Par exemple, l’évaluation des technologies de CAD fait appel non seulement aux compétences financières, mais aussi à des connaissances techniques et scientifiques.
« L’un sans l’autre peut conduire à des investissements mal conçus ou à des occasions manquées », fait remarquer M. Taylor.
Il souligne aussi l’émergence des crédits biodiversité en tant que nouvelle classe d’actifs environnementaux. Bien qu’ils soient encore peu développés, ces crédits pourraient encourager les efforts de conservation et entraîner des progrès considérables.
« Bien conçus, ces marchés peuvent être transformateurs, mais seulement si les professionnels sont prêts à en maîtriser les subtilités. »
Redéfinir la réussite
M. Taylor estime que la finance durable exige de redéfinir les critères de réussite et la mesure de la valeur.
« Les coûts évités, comme la réduction des perturbations de la chaîne d’approvisionnement ou la prévention de litiges liés au climat, sont tout aussi importants. Ces risques peuvent nuire à la stabilité financière s’ils ne sont pas traités de manière proactive. Ce n’est pas qu’une question de gains, mais aussi de ce que l’on évite de perdre en étant préparé. »
Par exemple, les actifs délaissés, c’est-à-dire les investissements qui perdent de la valeur en raison d’une évolution de la réglementation ou du marché, sont l’une des conséquences coûteuses du manque d’adaptation.
« Ces risques peuvent être évités si les organisations intègrent le développement durable dans leur planification stratégique », affirme M. Taylor.
Il cite le cas des fabricants d’équipement d’origine pour qui la réussite signifie concilier rentabilité et durabilité. En axant leurs activités sur les véhicules électriques et les infrastructures nécessaires à leur fonctionnement, certains ont révolutionné l’industrie automobile.
« Leur succès montre que la prévoyance et l’innovation peuvent avoir des retombées financières et environnementales », explique M. Taylor, qui ajoute que les constructeurs automobiles qui ont sous-estimé le passage aux technologies vertes ont dû se démener pour rattraper leur retard.
Prenons aussi l’annonce récente d’un investissement de 40 millions de dollars dans Deep Sky par Breakthrough Energy Ventures, de Bill Gates. Entreprise de Montréal, Deep Sky fait progresser la technologie de capture atmosphérique directe (CAD) pour éliminer le dioxyde de carbone de l’atmosphère.
Cet investissement montre comment les technologies de rupture peuvent attirer des capitaux importants tout en s’attaquant aux problèmes climatiques.
« C’est un bon exemple de l’importance d’investir dans l’innovation pour mettre en place des solutions qui répondent à la fois aux impératifs climatiques et économiques », constate M. Taylor.
Garder le cap
Le changement systémique, insiste M. Taylor, nécessite d’abattre les cloisons et d’encourager la collaboration entre les industries. Ingénieures et ingénieurs, analystes financiers et responsables politiques doivent travailler ensemble pour mettre au point des solutions comme les technologies de CAD.
« L’ampleur de la crise climatique exige des mesures systémiques », déclare M. Taylor.
Selon lui, les systèmes financiers doivent intégrer le développement durable à tous les échelons, des conseils d’administration aux activités de première ligne. Pour y parvenir, il faut de l’éducation, des cadres pratiques et des partenariats interdisciplinaires.
« Les institutions qui agissent rapidement pour renforcer leurs capacités et tenir compte de la durabilité dans leurs objectifs seront à la pointe de la prochaine ère économique. »
M. Taylor estime qu’en favorisant l’interdisciplinarité, en intégrant la durabilité et en redéfinissant les critères de réussite, le secteur financier peut passer de spectateur à moteur du changement systémique. Pour les spécialistes comme pour les institutions, c’est maintenant qu’il faut agir.
« Les solutions aux plus grands défis existent déjà, conclut M. Taylor, la question est de savoir si nous prendrons les mesures nécessaires pour les déployer à grande échelle. »