Melissa Paris St-Amour, enseignante au microprogramme Financer la transition climatique au Centre des dirigeants John-Molson de l’Université Concordia, a passé sa carrière au croisement de la durabilité et de la finance. En tant qu’associée principale ESG et Impact chez Cordiant Capital, elle conjugue expérience sur le terrain et expertise universitaire.
Finance de transition : financer le passage vers un avenir durable

Le financement du passage à une économie durable ne se limite pas à de bonnes intentions : il exige un investissement stratégique.
Il s’agit de fournir des capitaux pour aider les industries à réduire leurs émissions, notamment par l’adoption de technologies propres et la modernisation des opérations. On privilégie de plus en plus cette méthode pour combler le fossé entre les pratiques à fortes émissions de carbone et un avenir à faibles émissions. Cette approche reconnaît que la durabilité nécessite de l’innovation, de la collaboration et un soutien financier considérable.
La difficulté de mettre en œuvre des voies de transition économique et sociétale solides pour la décarbonation réside dans l’ampleur du changement lui-même. Des secteurs comme l’énergie, l’agriculture et l’industrie manufacturière, piliers de l’économie mondiale, comptent parmi les plus importants émetteurs de gaz à effet de serre.
La transition vers des pratiques durables ne consiste pas simplement à remplacer une technologie par une autre; il s’agit d’un processus complexe comportant plusieurs étapes et exigeant temps, engagement et innovation. En l’absence d’outils financiers adéquats, ces secteurs risquent de prendre du retard à mesure que la réglementation climatique se renforce et que les attentes du public évoluent.

« Le capital que nous investissons aujourd’hui façonne la société et l’économie de demain », affirme Mme Paris St-Amour.
Rôle du financement de la transition
Contrairement à la finance verte, qui appuie des projets déjà respectueux de l’environnement, le financement de la transition intervient sur des terrains plus complexes. Elle soutient les changements progressifs nécessaires à l’adaptation des industries existantes, comme la rénovation des usines pour améliorer l’efficacité énergétique, le passage à des sources d’énergie propres ou la modernisation des chaînes d’approvisionnement pour réduire les émissions. Ces mesures sont essentielles pour réduire la production mondiale de carbone tout en garantissant la viabilité économique des industries.
Mme Paris St-Amour donne un exemple concret de son travail chez Cordiant : lorsque des pannes de courant ont perturbé l’approvisionnement énergétique de son pays, une usine de fabrication étrangère a été contrainte de réduire ses activités à 50 % de sa capacité. Les pannes découlaient d’une baisse du niveau des rivières, qui a réduit la production hydroélectrique – une conséquence directe des changements climatiques.
« Chaque industrie est exposée à un certain degré de risque climatique », explique Mme Paris St-Amour.
Ces risques, qu’ils soient physiques (conditions météorologiques extrêmes) ou réglementaires (règles plus strictes en matière d’émissions), ont des répercussions financières importantes que les entreprises ne peuvent ignorer.
Du risque aux possibilités
Les pratiques de financement de la transition ne soutiennent pas seulement l’atténuation de répercussions négatives sur l’environnement; elles propulsent également l’innovation. En soutenant des solutions comme des projets d’énergie renouvelable, la production d’hydrogène vert ou des pratiques agricoles durables, les initiatives de financement de la transition favorisent la réussite à long terme des entreprises dans une économie verte.
Selon Mme Paris St-Amour, « La finance pour le climat consiste à harmoniser les investissements avec les objectifs mondiaux, comme l’Accord de Paris. L’enjeu ne se limite pas aux rendements : il s’agit de déterminer si les investissements aggravent le problème ou participent à sa résolution. »
Elle estime que reconnaître et prendre en compte les risques climatiques ne constituent qu’une partie de l’équation. Le financement de la transition consiste également à saisir les occasions.
« Il n’est pas seulement question d’éviter les risques, mais aussi de cibler les moyens de mener la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et d’en tirer profit », précise-t-elle.
Le financement de la transition, qui allie gestion des risques immédiats et soutien à la croissance à long terme, constitue une stratégie clé pour les entreprises face à un monde en mutation rapide.
Cependant, le progrès demande plus que des solutions superficielles.
Mme Paris St-Amour attire l’attention sur différents secteurs, dont la mode éphémère, où les déclarations de durabilité masquent souvent des problèmes plus profonds. Par exemple, la réduction de l’empreinte hydrique des vêtements peut être un pas dans la bonne direction, mais elle ne tient pas compte de l’impact environnemental du soutien au modèle commercial intrinsèquement non durable consistant à produire des vêtements jetables et de qualité médiocre.
« Le véritable progrès repose sur l’engagement envers des solutions systémiques et à forte incidence », souligne-t-elle.
Collaborer pour le changement
Selon Mme Paris St-Amour, la clé d’un financement efficace de la transition réside dans la collaboration. Les entreprises et leur haute direction doivent combler le fossé entre les parties prenantes visant le rendement financier et celles qui sont également motivées par des valeurs environnementales.
« Tout est question de parler le même langage », souligne-t-elle, car l’alignement des priorités financières et environnementales rend la finance de transition si efficace comme outil de développement.
Les enjeux sont importants : si elles ne s’adaptent pas à une économie à faibles émissions de carbone, les industries risquent d’affronter des coûts croissants et une réglementation plus stricte. En revanche, avec les bons investissements, les entreprises peuvent réduire les émissions, stimuler l’innovation et renforcer leur résilience envers les défis à venir.
« Les investissements d’aujourd’hui ne se limitent pas à résoudre des problèmes immédiats, explique Mme Paris St-Amour. Ils créent des occasions de transformer les industries et d’assurer un avenir durable pour tous. »