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Rendre le paysage entrepreneurial plus inclusif pour aider les femmes à s’intégrer et à s’épanouir

12 mai 2025
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Par Alexandra Dawson, Ingrid Chadwick


 

L’entrepreneuriat, c’est-à-dire le fait de lancer ou d’exploiter une nouvelle entreprise, est essentiel à la croissance économique. Il crée de la richesse et il contribue à la santé de la société.

Bien que les femmes soient de plus en plus nombreuses à devenir chefs d’entreprise de par le monde, l’entrepreneuriat demeure une activité essentiellement masculine.

Au Canada, les femmes participent davantage aux activités de démarrage d’entreprise par rapport à la moyenne mondiale (15 % contre 10 %). Cependant, elles restent moins actives que les hommes (15 % contre 18 %). En outre, seulement 17 % des petites et moyennes entreprises au Canada sont détenues par des femmes.

Diverses raisons expliquent pourquoi les femmes restent sous-représentées en entrepreneuriat. Ce monde est depuis toujours dominé par les hommes, et les entrepreneurs qui réussissent sont souvent décrits à l’aide de stéréotypes masculins, tels des héros intrépides.

Parallèlement, on attend toujours des femmes qu’elles soient chaleureuses et attentionnées, plutôt que de compétitives et sûres d’elles, ces dernières caractéristiques étant typiquement associées aux entrepreneurs.

En raison de ce biais de genre les programmes, politiques et mesures de financement destinés aux entrepreneurs sont généralement conçus pour encourager et soutenir les hommes, ce qui donne aux femmes l’impression de ne pas être « à leur place ». Par conséquent, bien des femmes voient un obstacle majeur se dresser devant elles, car les attentes à leur égard et les caractéristiques associées aux entrepreneurs à succès sont à l’origine d’un conflit d’identité.

Vue latérale d’une jeune femme en tailleur gris parlant au téléphone tout en regardant un ordinateur portable ouvert

L’expérience des femmes

Le conflit d’identité fait référence à la manière dont les personnes s’associent à des catégories sociales (telles que le genre ou la profession) pour se définir dans leur contexte social. Ces catégories sont associées à des attributs et caractéristiques types fondés sur ce que l’on attend de leurs membres les plus en vue.

Afin d’étudier les conflits d’identité potentiels chez les entrepreneures, nous avons mené des entretiens approfondis et des groupes de discussion avec 64 femmes au Canada.

Au cours de ces entretiens, nous avons demandé à 20 d’entre elles de nous expliquer pourquoi elles sont devenues chefs d’entreprise, comment elles mesurent la réussite et ce qu’elles trouvent le plus satisfaisant et le plus difficile dans leur travail.


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Nous avons également formé trois groupes de discussion avec 44 autres femmes, y compris des entrepreneures et des professionnelles qui travaillent avec des entrepreneurs ou qui les soutiennent au sein d’agences gouvernementales, d’incubateurs ou de services valorisant la diversité dans des sociétés internationales.

Nous avons ensuite codé les données afin de recenser les concepts et les thèmes émergents.Nous avons présenté nos résultats à un sous-ensemble de nos participantes pour vérifier s’ils correspondaient à leur réalité avant d’en tirer des conclusions.

Défis liés à l’identité et à l’état d’esprit

Nous avons classé les récits des participantes dans deux dimensions : l’adéquation entre le genre et l’entrepreneuriat, et l’état d’esprit.

La première dimension, soit l’adéquation entre le genre et l’entrepreneuriat, montre si une entrepreneure considère que son genre et son statut sont complémentaires ou conflictuels.

Certaines des entrepreneures interrogées estimaient que leur genre concordait avec leur statut de chef d’entreprise. Elles réussissaient à concilier leurs deux identités et encourageaient d’autres femmes à faire comme elles.

D’autres vivaient plutôt un conflit entre ces deux aspects de leur vie, souvent parce qu’elles étaient confrontées à des stéréotypes de genre ou qu’elles travaillaient dans un milieu majoritairement masculin.

La deuxième dimension, soit l’état d’esprit, montre si une entrepreneure pense qu’elle peut développer ses capacités ou non, ce qui correspond à un état d’esprit de croissance ou fixe, respectivement.

