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Les primates ayant une déficience physique trouvent des moyens de modifier leurs comportements pour compenser leur handicap, soutient une équipe de recherche de l’Université Concordia

Des études réalisées au fil de plusieurs décennies révèlent de quelles façons la souplesse comportementale des singes les aide à prendre soin d’eux-mêmes et des autres
20 février 2024
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Un bébé macaque avec une main malformée regarde fixement l'appareil photo.
Un bébé macaque au Centre des singes d'Awajishima. Avec l'aimable autorisation de Sarah Turner

Une analyse documentaire réalisée récemment par une équipe de recherche de Concordia révèle que les primates font montre d’une remarquable aptitude à modifier leurs comportements pour s’adapter à leurs incapacités et déficiences physiques.

Que ces incapacités soient attribuables à des malformations congénitales ou à des blessures, de nombreuses espèces de primates font preuve de souplesse comportementale et d’une capacité d’innovation leur permettant de compenser leurs déficiences. Les primates bénéficient également de la souplesse comportementale et de la capacité d’innovation de leur mère au début de leur vie et de celles de leurs pairs au sein de leur groupe à mesure qu’ils grandissent.

Les chercheuses et chercheurs du Laboratoire de primatologie et d’études environnementales interdisciplinaires ont décortiqué 114 études et publié leurs conclusions dans la revue American Journal of Primatology.

L’étude a aussi mené à une révélation à laquelle l’équipe de recherche ne s’attendait pas.

« Brogan Stewart, étudiante au doctorant et principale auteure de l’article, a remarqué qu’un grand nombre des textes examinés font état d’un lien causal potentiel ou avéré entre l’activité humaine et les déficiences physiques », indique la coauteure source Sarah Turner, professeure agrégée au Département de géographie, urbanisme et environnement de la Faculté des arts et des sciences.

« Les handicaps peuvent survenir consécutivement à des blessures subies par des primates tombés dans des pièges destinés à d’autres animaux, ou résulter de l’intervention d’agriculteurs cherchant à empêcher les animaux de fourrager dans les récoltes. Ils peuvent également avoir été causés par une collision avec un véhicule ou être liés à la génétique d’une petite population, ou encore découler de maladies transmises par des personnes ou des contaminants présents dans l’environnement. »

Un groupe de trois femmes, l'une porte une veste rose sur une chemise grise, l'autre une veste bleue sur une chemise blanche et la troisième porte une chemise noire et des boucles d'oreilles bleues. De gauche à droite : Stephanie Eccles et Mikaela Gerwing, étudiantes du laboratoire PIES, avec Sarah Turner.

Efforts individuels et collectifs

Publiées entre 1931 et 2023, les études consultées portent sur 125 espèces. Les chimpanzés étaient les plus fréquemment étudiés, comptant pour 25 % des articles. Les macaques japonais, les macaques rhésus, les macaques crabiers et les babouins olive comptaient parmi les autres espèces fréquemment étudiées.

Plus de 90 % des handicaps sont décrits comme des malformations, des blessures, des maladies ou des affections. Les macaques font l’objet du plus grand nombre d’études sur les malformations, tandis que les chimpanzés dominent dans les études sur les blessures, les maladies ou les affections.

L’équipe de recherche a cerné trois thèmes dans la littérature examinée :

●       Le rôle central de la souplesse comportementale : Malgré leurs déficiences ou leurs handicaps physiques, les primates ont la capacité d’ajuster les comportements propres à leur espèce pour survivre, se reproduire et s’épanouir. Ainsi, on a observé certains chimpanzés en train d’utiliser deux ou trois membres pour se déplacer au lieu des quatre membres habituels.

●       L’importance des soins maternels et conspécifiques ainsi que de l’environnement social : Tous les primates ont besoin de la présence maternelle au début de leur vie, mais les mères de bébés handicapés prodiguent à ces derniers des soins additionnels et peuvent modifier leur propre comportement en fonction des besoins de leur progéniture. De même, certains individus d’un même groupe modifient parfois les façons propres à leur espèce de donner des soins afin d’aider un congénère handicapé. Par exemple, un macaque japonais mâle adulte adopte un jeune singe handicapé orphelin et n’utilise que trois de ses membres pour pouvoir le transporter lors des déplacements du groupe.

●       Le potentiel d’innovation : On a observé des primates handicapés adopter de nouvelles façons de participer au toilettage, de porter leurs enfants et de se nourrir. Il s’agit habituellement d’utiliser leurs membres de façon différente, comme serrer des branches contre leur torse avec leur avant-bras pour se nourrir.

Brogan Stewart en t-shirt gris à côté d'un macaque L'auteur principal Brogan Stewart avec un ami au Centre des singes d'Awajishima

Pour Sarah Turner et son équipe, ces résultats ouvrent de nouvelles avenues de recherche et fournissent de précieux renseignements sur les capacités d’adaptation des primates, leur résilience ainsi que les nombreuses répercussions inattendues que peut avoir l’activité humaine sur les animaux non humains.

« Certains des animaux vivant au Awajishima Monkey Center, où nous effectuons notre travail de terrain, présentent d’importantes déficiences physiques, mais ils mènent une vie normale et s’adonnent aux mêmes activités que les autres singes, fait valoir Sarah Turner. Pour compenser leurs limites physiques, ils modifient leurs comportements de diverses façons, notamment en adoptant un style de mouvement particulier, une autre manière de transporter leurs petits, des techniques particulières leur permettant de fourrager et de se nourrir et des méthodes adaptées de toilettage social. »

« Il nous reste à nous demander si le fait d’avoir des déficiences physiques a un coût pour ces singes. Et lorsqu’ils compensent ces déficiences, y a-t-il un coût? Mes recherches doctorales portent sur la complexité des modèles comportementaux associés aux macaques japonais présentant des déficiences physiques. J’espère que ces recherches nous permettront de mieux comprendre les conséquences des handicaps sur les primates en liberté ou à l’état sauvage. »

Ont également contribué à la réalisation de l’étude les membres du Laboratoire de primatologie et d’études environnementales interdisciplinaires Megan Joyce (doctorante), Jack Creeggan (étudiant à la maîtrise), Stephanie Eccles (doctorante) et Mikaela Gerwing (doctorante).

Lisez l’article cité : Primates and disability: Behavioral flexibility and implications for resilience to environmental change.



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