Grande Concordienne : Joyce Napier, ambassadrice du Canada auprès du Saint-Siège

Joyce Napier, B.A. 1981, a consacré plus de quatre décennies à couvrir des événements qui ont marqué le Canada et le monde.
En tant que journaliste multilingue et correspondante à l’étranger, elle a réalisé des reportages en salle de rédaction et sur le terrain, témoignant de bouleversements politiques, de crises humanitaires et de profonds changements. Aujourd’hui, elle apporte cette même richesse d’expérience à son rôle d’ambassadrice du Canada auprès du Saint-Siège.
La nomination de Napier en 2024 a fait suite à son départ de CTV News, où elle occupait le poste de chef du bureau parlementaire. Après avoir pris le temps de réfléchir, elle a rapidement ressenti l’appel à servir d’une manière inédite.
« C’était un véritable honneur et une formidable opportunité – bref, ce n’est pas le genre d’occasion que l’on refuse », déclare-t-elle.
Le poste a permis à la récipiendaire de l’Ordre du Canada de boucler la boucle. Née à Montréal d’immigrants égyptiens, Napier a en effet grandi à Rome, où elle est allée à l’école et a appris à parler couramment l’italien, ce qui donne à son rôle actuel une résonance toute particulière.
« J’ai grandi ici, je suis allée à l’école ici, je parle la langue et je lis et écris couramment l’italien, précise-t-elle. Ce monde ne m’était pas étranger. »
Tout au long de sa carrière de journaliste, Napier a occupé des postes de direction à CBC, Radio-Canada, La Presse, The Globe and Mail, The Canadian Press et CTV. Elle a été correspondante au Moyen-Orient pour Radio-Canada, puis chef de bureau à Washington.
En 2016, elle a été nommée chef du bureau parlementaire de CTV National Television News. Au cours de sa carrière, ses reportages l’ont amenée à couvrir Guantanamo Bay, les conséquences de l’ouragan Katrina, la transition papale au Vatican, le séisme dévastateur de 2010 au Chili et l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis en 2008.
Aujourd’hui, en tant que représentante du Canada auprès du Saint-Siège, Napier évolue dans une arène différente, mais tout aussi complexe, où la diplomatie est façonnée moins par la législation que par des valeurs et des réseaux de longue date.
« Beaucoup de gens se demandent pourquoi nous avons une ambassade auprès du Saint-Siège, remarque-t-elle. Le Vatican n’adopte peut-être pas de lois et ne signe pas d’accords commerciaux, mais il est présent là où le Canada ne l’est souvent pas, puisqu’il gère des écoles, des hôpitaux, des refuges et des orphelinats. Le Vatican a de la portée et de l’influence, et il transmet des renseignements, ce qui est crucial. »
La première année de la Grande Concordienne en tant qu’ambassadrice a été un tourbillon de réunions et de fonctions cérémonielles, marquée à la fois par des transitions solennelles et des moments d’une importance inattendue. « On ne s’ennuie jamais », confie-t-elle à propos de cette expérience.
L’un de ces moments a été la présentation de ses lettres de créance au pape François, une expérience dont elle se souvient avec un profond respect à la lumière de son récent décès.
« Ce n’est pas le genre de chose auquel on s’attend quand on commence, ajoute Napier. Mais dans ce rôle très particulier, on se retrouve dans des situations qui dépassent tout ce que l’on avait imaginé. »
Avec l’élection du pape Léon XIV, Napier poursuit sa mission diplomatique dans une période de changement historique pour le Saint-Siège.
Qu’est-ce qui vous vient spontanément à l’esprit quand vous repensez à vos études à Concordia?
Joyce Napier : Concordia était la porte d’entrée du Canada. J’ai toujours voulu être auteure – journaliste – depuis mon adolescence. Ce rêve me semblait inaccessible, mais Concordia m’a donné les outils nécessaires.
Le Département de journalisme n’en était qu’à ses débuts. Je me souviens des salles de classe en forme de L dans ces vieilles maisons du centre-ville, avec les planchers inclinés. Lindsay Crysler était notre directeur de programme – c’était un vrai journaliste, il jurait beaucoup et nous adorions ça.
