations et nuit à la compréhension des enjeux auxquels ils sont confrontés. »

« Tout dialogue exige une certaine remise en question sur le plan personnel, et je pense que c’est le moins que nous puissions faire », conclut-elle.
 

Des histoires à raconter : D’Ani Kuni à Kiuna, le projet de recherche-création d’Emanuelle Dufour, sera exposé jusqu’au 27 octobre à la salle 2.635 du pavillon intégré Génie, informatique et arts visuels (1515, rue Sainte-Catherine Ouest).

Pour ne pas manquer le lancement – prévu au printemps 2020 – de cette bande dessinée romanesque, consultez périodiquement le site Web personnel d’Emanuelle Dufour.

Apprenez-en davantage sur le Département d’éducation artistique de l’Université Concordia.



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