Le professeur Mitchell McLarnon cherche à « bâtir une communauté autour d’un jardin »

Mitchell McLarnon, professeur adjoint au Département des sciences de l’éducation de l’Université Concordia, se passionne pour l’apprentissage environnemental réalisé à l’échelle d’un jardin. Il a récemment aménagé sur le campus du centre-ville de l’Université un espace de jardinage voué à l’enseignement et à la recherche.
Mitchell McLarnon prépare actuellement à l’intention des personnes enseignantes de la province une boîte à outils conçue pour sensibiliser les jeunes au changement climatique.
« On entend souvent dire que le simple fait de passer du temps en immersion dans la “nature” ou en “milieu naturel” amènerait automatiquement les élèves à apprécier l’environnement et à vouloir le protéger et en prendre soin, avance-t-il. Voilà qui est réjouissant et probablement vrai, mais il reste que les éducatrices et éducateurs ont tout de même un important rôle à jouer à ce chapitre. »
« Parfois, certains liens doivent être rendus explicites, et c’est là que l’apport des éducatrices et éducateurs est essentiel. Nous pouvons vraiment consolider ces liens pour favoriser la compréhension des notions dans le cadre du processus d’apprentissage. »
Jardiner en ayant un but
Au cours de la dernière décennie, les travaux de Mitchell McLarnon – qui collabore avec des éducatrices et éducateurs, des garderies, des écoles, des camps et des organismes communautaires – sont en grande partie liés à son projet de jardin urbain, dorénavant aménagé sur le terrain du pavillon des Sœurs-Grises, sur le campus du centre-ville de Concordia.
Comme le fait remarquer le chercheur, les jardins ont de nombreuses utilités, et il importe dès le départ de clarifier en quoi consistent leurs buts et les attentes auxquelles ils sont censés répondre.
« Je demande toujours aux gens : “Pourquoi plantons-nous un jardin? Quel en est le but?” Certains diront que c’est à des fins de production alimentaire, ou peut-être de pollinisation. Mais il y a beaucoup de terminologie et de discours flous sur le rôle que remplissent réellement les jardins. Voilà ce qu’il faut clarifier. »
Mitchell McLarnon souligne l’importance de créer des occasions d’apprentissage expérientiel pour les jeunes. « Selon moi, il est très important qu’ils comprennent combien de temps il faut pour faire pousser des végétaux ici à Montréal. Combien de temps faut-il pour obtenir une tomate, ou encore une pomme de terre, du maïs, des haricots ou des courges? »
« C’est une chose de lire un article sur la culture des trois sœurs [une pratique agricole autochtone durable] ou de faire pousser des plantes dans un petit pot de compost. Mais enfouir une graine dans le sol et la voir prendre vie? C’est incroyable. »

Aider les jeunes à s’enraciner
La pratique du jardinage peut favoriser le mieux-être sur plusieurs plans : social, émotionnel, psychologique et physique, et mener à une meilleure compréhension de notre dépendance à l’égard du monde naturel.
« Toucher la terre, c’est comme un antidépresseur, fait valoir Mitchell McLarnon. Le simple fait de sortir de la salle de classe permet à différents types d’apprenantes et d’apprenants de s’épanouir. »
Il considère son fils de trois ans comme une source d’inspiration. « Il me demande : “Où est-ce qu’on achète ça?” et je lui réponds : “En fait, on peut le cultiver”. C’est une façon de mettre du sable dans l’engrenage du capitalisme et de contester l’idée selon laquelle tout s’achète quelque part. »
Mitchell McLarnon et son équipe offrent des activités éducatives de jardinage sur les changements climatiques au laboratoire d’éducation préscolaire et à la halte-garderie de Concordia, ainsi qu’à l’école Westmount Park située non loin de l’Université.
Il souligne que son équipe de recherche – Rebeca Esquivel, Nadia Bunyan, Vitor Yano, Sebastian Martinez Sanchez, Sage Irwin et Katya Teague – mérite d’être félicitée pour avoir organisé des séances et des ateliers éducatifs pour les jeunes.
Ensemble, éducateurs et jeunes participants explorent des questions telles que « D’où provient le tissu de mon t-shirt? Comment planter une graine? »
Mitchell McLernon espère que le fait d’enseigner aux participants comment conserver des semences, pour ensuite les planter et les voir pousser, leur permettra de prendre conscience des efforts déployés pour obtenir la tomate qu’ils voient à l’épicerie.
Il ajoute qu’il est essentiel que les personnes travaillant dans le domaine du changement climatique et de l’éducation à l’environnement s’adressent aux enfants.
« Ils sont l’avenir. Ils ont hérité de ce monde, mais nous avons aussi une responsabilité. Nous devons sensibiliser les adultes et ne pas tout mettre sur les épaules des jeunes. »
Un jardin dans un site patrimonial
Il a fallu quelques années pour trouver les fonds nécessaires à la reconstruction et à l’agrandissement du jardin des Sœurs-Grises, qui s’étend aujourd’hui sur plus de 300 mètres carrés. Comme il s’agit d’un site patrimonial, certaines restrictions ont dû être observées, comme l’interdiction de creuser sur la propriété. Les jardiniers ont donc dû aménager le jardin sur monticule.
Mitchell McLarnon dit avoir hâte de s’éloigner de son bureau, où il travaille à l’obtention d’un financement pour divers projets.
« Je passe plus de temps à rédiger des demandes de subvention pour financer des jardins qu’à jardiner en ce moment! J’espère passer les deux prochaines semaines en plein air. »
Un jardin ouvert à tous
Selon Mitchell McLarnon, le manque d’accessibilité est un obstacle majeur aux expériences de jardinage, en particulier pour les jeunes. De nombreux jardins communautaires ont des listes d’attente et un nombre limité de parcelles, et le jardinage est un engagement à long terme.
« Pour vivre dans la dignité, il est essentiel d’avoir accès à ce type d’espaces verts. Mais nombre d’entre eux – y compris le terrain du pavillon des Sœurs-Grises – sont clôturés et fermés à clé. Alors comment mobiliser les jeunes pendant toute l’année? Comment bâtir une “communauté autour d’un jardin”, plutôt que se borner à aménager un “jardin communautaire”? »
Plus généralement, Mitchell McLarnon considère les jardins et l’agriculture urbaine comme un microcosme permettant de voir comment se négocient les processus de durabilité environnementale et de justice dans les villes.
Il rappelle que la racine étymologique du mot jardin est « enclos », qui évoque l’idée de barrières et de limites.
« Tout cela nous oblige à nous arrêter et à nous demander : qui est invité dans le jardin, et qui ne l’est pas? »
Découvrez les jardins des Sœurs-Grises en prenant part à l’événement gratuit A Closer Look: Urban Gardens, présenté par Mitchell McLarnon. La rencontre aura lieu le jeudi 7 août à 13 h, à ESPACE 4 et en ligne.
Pour vous inscrire, visitez la page de l’événement.