Lui et [Enn Raudsepp, cofondateur du département] nous ont appris à réaliser des reportages, à écrire, à penser. En tant que Canadienne de première génération – mes parents ont émigré du Moyen-Orient –, je ne venais pas d’une famille bien établie : pas de relations, pas de raccourcis… Malgré cela, j’ai pu devenir journaliste parce que Concordia m’a ouvert les portes d’un monde que je croyais hors de portée.
Pouvez-vous énumérer certains des facteurs qui ont contribué à votre réussite?
JN : L’un des principaux tournants est survenu au cours de ma deuxième année à Concordia. J’ai abordé Lindsay Crysler et lui ai dit que je ne pouvais pas me permettre d’avoir de mauvaises notes. Je faisais une double majeure en journalisme et en littérature française, et l’écriture et le reportage constituaient des défis de taille pour moi. Je me plongeais dans mes devoirs et me creusais les méninges pendant des heures pour écrire six paragraphes. Entre-temps, mes camarades de classe semblaient y parvenir sans effort, ce qui m’a amenée à me demander si le journalisme était vraiment fait pour moi.
J’ai dit à Lindsay que je devrais peut-être chercher une autre profession où je pourrais réussir. Je n’oublierai jamais sa réponse : « Pour ce que vous en savez, ils ont déjà atteint leur niveau et vous n’avez pas encore atteint le vôtre. Si vous êtes allergique au travail, adieu. Mais si vous êtes prête à vous battre, vous atteindrez peut-être le niveau auquel vous aspirez. »
Il ne m’a pas laissé abandonner, et ses conseils sont restés gravés dans ma mémoire. Des années plus tard, après avoir travaillé comme pigiste pour le Toronto Star et le Globe and Mail, on m’a proposé un poste à la Presse canadienne à Montréal. J’ai ensuite posé ma candidature pour un poste à La Presse, que j’ai obtenu. Peu après, on m’a demandé de revenir à Concordia pour enseigner la rédaction et le reportage en deuxième année.
Ce fut un moment important pour moi. J’avais toujours voulu écrire – être une journaliste qui raconte les histoires de notre temps –, et Concordia m’a donné les bases et la liberté nécessaires pour y parvenir.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiantes et étudiants qui souhaiteraient suivre vos traces?
JN : Ils doivent s’adapter à l’évolution rapide du paysage médiatique, même s’ils ne se rendent pas toujours compte de l’ampleur de ces changements.
Avec le recul, nous étions dans une situation idéale, à une époque où les médias avaient de l’argent et où nous pouvions voyager et travailler sur des projets intéressants. Nous avions le luxe de prendre le temps d’écrire des articles plus longs, et les médias classiques offraient davantage de possibilités.
Aujourd’hui, les étudiantes et étudiants sont en concurrence avec les blogues, les médias sociaux et un large éventail de plateformes numériques. Lorsque nous travaillions sur le terrain, nos concurrents se limitaient aux autres médias classiques. De nos jours, le paysage est plus vaste et plus fragmenté. De nombreuses personnes ne lisent même plus les journaux. Toutefois, les grands médias demeurent essentiels, même s’ils ont évolué au fil du temps. Mon conseil aux étudiantes et étudiants est de ne pas regarder en arrière et de continuer à tenir le bon bout.
Quel effet cela vous fait-il d’avoir été nommée Grande Concordienne?
JN : C’est un grand honneur qui m’emplit d’humilité, d’autant plus que Concordia compte tellement de diplômées et de diplômés. Je suis extrêmement reconnaissante de compter parmi les 50 personnes qui ont reçu cette distinction.
Cela signifierait également beaucoup pour mes parents. Ils étaient fiers lorsque je suis devenue journaliste. Ils ont fait d’énormes sacrifices en abandonnant leur vie pour venir au Canada, dans l’espoir d’offrir à leurs enfants davantage de possibilités. Notre réussite témoigne de ces sacrifices.
Tirez fierté de nos Grandes Concordiennes et Grands Concordiens !
Cinquante diplômés remarquables recevront cette reconnaissance dans le cadre du 50e anniversaire de l’Université. Chacune de ces personnalités a apporté une contribution majeure à son domaine d’activité et à la société.
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Cette nouvelle cohorte s’inscrit dans la continuité du palmarès des 40 personnes d’exception établi à l’occasion du 40e anniversaire de l’Université.