Si le fait de renouer avec la nature est source d’apaisement pour beaucoup, les communautés autochtones ont vu leur relation avec la terre bouleversée de manière durable, au détriment de leur santé et de leur bien-être.
Les travaux de Catherine Kineweskwêw Richardson, professeure en études des peuples autochtones, mettent en lumière les dommages causés par les politiques coloniales tout en soulignant la résistance, la résilience et la guérison des communautés autochtones.
Selon la Pre Kineweskwêw Richardson, qui enseigne à l’École des affaires publiques et communautaires de l’Université Concordia et qui fait partie de la Nation métisse tout en ayant des racines cries et gwich'in, cette fracture trouve son origine dans le colonialisme, qui a particulièrement nui à la santé et au bien-être des peuples autochtones.
« Dans quels documents est-il écrit que se faire voler ses terres est mauvais pour la santé? », demande-t-elle.
« Quand on pense au colonialisme dans le nord de l’Île de la Tortue ou au Canada, on se rend compte que beaucoup de mal a été fait : on a pris les terres des gens, on leur a enlevé leurs enfants, on a placé ces enfants dans des familles blanches de classe moyenne et dans des pensionnats », détaille-t-elle.
« Ils voulaient la Terre, mais aussi ce qu’il y avait en dessous – et c’est toujours le cas aujourd’hui. »
La Pre Kineweskwêw Richardson, qui est également titulaire de la Chaire de recherche de l’Université Concordia en savoirs de guérison autochtone, précise que cette réalité est souvent absente des discours contemporains sur les déterminants sociaux de la santé.
Dans son livre, Facing the Mountain: Indigenous Healing in the Shadow of Colonialism, elle examine comment le vol des terres est lié à la caractérisation des réactions des peuples autochtones — notamment la résistance et la survie — comme des maladies mentales.
Elle affirme que ces étiquettes justifient l’intervention et le contrôle de l’État, ce qui aggrave les effets négatifs sur la santé des peuples autochtones. Ses recherches sur les pratiques fondées sur l’intervention dans les professions de la guérison examinent comment ces effets sur la santé se manifestent dans des contextes historiques et sociaux plus larges.
« J’ai rédigé un chapitre sur l’exposition aux radiations provenant de l’exploitation minière de l’uranium dans le nord du Canada, en particulier dans les Territoires du Nord-Ouest, souligne-t-elle. Mes proches ont été victimes d’empoisonnement par radiation, ce qui a eu des répercussions négatives sur les enfants nés dans ma famille, y compris moi-même, qui ont souffert de problèmes de mobilité et subi de nombreuses interventions chirurgicales. Ce n’est qu’un exemple de ce que l’exploitation minière peut causer. »
Dans ses fonctions de titulaire de la chaire de recherche, la Pre Kineweskwêw Richardson rassemble des Aînés, des gardiens et gardiennes du savoir et des jeunes du monde entier afin qu’ils mettent en commun leurs connaissances.
« Nous organisons des conférences où les personnes participantes peuvent échanger leurs idées, leurs expériences et leurs impressions. Ensuite, les jeunes interrogent les gardiens et gardiennes du savoir et publient ensemble des articles scientifiques dans une revue évaluée par des pairs. »
D’après une vision autochtone du monde, ajoute-t-elle, les êtres humains ont des responsabilités les uns envers les autres et à l’égard du monde naturel dans un cycle infini d’échange et de réciprocité. La protection de l’environnement naturel est également un moyen de protéger la santé humaine, et vice versa.
« Nous vivons sur cette planète entourés d’air, d’animaux, d’oiseaux, de fleurs, d’arbres… de toutes sortes de formes de vie. Nous sommes toutes et tous constamment en interaction et en relation, que ce soit au sens propre, au sens figuré ou sur le plan énergétique. »
Les racines de la résilience
La revendication de l’accès aux terres n’est pas seulement une question de développement durable, c’est aussi une question de restauration de l’identité culturelle, de résilience communautaire et de souveraineté alimentaire. Ce principe est au cœur de la Coopérative agricole Sankofa, qui vise à donner des moyens d’action aux personnes noires et autochtones grâce à l’agriculture.
C’est dans le but de rétablir l’accès aux terres, principalement à l’aide de pratiques agricoles, que Menelik Blackburn-Philip, titulaire d’un baccalauréat ès arts (2022), a cofondé Sankofa sur le campus Loyola en 2022. Ce jardin biologique géré par des étudiants et étudiantes offre aux personnes noires et autochtones la possibilité de cultiver leurs propres aliments, en s’inspirant des pratiques agricoles traditionnelles et en apprenant auprès des communautés autochtones locales.