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« Avec un peu de patience, de persévérance et de bonne volonté, nous pouvons nous faire entendre »

L’expert en résidence de l’Université Concordia Ghislain Picard revient sur ses 33 années à l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador
3 juin 2025
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Membre de la communauté Kanien’kehá:ka de Kahnawake, l’autrice Kassidy Jacobs est une étudiante de troisième année en journalisme et étude des peuples autochtones.

Après plus de trois décennies à la tête de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), le chef régional et professeur de Concordia Ghislain Picard a annoncé plus tôt cette année qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat.

À l’occasion du Mois national de l’histoire autochtone, nous revenons sur le legs de Ghislain Picard et sur les temps forts de ses 33 ans à la direction de l’APNQL.

D’abord faire entendre les voix autochtones

Né dans la communauté innue de Pessamit, située sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, au Québec, c’est d’abord en tant que journaliste que Ghislain Picard s’initie au militantisme. Il écrit à l’époque dans le journal régional de sa nation et travaille à la station de radio qu’il a cofondée, la Société de communication Atikamekw-Montagnais.

Il s’aperçoit rapidement que l’information sur les questions autochtones est rare et souvent inaccessible, particulièrement dans les communautés éloignées comme la sienne. « Je viens d’une nation isolée. Peu de personnes pouvaient exprimer librement leurs préoccupations et opinions, explique M. Picard. Je trouvais que ça n’avait pas de sens et que je devais fournir à mon peuple un espace pour s’exprimer. »

M. Picard est d’abord représentant et négociateur pour le Conseil des Atikamekw et des Montagnais avant de décider de faire le saut comme chef régional de l’APNQL en 1992. Il place la réconciliation avec le gouvernement fédéral et la résistance au colonialisme au cœur de son mandat.

Il explique qu’il s’agit de problèmes systémiques bien ancrés, et souligne qu’il n’a jamais été question d’inclure les peuples autochtones dans un système qui est en fait conçu pour effacer leurs identités, leurs cultures et leurs langues.

« Nous devons accepter la réalité et reconnaître que le cadre colonial d’origine ne nous faisait aucune place, déclare-t-il. Mais, avec un peu de patience, de persévérance et de bonne volonté, nous pouvons nous faire entendre. »

La réconciliation doit être plus qu’un symbole

Selon lui, il importe aujourd’hui d’aller au-delà des gestes symboliques. Il mentionne que des problèmes urgents comme l’accès à l’eau potable et à des logements sûrs ne sont toujours pas réglés et que ceux-ci doivent figurer en tête de liste des priorités fédérales.

« Vous avez votre navire, nous avons notre canoë – nous devons respecter les réalités et les cultures très différentes de chacun, reconnaît-il. Mais il est pour nous tout aussi important de demeurer vigilants et de nous assurer que le gouvernement travaille à régler les problèmes des communautés autochtones. »

Ghislain Picard s’est notamment distingué en 2006, quand il est parvenu à convaincre Jean Charest et son gouvernement de travailler étroitement avec l’APNQL.

Au cours d’une réunion de trois jours, M. Picard et son équipe ont exposé leurs principales préoccupations et proposé des idées concrètes pour améliorer les conditions de vie des communautés autochtones. Le cabinet a réagi en présentant des solutions pour s’attaquer à ces problèmes.

« Ce fut un grand moment pour moi, affirme-t-il. À partir de ce point, nous savions que nous trouverions d’autres alliés et que la société allait accorder plus d’importance au bien-être économique et social et de nos communautés. »

Un expert en résidence de l’Université Concordia

Depuis septembre 2023, Ghislain Picard agit en tant qu’expert en résidence spécialisé en gouvernance autochtone en compagnie de Geoffrey Kelley, qui a longtemps été député et ministre à l’Assemblée nationale du Québec. Dans le cadre de leur mandat de deux ans au Département de science politique, MM. Picard et Kelley donnent conjointement deux cours de deuxième cycle qui examinent les enjeux politiques et administratifs inhérents aux relations entre les peuples autochtones et l’État.

« Le chef Picard fait bénéficier ses étudiantes et étudiants d’une perspective et d’une expertise exceptionnelles, non seulement sur des questions de gouvernance autochtone, mais aussi par rapport au fonctionnement et aux structures étatiques du Québec et du Canada », souligne le directeur du département, Daniel Salée.

En tant qu’expert en résidence, M. Picard sert également de ressource pour le corps professoral et de mentor pour les étudiantes et étudiants.

« Nous lui sommes extrêmement reconnaissants de mettre son savoir au service de l’effectif étudiant et du corps professoral. Sa présence parmi nous enrichit considérablement la formation que nous offrons aux étudiantes et étudiants de deuxième cycle qui seront à la recherche d’un emploi dans le secteur public ou auprès d’organismes de défense des droits. »

Un nouveau chapitre

Le militant de la première heure s’apprête maintenant à amorcer un nouveau chapitre de sa vie, et son départ marquera la fin d’une période charnière pour le leadership autochtone. Ghislain Picard affirme qu’il laisse l’APNQL en bons termes et que le mouvement populaire est entre bonnes mains.

Il confie aussi qu’il souhaite explorer d’autres avenues et contribuer de manière différente pendant qu’il est toujours en bonne santé.

En avril dernier, Ghislain Picard a été nommé professeur associé à HEC Montréal, où il collabore déjà depuis 2021 aux programmes de l’École des dirigeantes et dirigeants des Premières Nations (EDPN). Ces programmes offrent aux leaders autochtones des formations visant à promouvoir l’autodétermination et l’amélioration des conditions socioéconomiques des Premières Nations.

Lorsqu’on lui demande s’il a un conseil à donner à son successeur en tant que chef régional, M. Picard insiste sur la nécessité de demeurer humble et de conserver une bonne capacité d’écoute.

« L’un des traits des bons dirigeants, c’est leur tendance à écouter plus qu’à parler. Il faut être capable d’écouter, d’observer et d’analyser les situations auxquelles on a affaire. »


Apprenez-en davantage sur le
Département de science politique de l’Université Concordia.

 



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