Certaines participantes nous ont parlé de leur peur de l’échec ou de leur manque de confiance, des sentiments généralement associés à un état d’esprit fixe. D’autres ont été capables de tirer des leçons des défis et des émotions qu’elles ont vécus, ce que l’on associe à un état d’esprit de croissance.

Deux femmes discutant dans un bureau
 

Le pouvoir de l’état d’esprit

En nous fondant sur ces deux dimensions — l’adéquation entre le genre et l’entrepreneuriat et l’état d’esprit (de croissance ou fixe) —, nous avons ensuite classé les entrepreneures en trois catégories :

  1. Celles qui souffrent du syndrome de l’imposteur : Les entrepreneures de cette catégorie ont vécu un conflit d’identité combiné à un état d’esprit fixe qui les a conduites à se sentir inadéquates.

  2. Celles qui acceptent : Ces entrepreneures ont également vécu un conflit d’identité, mais avaient un état d’esprit de croissance. Elles n’ont pas eu peur ou voulu laisser tomber ; au contraire, elles ont accepté leur conflit d’identité sans être passives, en lui donnant un sens et en le surmontant.

  3. Les authentiques : Ce groupe, le plus important de notre étude (environ la moitié de participantes), a montré des signes de complémentarité identitaire et un état d’esprit de croissance. Fait intéressant, outre quelques participantes qui ont déclaré ne jamais l’avoir vécu, la plupart des entrepreneures de ce groupe nous ont dit être parvenues à surmonter leur conflit d’identité et le syndrome de l’imposteur grâce à leur état d’esprit de croissance.

Notre recherche révèle que les entrepreneures vivent souvent ces conflits en raison de la prédominance masculine dans l’entrepreneuriat. Cependant, grâce à leur état d’esprit de croissance et à leurs identités complémentaires, elles ont pu échapper au syndrome de l’imposteur pour devenir d’authentiques entrepreneures qui s’acceptent comme telles.

Encourager les femmes

Nos résultats montrent qu’il est important d’éliminer les défis liés au genre pour créer un paysage entrepreneurial plus inclusif au Canada et ailleurs en tentant d’abord de changer le contexte plutôt que d’essayer de faire changer les femmes.

Plus précisément, il convient d’insister sur la valeur de l’entrepreneuriat au féminin afin d’ébranler les normes masculines actuelles et les préjugés entourant la définition de l’entrepreneuriat. Il s’agit notamment de promouvoir des modèles féminins et d’élargir la définition de la réussite entrepreneuriale afin de réduire les conflits d’identité chez les femmes.

De plus, les programmes et les politiques en matière d’entrepreneuriat devraient être conçus de manière à mieux répondre aux défis particuliers que les femmes ont à relever, ce qui signifie notamment de revoir les outils de financement pour qu’ils leur soient plus accessibles. En créant des subventions, des prêts et des fonds d’investissement, comme le Fonds de prêts pour les femmes en entrepreneuriat, pour les entrepreneures et les entreprises détenues par des femmes, nous pouvons encourager un plus grand nombre d’entre elles à concrétiser leurs ambitions entrepreneuriales.

Nous invitons également les spécialistes de l’éducation et les responsables politiques à utiliser un langage plus inclusif lorsqu’il est question d’entrepreneuriat, car la terminologie masculine peut décourager les femmes de devenir entrepreneures et de réussir.

Bien que cette étude ait d’abord porté sur le conflit identitaire que peuvent vivre les femmes en raison de leur genre dans un milieu masculin, il est aussi important de comprendre que certaines femmes rencontrent des difficultés supplémentaires en tant qu’entrepreneures en raison d’autres attributs sociaux comme la race ou un handicap. Ces facteurs doivent également être pris en considération dans la promotion et le soutien de l’entrepreneuriat féminin.

En soulignant la valeur des femmes dans toute leur diversité et en luttant contre les obstacles qui se dressent devant les entrepreneures, nous pouvons ouvrir la voie à un écosystème entrepreneurial plus diversifié et plus dynamique au Canada.The Conversation

Alexandra Dawson, Professor of Entrepreneurship and Family Business, Concordia University and Ingrid Chadwick, Associate Professor of Organizational Behaviour & Human Resource Management, Concordia University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.




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