Aller au contenu principal

La consommation chronique de benzodiazépines a une incidence sur la qualité du sommeil chez les adultes âgés, selon une nouvelle étude

Un médicament couramment prescrit contre l’insomnie s’avère plus nuisible à la qualité du sommeil que l’absence de traitement
3 septembre 2025
|
Une horloge au premier plan, avec une femme âgée essayant de dormir à l'arrière-plan.

La consommation à long terme de benzodiazépines et de médicaments apparentés a été associée à une dégradation de la qualité du sommeil chez les personnes âgées souffrant d’insomnie. Bien qu’ils soient bon marché, couramment prescrits et largement disponibles au Québec, ces médicaments créent également une dépendance : l’arrêt d’un seul coup de leur consommation peut entraîner de graves symptômes de sevrage, notamment un risque accru de chutes, d’hospitalisation et de troubles cognitifs.

Une nouvelle étude dirigée par des chercheurs de l’Université Concordia et publiée dans la revue Sleep montre que l’utilisation de benzodiazépines et d’agonistes des récepteurs des benzodiazépines (BZRA) peut également affecter les rythmes cérébraux pendant le sommeil. Or, ces rythmes jouent un rôle important pour la consolidation de la mémoire et la santé cognitive chez les adultes âgés de 55 à 80 ans.

« Ces médicaments n’améliorent même pas le sommeil des personnes âgées qui les utilisent à long terme », affirme Thanh Dang-Vu, neurologue à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal et professeur au Département de santé, de kinésiologie et de physiologie appliquée, où il dirige le Laboratoire Sommeil, cognition et neuro-imagerie.

« En plus d’être peu sûrs, ces médicaments entraînent une détérioration de la qualité du sommeil qui peut être préjudiciable à la santé du cerveau. »

Un homme en chemise bleue et un homme en costume bleu dans un laboratoire du sommeil Thanh Dang-Vu (à gauche) en compagnie de Loïc Barbaux : « En plus d’être peu sûrs, ces médicaments entraînent une détérioration de la qualité du sommeil qui peut être préjudiciable à la santé du cerveau. »

Perturbation de l’architecture du sommeil

L’équipe de recherche a étudié 101 personnes âgées réparties en trois groupes : les bons dormeurs, les personnes souffrant d’insomnie et les personnes souffrant d’insomnie et faisant un usage chronique de benzodiazépines ou de BZRA, c’est-à-dire qui en prennent au moins trois fois par semaine depuis plus de trois mois.

Le sommeil des participants a été observé à l’aide d’une polysomnographie de nuit, qui a permis de mesurer la structure globale du sommeil, l’activité des ondes cérébrales et les oscillations importantes, y compris les ondes lentes et les fuseaux de sommeil, qui sont liés à la mémoire et à la cognition.

« Si on le compare au groupe souffrant d’insomnie, le groupe de personnes utilisant ces somnifères présentait un nombre inférieur de stades de sommeil profond », indique Loïc Barbaux (Ph. D. 2025), auteur principal de l’étude.

« Ces phases de sommeil profond, qui se caractérisent par un ralentissement des ondes cérébrales, du rythme cardiaque et de la respiration, sont très importantes pour le maintien d’une mémoire en santé. »

Les chercheurs ont également observé une diminution du couplage entre les oscillations cérébrales chez les personnes utilisant des benzodiazépines ou des BZRA. Il s’agit d’un processus neuronal au cours duquel les rythmes cérébraux se synchronisent les uns avec les autres et qui facilite le traitement de l’information, notamment la consolidation de la mémoire.

Le dosage joue également un rôle dans l’altération du sommeil. Les chercheurs ont constaté que les utilisateurs ayant reçu des doses plus élevées avaient besoin de plus de temps pour s’endormir et mettaient plus de temps à atteindre le stade du sommeil profond.

« Ces résultats nous ont amenés à conclure que la prise de ce type de somnifères perturbe l’architecture globale du sommeil ainsi que les activités d’oscillation cérébrale, déclare Loïc Barbaux. Cela pourrait expliquer les conclusions des rapports précédents selon lesquelles ces pilules peuvent contribuer à la détérioration de certaines fonctions cognitives déjà en déclin en raison du vieillissement. »

Des solutions de rechange accessibles s’imposent

Thanh Dang-Vu affirme que les benzodiazépines et les BZRA peuvent être utilisés de manière sûre et efficace pour traiter l’anxiété et l’insomnie chez les jeunes adultes, mais principalement pour de courtes durées. Il partage l’avis d’organismes tels que l’American Geriatrics Society, qui recommande d’éviter complètement les benzodiazépines chez les adultes de plus de 65 ans.

Pour les personnes âgées qui sont des utilisatrices chroniques de ces médicaments, il recommande une diminution progressive de la consommation de benzodiazépines sur plusieurs mois, associée à un programme de thérapie cognitivo-comportementale pour soulager l’insomnie.

« Si nous réduisons progressivement les doses du médicament, nous pouvons éviter ce que nous appelons le rebond du sommeil paradoxal, c’est-à-dire une réapparition des symptômes de l’insomnie, mais à des degrés plus intenses. Le recours à une intervention psychologique peut aider à réussir le sevrage de ces drogues et à améliorer la qualité du sommeil.

« Cette étude montre qu’il est temps que le gouvernement et le système de santé accordent la priorité à des solutions plus sûres, abordables et accessibles pour le traitement de l’insomnie. »

Lisez l’article cité : "Effect of chronic benzodiazepine and benzodiazepine receptor agonist use on sleep architecture and brain oscillations in older adults with chronic insomnia"



Retour en haut de page

© Université Concordia