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Les épidémies de peste du passé ont beaucoup à nous apprendre sur les crises modernes, selon une nouvelle étude

Joel Bothello, de l’Université Concordia, utilise des récits historiques et fictionnels de la peste noire pour analyser les réponses apportées par l’humanité à des perturbations comme la pandémie de COVID-19
8 novembre 2022
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Lorsque la pandémie de COVID-19 s’est graduellement installée, au cours de la première moitié de l’année 2020, peu d’auteurs ont fait l’objet d’un regain d’intérêt aussi marqué que l’existentialiste Albert Camus, écrivain français né en Algérie. La peste, son roman paru en 1947 et devenu un classique, raconte l’histoire d’une ville affligée et isolée par une éclosion de peste bubonique. À mesure que l’épidémie se prolonge et que les autorités sanitaires tentent par tous les moyens de la contenir, l’ordre civique s’effondre et la population perd confiance dans les autorités et sombre dans une paranoïa généralisée. Ça vous rappelle quelque chose?

Joel Bothello, professeur agrégé de management à l’École de gestion John-Molson,  a récemment publié un article à ce sujet dans The Academy of Management Review. Dans cet article, il fait valoir que la peste fictive imaginée par Camus et la très réelle peste noire qui sévit au 14e siècle, de même que les perturbations mortifères qui ont suivi, peuvent être mieux comprises grâce à la théorie des systèmes événementiels. Cette théorie relativement nouvelle dans le domaine des études en management consiste à recadrer les perturbations sociales en les considérant non plus comme des événements isolés, mais plutôt comme la résultante d’une lente succession d’événements interreliés : que s’est-il passé avant la pandémie, avant Tchernobyl ou avant les attaques du 11-Septembre, et que s’est-il passé après?

Selon les auteurs, les événements qui se déploient lentement avant, ainsi qu’après une calamité peuvent être plus éclairants que la simple étude de la perturbation elle-même. « Au lieu de nous concentrer sur une seule occurrence, nous devrions voir chacune de ces perturbations comme une accumulation d’événements menant à une transformation », explique Joel Bothello, corédacteur de l’article avec Thomas Roulet, de l’Université de Cambridge. 

Joel Bothello « Même si nous sommes prétendument plus évolués aujourd’hui, les modèles de comportements humains sont très similaires », fait remarquer Joel Bothello.

Des similitudes à travers les âges

Les professeurs Bothello et Roulet ont étudié quatre livres portant sur des éclosions de peste survenues dans le passé, soit deux ouvrages de fiction — La peste et Journal de l’année de la peste de Daniel Defoe —, et deux essais — La peste noire et la mutation de l’Occident de David Herlihy et Au réveil de la peste : la peste noire et le monde qu’elle a créé de Norman Cantor.

Les chercheurs ont constaté que la distance des siècles n’avait pas changé la nature fondamentale des réponses apportées par l’humanité aux perturbations ou les profonds changements qui s’ensuivent. Dans les quatre ouvrages, il est question de stagnation sociétale, de désorientation, de polarisation et de répudiation.

La stagnation fait référence au fait que la population ne reconnaît ni ne comprend que les catastrophes s’inscrivent dans une chaîne d’événements et, par conséquent, n’arrive pas à y faire face de manière appropriée. Une fois la perturbation survenue, la population se sent désorientée, car personne ne sait au bout de combien de temps la vie reprendra son cours normal. La polarisation s’installe lorsque des tentatives de trouver un responsable se portent sur un groupe en particulier, ce qui mène la plupart du temps à la désignation d’un bouc émissaire ou à la xénophobie. Puis viennent la répudiation du système de croyances existant et l’érosion de la confiance envers les autorités, qu’elles soient religieuses, civiques ou scientifiques. Ces phénomènes mènent à leur tour à des changements à grande échelle touchant les normes économiques, politiques et culturelles.

« Même si nous sommes prétendument plus évolués aujourd’hui, les modèles de comportements humains sont très similaires », fait remarquer Joel Bothello.

Visions subjectives et objectives de la fin des temps

« Nous avons choisi ces livres en particulier parce qu’ils abordent la peste noire selon différents niveaux d’analyse », explique-t-il. « Les romans rendent compte des expériences subjectives qui, bien que fictives, s’inspirent de personnes et d’événements réels. Les ouvrages non romanesques, quant à eux, examinent les conséquences sociales plus larges des événements ainsi que les expériences individuelles des gens qui les ont vécus. »

Selon M.  Bothello, titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia sur la résilience et les institutions, il y a beaucoup à apprendre des désastres du passé, pourvu qu’on emploie un cadre adéquat.

« La théorie des systèmes événementiels nous aide à reconceptualiser les perturbations, qui ont habituellement été traitées comme des chocs ponctuels », ajoute-t-il. « Si nous les observons en adoptant ce nouvel angle, nous pouvons voir comment les événements surviennent à divers niveaux, comment ils sont interreliés et même comment ils s’entrecroisent avec d’autres chaînes d’événements. Nous pouvons observer les perturbations selon un point de vue holistique pour comprendre de quelles façons elles donnent lieu à des changements dans les organisations et les sociétés. »

Lisez l’article cité : An Event-System Perspective on Disruption: Theorizing the Pandemic and Other Discontinuities through Historical and Fictional Accounts of the Plague.



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