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Des chercheuses de l’Université Concordia s’intéressent à l’immense popularité des contenus animaliers dans les médias sociaux

Ghalia Shamayleh et Zeynep Arsel expliquent pourquoi la diffusion d’images adorables en ligne fait d’Internet un lieu plus accueillant
10 juin 2025
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Post Instagram d'un hérisson
Image de l'utilisateur Instagram rick_the_hedgehog

Les médias sociaux s’attirent de nombreuses critiques en raison des contenus toxiques, clivants ou polarisants qui y circulent. Mais si on fait abstraction de ces contenus repoussants, on constate qu’il en existe une bonne quantité d’incroyablement mignons – chiots patauds, chatons duveteux, pandas rondouillards et chimpanzés souriants. Le monde animal fait l’objet d’un fort engouement en ligne, et les utilisatrices et utilisateurs tiennent à partager ces images réconfortantes avec leurs connaissances.

Selon une nouvelle étude réalisée par des chercheuses de l’Université Concordia, ce qui motive la diffusion de contenus animaliers va bien au-delà de la satisfaction d’obtenir des « oooh », des mentions « j’aime », des cœurs et des câlins. Dans un article publié dans le Journal of Consumer Research, les auteures soutiennent que la diffusion de photos et de vidéos d’animaux, souvent accompagnées d’un mot-clic attendrissant ou d’un texte humoristique, donne lieu à une « rencontre affective numérique », c’est-à-dire à une expérience en ligne qui suscite des émotions positives.

La diffusion de ces témoignages numériques agit comme un marqueur d’affection dans une relation parasociale ou interpersonnelle. On peut comparer cet acte au rituel auquel se prêtent certains types de manchots lorsqu’ils offrent des cailloux à leur partenaire potentielle pour la séduire.

Les auteures affirment que la circulation des contenus animaliers crée des réseaux affectifs numériques : des relations et des rencontres centrées sur la création, la consommation et la circulation de contenus numériques qui contribuent à mettre les gens de bonne humeur.

« La création, la consommation et la circulation de photos d’animaux sont devenues un phénomène social », estime Zeynep Arsel, coauteure de l’étude et professeure au Département de marketing de l’École de gestion John-Molson. « Ce phénomène va bien au-delà de la publicité faisant appel à des animaux pour mousser des produits destinés aux animaux. »

L’article s’appuie sur la thèse de maîtrise de Ghalia Shamayleh (M. Sc. 2019, Ph. D. 2024), qui est aujourd’hui professeure adjointe à l’ESSEC Business School, près de Paris, en France.

 Une femme souriante portant un pull gris en plein air « La création, la consommation et la circulation de photos d’animaux sont devenues un phénomène social », selon Zeynep Arsel

Affection intégrée

Pour mieux comprendre le phénomène, les chercheuses ont créé un cadre qui explique le parcours de l’objet numérique, de sa création à sa mise en circulation; leurs observations sont principalement tirées de la plateforme de médias sociaux Instagram. Elles ont interrogé des créatrices et créateurs de contenu ainsi que des gestionnaires de pages d’animaux et leurs abonnés, et se sont inspiré de leurs expériences avec leurs propres animaux de compagnie pour cartographier le parcours d’une image à travers un réseau affectif numérique.

La première étape est l’indexicalisation. Il s’agit de prendre une image, un fichier GIF ou une vidéo d’un animal et d’y ajouter un indice ou une explication suscitant l’émotion pour signifier la relation qu’on entretient avec lui. Ainsi, on peut faire porter un vêtement à l’animal ou ajouter un mot-clic, un message affectueux ou un jeu de mots en légende, etc. La relation d’amour entre l’humain et l’animal est ainsi exprimée au moyen d’une représentation numérique. Le fait de la montrer à un petit réseau ou à une autre personne peut être considéré comme une forme de partage.

Ensuite vient la réindexicalisation. Cela se produit après que le contenu a été diffusé dans un réseau et fait l’objet d’une interaction, selon ce qu’on appelle une rencontre technoaffective. Des indices supplémentaires sont alors intégrés au contenu, avec ou sans texte additionnel. La réindexicalisation rend les indices compréhensibles exclusivement par un réseau social soudé par des histoires communes, et établit une relation parasociale entre la consommatrice ou le consommateur et l’animal.

La dernière étape, la décontextualisation, survient lorsque les informations personnalisées sont supprimées ou modifiées par une éditrice ou un éditeur de contenu afin d’attirer un large public qui n’entretient pas de relation parasociale. Les meilleurs éditeurs ou éditrices de contenu (et les plus riches) excellent à intégrer des indices ayant une résonance culturelle ou faisant étroitement écho à la culture populaire et à l’air du temps. C’est ainsi que les photos d’animaux deviennent des mèmes qui attirent un large éventail de personnes en dehors du public auquel elles étaient initialement destinées.

Zeynep Arsel précise que bien que l’article porte exclusivement sur les contenus mettant en scène des animaux, le cadre qu’il décrit peut s’appliquer à d’autres domaines tels que les contenus décrivant des plats appétissants ou d’adorables enfants.

« Cet article a des implications sociétales dans la mesure où il explique quelque chose que nous faisons très souvent et généralement sans nous poser de questions, observe Zeynep Arsel. Nous voulions découvrir ce réseau caché, et tout commence par les créatrices et créateurs de contenu. »

Lisez l’article cité : Digital Affective Encounters: The Relational Role of Content Circulation on Social Media



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