Diplômée d’exception : Silvae Mercedes fait ses débuts au Festival de Stratford ce mois-ci

Artiste s’intéressant à la folie, autrice, productrice et créatrice de costumes, Silvae Mercedes, récemment diplômée de l’Université Concordia, fait ses débuts au Festival de Stratford ce mois-ci.
L’une des rares artistes sélectionnées pour le programme du Birmingham Conservatory (2025-2026), Silvae Mercedes jouera le rôle d’Audrey dans la pièce As You Like It de Shakespeare, mise en scène par Chris Abraham.
« C’est ma première pièce de Shakespeare, souligne-t-elle. Et ça se passe à Stratford, sur la scène du festival. C’est incroyable. C’est grâce à mes études à Concordia que j’en suis arrivée là.
« J’ai toujours eu l’impression de ne pas être une étudiante assez brillante pour Shakespeare, que je n’arrivais pas à expliquer clairement en classe pourquoi je pensais que certains aspects des personnages étaient importants pour l’histoire ou pour le moment que nous étions en train de vivre.
« Mon diplôme m’a donné l’occasion d’apprendre à “faire de la poésie” en me plongeant dans cette discipline, puis d’appliquer ces connaissances à d’autres aspects créatifs de ma vie. »
Combler ses lacunes en tant qu’« artiste, créatrice et être humain »
Le parcours artistique de Silvae Mercedes peut sembler atypique. « Je suis née et j’ai grandi dans un élevage de chèvres au fin fond du New Hampshire, raconte-t-elle. Il y avait une quinzaine d’élèves dans ma classe, de la première à la cinquième année. À l’époque, il me semblait impossible de quitter Kearsarge pour aller vivre à New York. »
Après avoir fréquenté l’Interlochen Arts Academy, elle a obtenu son diplôme de l’American Musical and Dramatic Academy. Elle venait tout juste de s’installer à Montréal lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé et entraîné l’arrêt temporaire des spectacles, ce qui l’a obligée à réévaluer sa situation.
« J’ai toujours aimé écrire et je voulais faire des études classiques, explique Silvae Mercedes. C’était l’occasion de cerner les lacunes qu’il me fallait combler en tant qu’artiste, créatrice et être humain. J’ai donc demandé l’admission au programme de création littéraire de Concordia. »
Elle a rapidement compris que ce nouveau projet et son expérience en théâtre étaient étroitement liés.
« J’ai suivi un cours de littérature en études queer et j’ai eu un déclic. C’était exactement ce que je cherchais dans ma pratique créative. »
Elle s’est finalement inscrite au programme de Honours en études anglaises et en création littéraire, avec une mineure en études interdisciplinaires de la sexualité, qui selon elle « cochait toutes les cases ».
« Les cours de poésie de Stephanie Bolster étaient très enrichissants sur le plan créatif, tout comme le cours de Liz Howard sur la poésie et la justice sociale. Ces deux professeures m’ont aidée à transposer dans la poésie tout ce que j’apprenais, puis Andre Ondino Furlani m’a aidée à appliquer ces enseignements au théâtre. J’ai appris à parler de ma pratique et à réfléchir à mon approche lorsque je crée des personnages. »
Élargir ses horizons
Silvae Mercedes s’est inscrite à Concordia dans l’intention d’explorer l’écriture. Au lieu de cela, son expérience universitaire a fini par enrichir et nourrir son amour du théâtre.
« On peut arriver avec une idée bien précise en tête, puis finir par étudier dans un domaine complètement différent, fait-elle remarquer. Je pense que c’est souvent le cas chez les personnes qui ont la fibre artistique : on commence par tâter le terrain dans différentes directions pour voir ce qui nous convient le mieux. »
Au cours de ses études, elle a effectué un stage en tant qu’assistante-costumière sous la direction de Laura Acosta dans un atelier de costumes. C’est là qu’elle a rencontré une future collaboratrice, Eija Loponen-Stephenson, qui étudiait les beaux-arts. Les deux étudiantes se sont bien entendues et ont commencé à collaborer au sein du collectif Other Hearts.
En 2023, le collectif a participé à la tournée de l’Invisible Artists Carnival. Et en juin dernier, les candidatures d’Eija Loponen-Stephenson et de Silvae Mercedes ont été proposées pour un prix Dora Mavor Moore pour leur production de la pièce Quartet.
Comme le souligne Silvae Mercedes, plusieurs des metteurs en scène de Stratford avec lesquels elle travaille aujourd’hui sont venus voir cette pièce. « C’est Concordia qui m’a permis d’en arriver là, mais par un chemin détourné, explique-t-elle.
« Certaines des conversations, des expériences et des relations qui m’ont le plus marquée n’ont pas eu lieu dans le cadre de mon programme d’études à Concordia. On se retrouve en classe avec des gens qui viennent de tous les milieux et qui ont des aspirations très différentes. Plus on élargit ses horizons, plus on apprend, plus on grandit et plus on se dépasse sur les plans scolaire, professionnel et personnel. »
Approfondir la connaissance de soi
Silvae Mercedes affirme qu’elle ne s’est jamais sentie aussi soutenue qu’à Concordia : « C’est en partie grâce à la culture que l’Université s’est efforcée d’instaurer pour les étudiantes et étudiants handicapés, mais aussi grâce au Service d’intégration des personnes étudiantes en situation de handicap, où il y avait des gens à qui je pouvais parler dans les moments difficiles.
« J’ai obtenu mon diplôme avec une moyenne pondérée de 3,9. Jamais je n’aurais imaginé un tel résultat, non pas parce que je ne suis pas assez intelligente, mais parce que les systèmes n’ont pas été conçus à l’origine pour répondre à mes besoins variés en matière d’accès. C’est devenu un aspect essentiel de ma pratique personnelle : mettre l’accent sur les expériences non normatives et encourager les autres à faire de même. Cette approche m’a ouvert des portes incroyables et m’a permis de créer des liens que je n’aurais jamais pu imaginer autrement.
« Je sais désormais ce que signifie travailler au sein d’un établissement qui met un point d’honneur à aider les étudiants et étudiantes ayant des besoins particuliers. C’est grâce à cela que je suis à Stratford, où je peux parler de ma réalité. Je peux désormais envisager la suite de ma carrière avec une meilleure connaissance de moi-même et la capacité de discuter de ces questions. »
Silvae Mercedes regrette de ne pas pouvoir se joindre à ses camarades de classe lors de la collation des grades. Elle sera à la fois sur scène et devant l’autel pour ses noces à Stratford cette semaine-là : « Nous organisons une grande réception de mariage qui durera du coucher du soleil jusqu’au lever du soleil, explique-t-elle. C’est mon seul jour de congé. »
Elle a hâte de célébrer son succès à Montréal lorsqu’elle aura terminé son cursus au Conservatoire Birmingham en novembre 2026.
« C’est beaucoup, mais c’est incroyable, dit Silvae Mercedes. J’ai grandi dans une région reculée du New Hampshire. Je n’aurais jamais pu imaginer que je me retrouverais au Canada, à travailler comme actrice professionnelle au sein de la plus grande compagnie shakespearienne et de répertoire de l’hémisphère Nord.
« Ça ne s’invente pas. »