Skip to main content

Le déclin cognitif peut être détecté grâce à l’analyse par réseau, selon des chercheurs de l’Université Concordia

Une nouvelle technique de visualisation des données et d’analyse indique quelles variables pourraient constituer les meilleurs indicateurs des changements subtils des fonctions cérébrales
9 avril 2024
|
Image d'un réseau cérébral

Il nous arrive à tous, à l’occasion, d’égarer nos clés de voiture ou nos lunettes. La plupart des gens ont raison de ne pas prendre ces oublis au sérieux et de les considérer comme une conséquence normale du vieillissement. Mais pour d’autres, ce type d’incident préfigure un déclin cognitif se manifestant par des signes inquiétants mais cliniquement indétectables menant à une déficience cognitive qui peut s’avérer relativement légère ou très grave comme la maladie d’Alzheimer.

La grande complexité du cerveau humain rend difficile le diagnostic précoce du déclin cognitif, ce qui peut avoir des conséquences importantes pour le traitement et la prévention. Cela est particulièrement vrai dans le cas du déclin cognitif subjectif, où une personne fait état de préoccupations concernant sa mémoire ou ses capacités cognitives, mais ne montre aucun résultat anormal lors des tests d’évaluation cliniques.

Cette problématique est au centre d’un récent article publié dans la revue Cortex par Nicholas Grunden, doctorant à Concordia, et Natalie Phillips, professeure au Département de psychologie de l’Université. Les auteurs proposent une nouvelle technique appelée analyse par réseau qui pourrait permettre de déceler les changements subtils associés au déclin cognitif subjectif qui ne peuvent être détectés au moyen des tests courants.

Cette approche s’appuie sur une modélisation de la performance cognitive se présentant comme un réseau de compétences cognitives entrecroisées qui reflète les relations entre différentes variables, ou nœuds. Ici, les nœuds correspondent aux résultats de plusieurs tests neuropsychologiques ainsi qu’aux caractéristiques des personnes participantes comme l’âge, le sexe et l’éducation.

En effectuant une analyse statistique de données obtenues par la fusion de deux vastes ensembles canadiens de données, les chercheurs ont pu visualiser la force des relations entre les différents nœuds chez des personnes considérées comme normales sur le plan cognitif (CN) ou qui ont reçu un diagnostic de déclin cognitif subjectif (DCS), de troubles cognitifs légers (TCL) ou de maladie d’Alzheimer (MA).

« Les nœuds sont connectés par des liens, qui représentent les associations conditionnelles entre eux, explique Nicholas Grunden. Chaque lien reflète les relations entre les variables. Présentent-elles une corrélation positive ou négative? Le réseau nous montre la force de ces associations en indiquant le degré de saturation des liens. Il s’agit d’une communication visuelle intégrée de résultats. »

Natalie Phillips a des lunettes et des cheveux noirs, Nicholas Grunden porte une chemise verte. « L’analyse par réseau nous permet de lire entre les lignes, parce que nous pouvons voir les interrelations entre l’ensemble des variables en même temps », affirment Natalie Phillips et Nicholas Grunden.

Visualiser le déclin

Après avoir construit les réseaux à l’aide des bases de données fusionnées, les chercheurs ont repéré deux nœuds qui exercent la plus forte influence sur le reste du réseau : la performance lors des tests d’évaluation de la fonction exécutive et de la vitesse de traitement. On sait que ces deux variables déclinent avec l’âge.

Toutefois, la force de ces deux nœuds diminue de façon marquée lorsqu’on passe du groupe des sujets ayant une cognition normale à celui des sujets présentant un déclin cognitif subjectif, puis à celui des sujets ayant un trouble cognitif léger. Selon ce gradient progressif, le DCS serait un stade intermédiaire entre la CN et les TCL.

« Nous avons trouvé ce constat très intéressant, parce qu’il met au jour un aspect lié aux préoccupations subjectives des gens et qui n’apparaît pas dans les analyses statistiques habituelles », relate Nicholas Grunden.

« La fonction exécutive et la vitesse de traitement sont des aptitudes cognitives importantes, car elles contribuent à d’autres habiletés (langage, attention) et sont essentielles au bon fonctionnement des personnes dans leur vie quotidienne. Nous savons que leur efficacité diminue avec l’âge, mais nous constatons aussi la présence de cette diminution aux stades initiaux de certains types de déclin cognitif progressif. »

L’incidence de l’âge

Les chercheurs ont également remarqué un important aspect des effets de l’âge. Bien que celui-ci soit l’un des principaux prédicteurs du déclin cognitif et qu’il influe de façon importante sur les capacités cognitives des personnes classées CN et DCS, cette influence s’atténue chez les personnes classées TCL ou MA. Pour ces personnes, d’autres nœuds mesurant les aptitudes cognitives ont plus de poids.

« En d’autres mots, tout bien considéré, le rapport causal entre l’âge et la cognition est le plus prononcé chez les adultes âgés qui ne montrent aucun signe de la maladie d’Alzheimer », explique Natalie Phillips, titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia sur la santé cognitive sensorielle, le vieillissement et la démence.

« Mais ce n’est pas le cas des personnes qui ont reçu un diagnostic de TCL ou de maladie d’Alzheimer. Pour ces gens, l’état des fonctions cognitives est davantage associé au stade où en est la maladie, indiqué par les mesures générales de l’état clinique obtenues au moyen de tests cognitifs standardisés tels que le test MoCA (Montreal Cognitive Assessment Test) ».

Nicholas Grunden fait valoir que l’analyse par réseau peut aider les chercheuses et chercheurs à examiner les fonctions cérébrales en tant que système plutôt qu’en tant que variables distinctes exerçant une action les unes sur les autres.

« Cette approche nous permet de lire entre les lignes, parce que nous pouvons voir les interrelations entre l’ensemble des variables en même temps, poursuit-il. On peut repérer des indicateurs qui sont moins apparents lorsque les données sont observées individuellement et se concentrer plutôt sur les associations entre les données. »

Le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT), la Fondation de la famille Lemaire et le Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique ont financé cette étude. Les chercheurs ont utilisé des données provenant des bases de données du Consortium pour l’identification précoce de la maladie d’Alzheimer – Québec (CIMA-Q) et de l’étude intitulée L’évaluation globale de la neurodégénérescence et de la démence (COMPASS-ND).

Lire l’article cité : A network approach to subjective cognitive decline: Exploring multivariate relationships in neuropsychological test performance across Alzheimer’s disease risk states. (« l’approche par réseau du déclin cognitif subjectif : exploration des relations multivariables des résultats de tests neuropsychologiques pour les divers degrés de risque liés à la maladie d’Alzheimer »).



Sujets tendance

Retour en haut de page

© Université Concordia