Trouver sa propre voix en art et dans la vie

Il y a 50 ans, je faisais partie de la première promotion de l’Université Concordia. Quand je repense à l’extraordinaire formation que j’ai reçue et à la précieuse expérience que j’ai acquise au cours de mes études à la Faculté des beaux-arts, j’éprouve une immense gratitude.
En 1966, j’ai eu le privilège d’accompagner mon mari de l’époque, Morris Charney, lors d’un séjour d’un an en Europe consacré à ses recherches en urbanisme. Ce fut une période exaltante et stimulante, mais à mon retour, j’ai réalisé que je devais trouver ma propre voix.
Trois ans plus tard, juste après la naissance de mon fils Dov, je me suis inscrite aux cours du soir en beaux-arts à la Sir George Williams University, l’un des établissements fondateurs de Concordia. Ces années ont été déterminantes. Un groupe d’entre nous restait souvent tard après les cours pour examiner nos travaux artistiques et en discuter. Il arrivait qu’un professeur se joigne à nous, ce qui donnait alors lieu à de longues conversations.
J’étais pétrifiée à l’idée d’assister à mon premier cours en studio, persuadée que mes camarades de classe étaient plus expérimentés. Le cours était donné par Leah Sherman, B.A. 1946, une éducatrice extraordinaire qui, avec Alfred Pinsky, allait fonder ce qui deviendrait plus tard la Faculté des beaux-arts de l’Université.
Notre premier travail consistait à « activer une surface ». Après avoir étalé un éventail de matériaux artistiques sur une table, Leah Sherman a expliqué que dès que nous faisons une marque sur une page, nous l’activons et la transformons. Je ne sais pas ce qui m’a motivée, mais j’ai créé des marques en pliant et en froissant le papier. Lorsque notre professeure a vu mon travail, son enthousiasme m’a galvanisée. Son cours est ensuite devenu un tremplin essentiel pour moi.
Dans le cours de dessin de Patrick Lansley, nous dessinions principalement en observant un modèle. Un jour, il nous a emmenés au Musée Redpath de l’Université McGill pour dessiner. Les organismes et les squelettes qui y étaient conservés me fascinaient.
À l’époque, je venais de donner naissance à ma fille Maya et je l’emmenais avec moi dans sa poussette, passant des heures à dessiner au musée. Il régnait dans ce lieu une atmosphère inspirante, et c’était passionnant de travailler sur quelque chose que j’avais choisi et qui revêtait une connotation personnelle.
À la fin du trimestre, après avoir montré à Patrick Lansley le portfolio contenant mes travaux de cours, je lui ai fait voir la série de dessins réalisés au Musée Redpath. Il était alors conservateur de la galerie d’art de Concordia, située au pavillon Hall. À ma grande surprise, il m’a invitée, ainsi qu’un autre étudiant, à y exposer nos travaux.
Il m’a demandé quels étaient mes projets après l’obtention de mon diplôme, et je lui ai dit avoir l’intention d’enseigner l’art. « Vous ne devriez jamais enseigner, m’a-t-il répondu. Cela va vous épuiser. Vous êtes une artiste, acceptez-le. » Quelques semaines plus tard, alors que je remplissais les formulaires pour renouveler mon passeport, j’ai inscrit « artiste » dans le champ réservé à la profession.
Alfred Pinsky, véritable encyclopédie vivante de l’art moderne et contemporain, m’a ouvert les yeux sur un monde entièrement nouveau. Je le respectais énormément. Son cours était élaboré à partir du livre de Heinrich Wölfflin intitulé Principes fondamentaux de l’histoire de l’art, dans lequel l’auteur développait le concept du « pictural » par opposition au « linéaire ». Ces mots me font immanquablement penser à Alfred Pinsky. Un jour, j’ai eu le courage de lui demander son avis sur mon travail. Il l’a étudié pendant ce qui m’a semblé être une éternité, puis a finalement dit : « Continuez à travailler. Cela en vaut la peine. »
Stanley Horner, autre membre fondateur du Département des beaux-arts et directeur du Département d’éducation artistique, a aussi été une importante influence pour moi. Sa passion pour l’enseignement était contagieuse.
En 1972, alors que j’étudiais encore le soir, on m’a proposé un poste au Collège Dawson après le départ précipité d’un professeur. Je n’avais aucune expérience en enseignement et j’étais terrifiée, mais j’ai accepté. C’était pour moi un défi de donner des cours le jour tout en étudiant le soir, mais l’enseignement était immensément gratifiant. Ces deux activités se sont nourries l’une l’autre, enrichissant ma compréhension à la fois de l’art et de l’éducation.
J’ai adoré enseigner, et les interactions avec les étudiantes et étudiants étaient très stimulantes, mais j’ai finalement choisi de me consacrer entièrement à ma pratique artistique.