Une professeure de l’Université Concordia met en lumière le leadership autochtone en matière d’énergie propre en pratiquant un journalisme constructif
Des microréseaux solaires aux systèmes hydroélectriques, les projets d’énergie renouvelable transforment les communautés autochtones du nord du Canada. Le 4 décembre, Aphrodite Salas, professeure agrégée au Département de Journalisme et coresponsable du thème 3 du programme Volt-Age de Concordia, a présenté en première son nouveau documentaire intitulé ᑰᒃ ᑰᑦᑐᖅ The Flowing River, qui met en lumière ces réalisations.
La première du film a eu lieu à Inukjuak, village de la baie d’Hudson, dans la région arctique du Québec. Un projet multimédia plus élaboré sera présenté dans le cadre de CTV News Montreal au début de l’année 2026, puis à divers endroits à l’étranger.
Inspiré du processus de vérité et réconciliation
ᑰᒃ ᑰᑦᑐᖅ The Flowing River se concentre sur un projet hydroélectrique mené par des Inuits qui consiste à détourner une partie de la rivière Innuksuak vers des turbines afin de produire de l’électricité, et ce, sans l’empreinte environnementale d’un barrage classique. Après des années de planification et de collaboration, la communauté est passée d’une alimentation en énergie fondée sur le diesel à une énergie presque entièrement renouvelable.
« Ce qui m’a incitée à entreprendre ce projet, c’est l’appel à l’action n° 86 de la Commission de vérité et réconciliation, qui exhorte les responsables des programmes d’enseignement en journalisme à faire mieux. En effet, depuis des générations, les journalistes ont causé un grand tort aux communautés autochtones en raison de leurs pratiques extractives et en propageant des stéréotypes négatifs. Je voulais contribuer à trouver une solution pour changer la façon dont le journalisme est enseigné à Concordia et mettre en lumière le leadership autochtone en matière d’action climatique », indique Aphrodite Salas.
« Pour moi, le c’est le processus qui importe le plus – nouer des relations, pratiquer la réciprocité, être à l’écoute et bâtir conjointement des choses qui comptent pour les communautés. »
La centrale hydroélectrique d’Innavik, sur la rivière Innuksuak, octobre 2024. Ces installations d’une puissance de 7,5 mégawatts, détenues par des Inuits, représentent le plus important projet hydroélectrique hors réseau du Canada. | Photo : Lina Forero
Collaboration, réciprocité et apprentissage
L’approche d’Aphrodite Salas consiste à emmener ses étudiantes et étudiants sur le terrain pour leur enseigner le journalisme collaboratif et éthique. Dans le cadre du projet Inukjuak, deux personnes étudiant au premier cycle et cinq à la maîtrise ont documenté l’évolution du projet hydroélectrique depuis 2019. Les étudiantes et étudiants ont travaillé aux côtés de partenaires communautaires et produit des reportages journalistiques multimédias comprenant des photographies, des capsules vidéo et des articles.
« Des rapports fondés sur le respect, le respect mutuel, s’installent. Si nous ne nous respectons pas les uns les autres, tout cela est impossible. Nous avons besoin de ce type de relations. Et pour l’établir, nous devons passer du temps ensemble, manger ensemble, faire la fête ensemble – c’est ce dont nous avons besoin, des interactions humaines », explique Sarah-Lisa Kasudluak, vice-présidente de la Pituvik Landholding Corporation, à Inukjuak.
« Nous étions les rares personnes en première ligne prêtes à prendre des risques, non pas pour notre profit personnel, mais pour maintenir le projet en vie, aider notre communauté et lutter contre les changements climatiques, en faisant confiance à nos partenaires et les uns aux autres pour avoir un impact durable sur les générations futures », affirme Tommy Palliser, directeur général du Nunavik Marine Region Wildlife Board.
Lina Forero, étudiante au programme de maîtrise en innovation numérique en études journalistiques à Concordia, dit avoir été elle aussi transformée par cette expérience.
« La collaboration avec la professeure Salas ainsi qu’avec nos partenaires et nos amis à Inukjuak m’a permis de voir les récits autochtones sous un tout nouvel angle », fait-elle valoir.
« Cette expérience m’a incitée à prendre du recul par rapport à ce que j’avais connu jusque-là en journalisme et à mon rôle dans la sphère de la communication, ce qui m’a ramenée aux fondements d’une démarche narrative en profondeur, aux racines d’un véritable partenariat fondé sur la réciprocité et l’établissement d’une relation de confiance. »
Des retombées décuplées
Au-delà du journalisme, les relations nouées dans le cadre de ce projet ont mené à de nouvelles occasions de recherche et de financement.
Plus précisément, ces liens ont contribué à l’élaboration d’un nouveau projet axé sur l’optimisation des retombées soutenu par Volt-Age, intitulé Transport électrifié, alimentation d’urgence et conception de microréseaux pour les communautés autochtones, éloignées et locales. Ce projet a pour but d’explorer des solutions intégrées pour un transport et une énergie durables dans les communautés nordiques et autochtones.
En abordant conjointement les enjeux du transport, de la résilience énergétique et de l’inclusion sociale, le nouveau projet de Volt-Age s’appuiera sur les enseignements tirés de l’expérience d’Inukjuak et d’autres projets communautaires. Il démontrera également comment des approches collaboratives et fondées sur l’équité peuvent déboucher sur des solutions évolutives et concrètes aux défis climatiques dans les communautés autochtones, isolées et nordiques.
Explorez le Département de journalisme de l’Université Concordia.
Apprenez-en davantage sur le programme de recherche sur l’électrification Volt-Age.