Lorsque nous nous endormons, notre cerveau fait face à un choix délicat : il doit protéger notre sommeil et consolider nos souvenirs tout en demeurant alerte à des bruits potentiellement importants, comme une alarme ou les pleurs d’un bébé. Une nouvelle étude menée par Hugo R. Jourde – qui a réalisé ce travail en tant que doctorant au Département de psychologie de l’Université Concordia et obtenu depuis son diplôme – met en lumière la façon dont le cerveau assure cet équilibre. Cette étude jette un nouvel éclairage sur la relation complexe qui existe entre le sommeil, la mémoire et notre réactivité au monde extérieur.
Menée auprès de 14 sujets adultes, l’étude se concentre sur un signal cérébral appelé réponse de suivi de fréquence (FFR). La FFR est mesurée à l’aide d’une technique connue sous le nom d’électroencéphalographie. Elle indique la capacité du cerveau à percevoir la hauteur des sons et provient de plusieurs niveaux du système auditif, depuis le tronc cérébral profond jusqu’aux zones supérieures comme le cortex auditif. En enregistrant l’activité cérébrale des personnes participantes pendant des siestes diurnes, l’équipe a pu suivre la façon dont ces différentes régions traitent les sons durant les stades du sommeil.
Les résultats indiquent que durant les phases de sommeil léger et intermédiaire, les régions cérébrales inférieures – en particulier le tronc cérébral – demeurent actives et suivent fidèlement les sons produits. Cependant, lorsque les personnes participantes entrent dans la phase de sommeil profond, les régions corticales supérieures deviennent moins réactives. Il est important de noter que ce changement n’est pas lié à des événements particuliers du sommeil comme les ondes lentes ou les fuseaux. Les données indiquent plutôt une réduction de la communication entre le thalamus, un centre de relais situé au milieu du cerveau, et le cortex auditif.
Selon l’équipe de recherche, ce schéma révèle l’approche « à deux voies » du cerveau en matière de sommeil. D’une part, il maintient un système d’alerte de base par l’intermédiaire de la partie inférieure du cerveau, garantissant que nous puissions nous réveiller en cas de besoin. D’autre part, il peut délibérément réduire les traitements de haut niveau pour donner la priorité au repos et à la consolidation de la mémoire.
« Ces travaux nous aident à comprendre pourquoi le sommeil est à la fois protecteur et réparateur », explique Emily B.J. Coffey, professeure au Département de psychologie. « Le cerveau ne s’éteint pas complètement; il écoute de manière sélective, afin de nous protéger sans pour autant sacrifier la récupération. »
L’étude fournit également des éléments permettant de comprendre pourquoi ces systèmes peuvent s’affaiblir avec l’âge. Les personnes âgées ont souvent un sommeil plus léger et plus facilement perturbé. L’équipe de recherche avance que des changements dans la communication entre le thalamus et le cortex pourraient avoir un rôle à jouer et contribuer à rendre le sommeil plus fragmenté.
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