La tordeuse des bourgeons de l’épinette est un insecte forestier qui se nourrit des arbres et peut causer d’importants dégâts lors des épidémies. Le Québec connaît d’ailleurs une infestation majeure depuis plus de dix ans, avec de vastes zones forestières gravement touchées. Au printemps, lorsque les tordeuses émergent, les jeunes larves doivent rapidement trouver de la nourriture pour survivre et croître. Cette étude s’est penchée sur la façon dont elles décident de rester sur leur arbre hôte ou d’en changer.
Emma Despland, professeure au Département de biologie de l’Université Concordia, et Bastien Bellemin-Noël, étudiant au doctorat, ont mené cette étude en collaboration avec un membre du Service canadien des forêts à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Ils ont ciblé deux essences hôtes courantes : le sapin baumier et l’épinette noire. Leur recherche visait à déterminer si le moment d’éclosion des bourgeons (aussi appelé « débourrement ») influençait le comportement de déplacement des larves. Ces minuscules chenilles ne peuvent pas se nourrir des aiguilles plus vieilles et coriaces : elles ont besoin de bourgeons frais.
Grâce à des expériences en laboratoire et sur le terrain, l’équipe a découvert que les larves choisissent activement de quitter les arbres dont les bourgeons ne sont pas encore ouverts. Ce départ — par un processus appelé « ballooning », qui consiste à se laisser emporter par le vent à l’aide d’un fil de soie — est une décision délibérée déclenchée par des conditions alimentaires défavorables. Toutefois, une fois dans les airs, la direction empruntée par les larves est aléatoire et dépend du vent, ce qui rend le processus risqué : elles peuvent atterrir dans des zones inhospitalières comme des lacs ou des terrains découverts.
Les larves quittaient plus fréquemment l’épinette noire en début de saison, car ses vieilles aiguilles sont plus difficiles à consommer. Le sapin baumier, même avec des bourgeons fermés, offrait un peu de nourriture et de protection, incitant davantage les larves à y rester.
« Ces décisions précoces ont des effets à long terme, explique Despland. Les larves qui partent tôt peuvent éviter de mourir de faim, et leurs choix influencent quels arbres seront défoliés. À mesure que les infestations se déplacent vers le nord et que le moment du débourrement varie en raison du climat, l’épinette noire pourrait devenir une cible plus courante. »
« Notre recherche montre que même à un très jeune âge, ces insectes prennent des décisions cruciales qui influencent la santé des forêts et la dynamique des épidémies d’insectes. »