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Des chercheurs de l’Université Concordia constatent une diminution de la richesse génétique microbienne dans l’ouest de l’océan Arctique

« Des résultats modestes, mais statistiquement significatifs mettent en lumière la nécessité de pousser les études sur le sujet », affirment David Walsh et Arthi Ramachandran
13 février 2024
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L’Arctique subit les effets des changements climatiques à un rythme beaucoup plus rapide que les autres régions du monde. La fonte des calottes glaciaires, le ruissellement dû au dégel du pergélisol et d’autres facteurs modifient rapidement la composition de l’eau de l’océan Arctique. Et ces changements se font sentir jusqu’à l’échelle microbienne.

Dans le cadre d’une étude dirigée par l’Université Concordia et parue dans la revue ISME Communications, des chercheurs ont analysé des échantillons d’archives de populations de bactéries et d’archées (ou archaea) prélevés dans la mer de Beaufort, à la frontière du nord-ouest du Canada et de l’Alaska. Les échantillons ont été recueillis entre 2004 et 2012, une période qui comprend deux années charnières – 2007 et 2012 – au cours desquelles la couverture de glace de mer a été historiquement faible. Les chercheurs ont examiné des échantillons prélevés à trois niveaux d’eau : la couche mixte estivale; les eaux arctiques supérieures, situées en dessous; et les eaux d’origine pacifique, au niveau le plus profond.

Au cours de leurs travaux, les chercheurs ont examiné la composition génétique des micro-organismes sur une période de neuf ans à l’aide d’outils de bioinformatique et d’analyse statistique. À partir de ces données, ils ont pu évaluer l’incidence des conditions environnementales changeantes sur la structure et la fonction de ces microorganismes.

Les chercheurs ont constaté des changements subtils, mais statistiquement significatifs dans les populations étudiées.

« Nous avons observé une perte générale de la diversité des espèces dans toutes les masses d’eau », souligne David Walsh, professeur au Département de biologie et auteur source de l’article.

« Nous avons également observé des changements dans la composition des populations microbiennes, c’est-à-dire que nous avons noté la présence d’espèces différentes après l’atteinte du minimum de glace de mer de 2007 par rapport aux années précédentes. »

Toutefois, les périodes de diminution de la richesse des populations microbiennes variaient en fonction des couches d’eau étudiées. Ainsi, une baisse soudaine a été observée entre 2005 et 2007 dans les eaux mixtes estivales plus douces, soit entre 3 et 9 mètres de profondeur. Un déclin a également été constaté entre 2010 et 2012 dans les eaux arctiques supérieures, entre 16 et 78 mètres, alors que dans les eaux d’origine pacifique, entre 49 et 154 mètres, la régression s’est effectuée en deux temps – soit entre 2005 et 2007, puis entre 2010 et 2012.

David Walsh porte une barbe grisonnante, des lunettes et un pull bleu. Arthi Ramachandran a de longs cheveux noirs et porte un pull-over saumon. David Walsh et Arthi Ramachandran: « Nous avons observé une perte générale de la diversité des espèces dans toutes les masses d’eau et des changements dans la composition des populations microbiennes ».

Des résultats préliminaires

Les chercheurs se gardent bien d’exagérer les résultats de leurs travaux, précisant que les changements, bien que significatifs, restent légers. Mais comme la couverture de glace de l’Arctique durant la période estivale diminue de manière constante d’année en année, les données laissent entrevoir des tendances qui pourraient se confirmer dans le cadre de futures études de populations microbiennes sur des années plus récentes.

« Le réchauffement et l’adoucissement de l’océan Arctique s’accompagnent d’une diminution des nutriments essentiels à la photosynthèse, laquelle est responsable de la production de la matière organique servant de source d’énergie et de carbone au réseau alimentaire marin », explique le Pr Walsh.

« Ce déséquilibre risque de renforcer ce que l’on appelle la boucle microbienne, dans laquelle l’énergie et le carbone qui seraient normalement destinés aux niveaux trophiques supérieurs – c’est-à-dire au zooplancton puis aux poissons – sont rapidement recyclés par les microorganismes », poursuit-il. « Cet écosystème est déjà dominé par des processus microbiens qui ne feront que se renforcer au fur et à mesure de l’évolution du système. »

« Cette étude nous donne une idée de base de ce qui se passe dans l’Arctique », ajoute Arthi Ramachandran (Ph. D. 2023), coauteure de l’article. « L’Arctique se réchauffe quatre fois plus vite que le reste du monde, précise-t-elle, ce qui en fait un écosystème fascinant à étudier. Les océans sont tous interconnectés et leurs barrières physiques s’estompent de plus en plus. »

Un avenir océanique sous le signe du réchauffement et de l’adoucissement

Les chercheurs planifient actuellement une étude métagénomique à portée chronologique plus vaste, de manière à couvrir des périodes de minima de glace de mer encore plus marqués. Ils espèrent séquencer entièrement le génome des organismes afin de mieux comprendre la diversité des populations microbiennes et leur fonction dans l’environnement.

Les autres coauteurs de l’article sont Vera Onana, candidate au doctorat, Susanne Kraemer, d’Environnement et Changement climatique Canada, et William Li, de Pêches et Océans Canada.

Cette étude a été financée en partie dans le cadre du programme Découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

Lisez l’article cité (en anglais seulement) : A multiyear series (2004-2012) of bacterial and archaeal community dynamics in a changing Arctic Ocean.



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