La richesse et l’adversité pendant l’enfance ont une incidence sur les chances d’occuper un poste de direction à l’âge adulte, mais de façons différentes, selon une nouvelle étude

D’après une nouvelle étude dirigée par l’Université Concordia, les enfants issus de familles bien nanties ont plus de chances d’occuper un poste de direction officiel vers le milieu de la vingtaine que ceux venant de familles confrontées à l’adversité.
Cependant, les cheminements vers la réussite professionnelle diffèrent considérablement d’un groupe à l’autre. Les enfants issus d’un milieu aisé sont plus susceptibles de profiter d’occasions professionnelles grâce à leurs relations familiales ou à leurs amis, et de consolider leur carrière en bénéficiant d’un soutien constant tout au long de leur vie.
Les enfants en situation d’adversité manquent souvent de ces structures de soutien. Et surtout, ils sont confrontés à des obstacles supplémentaires – comme le stress chronique et l’accès limité aux ressources propices à leur perfectionnement – qui risquent de réduire le nombre d’occasions professionnelles s’offrant à eux.
« Grandir dans l’adversité socioéconomique est une expérience très différente sur le plan qualitatif que grandir dans un contexte favorable », affirme l’auteur principal, Steve Granger, professeur adjoint au Département de management de l’École de gestion John-Molson.
« Grandir dans l’aisance signifie avoir les moyens de pratiquer des loisirs, de voyager et de fréquenter de bonnes écoles. Cela permet de se constituer un capital social, c’est-à-dire d’accéder à des ressources et à des occasions grâce à ses réseaux sociaux. En revanche, un milieu défavorable limite considérablement la capacité à acquérir un capital social. »
Publiée dans la revue Journal of Commerce and Psychology, l’étude a été corédigée par Julian Barling, de l’Université Queen’s, et Nick Turner, de l’Université de Calgary.
Le favoritisme aide, les obstacles freinent
L’équipe de recherche a utilisé les données de la British Cohort Study, une étude longitudinale portant sur des milliers d’enfants britanniques nés au cours de la même semaine en 1970. Après avoir suivi près de 6 800 jeunes de leur naissance jusqu’en 1996, l’équipe a examiné les antécédents professionnels de leur famille afin de déterminer s’ils avaient conservé le même statut socioéconomique tout au long de cette période.
Steve Granger précise que l’équipe a voulu s’écarter du concept selon lequel la richesse et l’adversité se situent aux extrémités opposées d’un spectre, pour les considérer plutôt comme deux expériences distinctes qui évoluent au fil du temps et aboutissent à des réalités très différentes.
Lorsque les enfants ont atteint l’âge de 16 ans, on leur a demandé s’ils avaient obtenu un emploi grâce à leurs relations familiales ou s’ils avaient manqué des occasions en raison de contraintes financières. Lorsqu’ils ont eu 26 ans, on leur a demandé s’ils occupaient un poste de supervision ou de gestion.
Résultat : les jeunes issus de milieux aisés étaient susceptibles de bénéficier d’un favoritisme par rapport à leurs pairs des milieux défavorisés qui les aidait à accéder à des postes de direction, observation qui confirme les avantages liés à l’accumulation de capital social.
Toutefois, aucun indicateur statistiquement pertinent ne permettait de conclure que les occasions manquées en raison de difficultés financières durant l’enfance réduisaient les chances d’occuper un poste de direction à l’âge adulte. D’autres facteurs devaient donc entrer en jeu.
« Une exposition précoce à l’adversité – qu’il s’agisse d’un dysfonctionnement familial, d’une insécurité professionnelle, de déménagements constants ou d’autres exemples de stress économique – peut priver les enfants de ressources essentielles comme un environnement familial stable et une éducation parentale de qualité. Cela interfère avec leur développement durant l’enfance et l’adolescence, et peut faire perdurer leurs difficultés à l’âge adulte », explique le professeur Granger.
Si les auteurs estiment que fournir aux enfants exposés à l’adversité les ressources nécessaires pour développer des réseaux professionnels et acquérir des compétences les aiderait à décrocher des postes de direction à l’âge adulte, ils exhortent également les entreprises et autres organisations à repenser leur façon de sélectionner et de former les futurs leaders.
Lisez l’article cité : Pathways of Affluence and Adversity: Persistent Early Life Socioeconomic Status Shapes Leadership Emergence via Social Capital.