Jessica Moore remporte le Prix littéraire du Gouverneur général 2025 dans la catégorie Traduction
« Je me disais que je n’avais aucune chance de gagner avec un recueil de poésie », décrit Jessica Moore.
La traductrice et écrivaine Jessica Moore, M.A. 2007, vient de remporter une autre prestigieuse distinction qui marquera le cours de sa carrière. Finaliste du prestigieux Man Booker International Prize en 2016 pour sa traduction du roman Réparer les vivants de Maylis de Kerangal et citée dans le palmarès des dix meilleurs livres de 2023 du New York Times pour sa traduction du roman Tangente vers l’est, de la même autrice, Jessica Moore s’est récemment vu décerner le Prix littéraire du Gouverneur général 2025 pour sa traduction de l’œuvre Uiesh/Quelque part.
Ce recueil de poésie de l’autrice Joséphine Bacon – aînée issue de la communauté innue écrivant en français et traduisant elle-même ses textes en innu-aimun – évoque ses expériences dans la nature sauvage du nord du Nitassinan et la frénésie de la vie urbaine. Après s’être imprégnée du texte français et de la voix de Mme Bacon, Jessica Moore s’est attachée à reproduire la cadence propre à l’autrice pour s’assurer que le texte résonne de la même manière en langue anglaise.
« Il est difficile de remporter ce prix », précise Mme Moore. « Tous les genres littéraires sont pris en compte, et je me disais que je n’avais aucune chance de gagner avec un recueil de poésie. »
Puis, elle a reçu un appel téléphonique. « Tout mon corps était parcouru de frissons, et j’ai vraiment tenté de savourer ce moment », relate-t-elle.
« La traduction consiste à réécrire une œuvre dans une nouvelle langue. »
Le parcours ayant amené Jessica Moore à faire carrière en traduction de l’anglais au français a débuté très tôt. Élevée par des parents anglophones, elle a été incitée par sa grand-mère à apprendre d’autres langues. Elle a fréquenté une école primaire bilingue, où la moitié des cours se déroulaient en français, puis a participé à un programme d’échange à Lausanne, en Suisse. Jessica Moore a ensuite passé un an à l’étranger, à Aix-en-Provence, en France, où elle a suivi son premier cours de traduction littéraire.
Ces expériences ont cristallisé sa décision de faire carrière en traduction.
« Ce travail exige le plus grand soin », décrit-elle. « C’est souvent à l’étape de la révision que je remarque certaines choses, et je veille à ce que rien ne se perde dans la traduction. Je m’efforce aussi de trouver des solutions créatives pour y insuffler l’esprit et l’intention du texte original. »
La passion de Jessica Moore pour la traduction est dictée par deux instincts : « D’abord, j’ai toujours eu l’âme d’une écrivaine, et la traduction consiste à réécrire une œuvre dans une nouvelle langue. Ensuite, j’éprouve une profonde satisfaction à organiser les éléments dans le bon ordre et à transposer des mots d’une langue à une autre. »
Perfectionner son art
Opter pour la maîtrise en traductologie de Concordia était « le bon choix », affirme Mme Moore. « Le programme m’a permis de suivre un cursus interdisciplinaire, si bien que j’avais un pied au Département d’études anglaises (option création littéraire) de Concordia, et l’autre, au Département de traduction. »
Cette formation l’a également aidée à lancer sa carrière. Sa première traduction littéraire, amorcée dans le cadre de son mémoire de maîtrise, a été celle de Turkana Boy, un roman-poème publié en 2012 par Jean-François Beauchemin. Le livre raconte l’histoire d’un père en deuil qui tente de comprendre la mystérieuse disparition de son fils tout en s’efforçant de donner un sens aux restes fossilisés du « garçon de Turkana ».
Ce travail a contribué à façonner la pratique créative de Jessica Moore. La même année, elle a publié Everything, Now, un récit mêlant poésie et mémoires et traitant du deuil qu’elle a vécu après la perte soudaine de son partenaire. Cette œuvre s'inspire de sa propre traduction de Turkana Boy.
« Les deux œuvres sont intimement liées », décrit-elle. « J’ai utilisé des phrases tirées du livre comme base pour mes propres textes, créant ainsi une sorte de dialogue. »
Pour Jessica Moore, l’écriture et la traduction restent indissociables.
« À mon sens, la qualité la plus importante en traduction réside dans les compétences et la sensibilité de l’écrivain », affirme-t-elle. « Je perçois très clairement la manière dont l’écriture sert la traduction. »