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Les entreprises peuvent se prémunir contre la corruption locale en acquérant d’autres sociétés, selon une étude de l’Université Concordia

Lawrence Kryzanowski examine les stratégies employées par des hauts dirigeants et des chefs d’entreprise pour échapper aux chercheurs de rente
13 octobre 2020
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Lawrence Kryzanowski : « Les dirigeants d’entreprise peuvent soit se plier à la recherche de rente par les acteurs politiques, soit adopter certaines stratégies pour moins susciter la convoitise. »
Lawrence Kryzanowski : « Les dirigeants d’entreprise peuvent soit se plier à la recherche de rente par les acteurs politiques, soit adopter certaines stratégies pour moins susciter la convoitise. »

Selon la Banque mondiale, près d’une entreprise sur cinq dans le monde a déjà été sollicitée pour des pots-de-vin ou un autre type de recherche de rente. Une sur quatre a été par ailleurs invitée à offrir des cadeaux en échange de l’obtention de marchés publics.

Le problème de la corruption, ou de la recherche de rente, ne se cantonne en aucun cas à certaines régions, cultures ou niveaux de développement économique. Il est endémique dans la plupart des pays, à des degrés divers.

Cependant, comme l’affirme un nouvel article paru dans The Financial Review, il existe des moyens pour les entreprises d’éviter d’être la cible de hauts fonctionnaires corrompus.

« Les hauts dirigeants et les chefs d’entreprise ont le choix », assure Lawrence Kryzanowski, professeur de finance à l’École de gestion John-Molson et coauteur de l’article avec Ashrafee Tanvir Hossain de l’Université Memorial de St. John’s. « Les dirigeants d’entreprise peuvent soit se plier à la recherche de rente par les acteurs politiques, soit adopter certaines stratégies pour moins susciter la convoitise. »

Qui a dit que la taille ne comptait pas?

Les auteurs font valoir qu’en acquérant d’autres entreprises, une société sera moins susceptible d’être la proie des chercheurs de rente, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, l’acquisition d’une entreprise est généralement très coûteuse, aussi bien en matière de liquidités que d’actions. Grâce aux statistiques publiées par le département de la Justice des États-Unis, M. Kryzanowski a évalué le degré relatif de corruption au niveau des États et des districts américains. Il est parvenu à la conclusion que les liquidités constituaient la meilleure solution pour effectuer une transaction dans les États où la corruption était élevée. Si une société choisit d’utiliser ou d’emprunter des liquidités pour procéder à une acquisition, elle n’aura alors plus les fonds nécessaires pour le versement de dessous de table.

« En effectuant ses acquisitions avec des liquidités, on réduit de fait sa trésorerie », explique M. Kryzanowski, titulaire de la chaire de recherche principale de l’Université Concordia en finance. « Et on devient donc moins attrayant aux yeux des acteurs politiques », complète-t-il.

Les chercheurs ont observé que l’affirmation se vérifiait même dans les États où la corruption était élevée. La valeur nette ajoutée des acquisitions d’entreprises dans les États les plus touchés par la corruption politique est certes plus faible que dans les États où les gouvernements sont plus transparents, mais elle reste positive.

D’après M. Kryzanowski : « Il s’agit d’une décision rationnelle, même dans les États corrompus. Les dirigeants d’entreprise en tirent aussi des avantages indirects en matière de protection contre la corruption politique. »

Idéalement, les sociétés devraient essayer d’acquérir des entreprises situées dans des États où le degré de corruption est moins élevé. Si l’entreprise peut croître de façon à réduire le niveau moyen de corruption auquel elle est confrontée, elle en retirera un avantage direct. Les chercheurs ont en effet constaté que les acteurs politiques avaient beaucoup plus de mal à faire de la recherche de rente auprès d’entreprises éparpillées sur le plan géographique.

Les dons à des partis politiques influents constituaient également un rempart efficace. « Si un dirigeant devient plus influent, étoffe son carnet d’adresses et entretient des relations cordiales avec les acteurs politiques, il peut se servir de ce réseau pour échapper à la recherche de rente », ajoute M. Kryzanowski.

De grosses transactions

Les chercheurs ont passé au crible plus de 15 000 acquisitions effectuées par environ 5 000 entreprises entre 1990 et 2014. Toutes les sociétés étudiées étaient cotées en bourse; le montant de la transaction s’élevait à au moins un million de dollars, et les parts détenues par l’acquéreur étaient passées de moins de 50 % à 100 % à l’issue de l’opération.

En examinant les condamnations pour corruption pour 100 000 personnes entre 1998 et 2017, les chercheurs ont constaté que le New Hampshire, l’Oregon, le Minnesota, l’Utah et le Colorado étaient les États les moins corrompus aux É.-U. À l’inverse, Washington, D.C., la Louisiane, le Mississippi, le Dakota du Sud et le Kentucky connaissaient la situation la moins vertueuse.

Cette étude a été réalisée avec le soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).

 

Lisez l’article cité : « Political corruption shielding and corporate acquisitions

 



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