Karen Li, professeure au département de psychologie, s’intéresse également à l’élaboration de méthodes autres que l’IRM pour détecter la neurodégénérescence. Ses recherches portent principalement sur l’évolution, avec l’âge, de notre capacité d’attention lorsque nous exécutons plusieurs tâches en même temps.
Certaines des études menées par son laboratoire consistent à demander à des personnes de faire un exercice, comme marcher sur un tapis roulant, tout en exécutant une tâche cognitive, comme une soustraction par trois.
L’une des conclusions les plus fréquentes du laboratoire de la Pre Li, c’est qu’un test portant sur l’exécution simultanée de plus d’une tâche peut en fait détecter les débuts de la neurodégénérescence avec plus de sensibilité qu’un test qui ne comporte qu’une tâche cognitive ou qu’une activité physique. Cela peut s’expliquer par le fait que les zones frontales du cerveau sont sollicitées à la fois par la marche et par le traitement cognitif.
« Ainsi, nous renversons en quelque sorte la situation : si ce sont les circuits neuronaux qui s’affaiblissent au cours du vieillissement et dans les maladies neurodégénératives, il nous faut donc trouver des moyens de renforcer ces circuits », explique la Pre Li, qui est, comme Mme Phillips, membre du CCNV.
L’équipe multidisciplinaire du CCNV de la Pre Li étudie les interventions visant à améliorer la cognition et la mobilité chez les personnes âgées. Ses membres sont actuellement à la recherche de participants pour un vaste essai clinique évaluant l’effet de l’exercice aérobique modéré et d’un entraînement à la résistance, ainsi que d’un entraînement cérébral informatisé chez les personnes à risque de développer la maladie d’Alzheimer.
L’équipe espère s’appuyer sur ses propres recherches et sur celles d’autres chercheurs pour souligner l’importance de l’exercice physique et cognitif pour le bon fonctionnement des cerveaux vieillissants. « Le nouvel essai clinique tient également compte d’autres facteurs, tels qu’un bon sommeil et de bonnes habitudes alimentaires, explique la Pre Li. Cela permet de reconnaître que le soutien et l’amélioration de la santé cérébrale en vue de réduire le risque de démence sont des voies multidisciplinaires et à multiples facettes. »
Facteurs de risque supplémentaires
Le type de travail collectif auquel se livre l’équipe de la Pre Li est essentiel pour tenter de détecter et de prévenir une série si complexe de maladies, avance Mme Tremblay. « Surtout parce que nous savons que la démence est plus fréquente chez les populations défavorisées et dans les communautés ethniques en situation minoritaire. Nous avons besoin d’une approche collective plus forte pour tenter de résoudre ce problème. »
La bonne nouvelle, c’est que de plus en plus de chercheurs le reconnaissent, ajoute-t-elle.
Prenons l’exemple des travaux de simulation cérébrale menés par Habib Benali et son équipe. Selon le Pr Benali, rien de tout cela n’aurait été possible sans l’expertise de scientifiques canadiens et internationaux travaillant dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la neuro-imagerie, de la biologie informatique, de la santé numérique, de la génomique, de la recherche sur la maladie d’Alzheimer, des statistiques, de l’épidémiologie et d’autres disciplines.
Aujourd’hui, son équipe tente même d’inclure l’environnement des personnes dans les simulations cérébrales, ce qui nécessite une nouvelle série de collaborateurs.
« Si je veux suivre une personne pendant dix ans et prédire si elle développera la maladie, je dois inclure son environnement dans sa physiologie, fait remarquer le Pr Benali. C’est un très gros problème, mais c’est exactement ce sur quoi mon équipe travaille aujourd’hui. »
Ces facteurs de risque environnementaux peuvent avoir une grande importance. Selon un rapport publié en 2020 dans The Lancet, 40 % des cas de démence seraient attribuables à 12 facteurs de risque potentiellement modifiables, dont la pollution de l’air et le manque de contacts sociaux. Les autres facteurs de risque sont le manque de scolarisation, l’hypertension, les troubles auditifs, le tabagisme, l’obésité, la dépression, l’inactivité physique, le diabète, la consommation excessive d’alcool et les lésions cérébrales traumatiques.
« Pendant le vieillissement, le principal conseil à suivre est de rester actif, à la fois sur le plan physique et cognitif, et de trouver des activités qui vous motivent afin de limiter vos facteurs de risque cardiovasculaire, affirme Natalie Phillips. Faites tout ce que votre grand-mère vous aurait dit de faire : arrêtez de fumer, mangez plus de légumes, sortez prendre de l’air et faites plus d’exercice. »
Il est également important de garder espoir, ajoute-t-elle. Oui, le nombre brut de cas de démence augmente, mais c’est aussi parce que les personnes âgées de plus de 65 ans sont plus nombreuses qu’il y a quelques décennies.
« Dans les pays occidentaux, le pourcentage de personnes atteintes de démence dans la tranche d’âge la plus élevée est en fait en baisse par rapport à ce qu’il était il y a 20 ans, note la Pre Phillips. Cela s’explique probablement par les nombreux messages de santé publique concernant les facteurs de risque cardiovasculaire et l’amélioration générale de l’éducation et de la qualité de vie. C’est donc une bonne nouvelle qu’il faut retenir et sur laquelle nous devons continuer à nous appuyer. »
Lire la section de cet article intitulée « Quand bien dormir devient plus difficiile : De plus en plus d’études établissent un lien entre le manque de sommeil et la démence ».