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Exercer un leadership dans un monde soucieux de l’eau

Selon Simon Olivier, responsable du fonds Cycle H2O, l’éducation, l’innovation et l’investissement peuvent améliorer la gestion durable de l’eau à l’échelle mondiale
8 avril 2025
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Par Darcy MacDonald


Un plan d'eau

Parfois, on choisit sa raison d’être, et parfois, elle s’impose de façon inattendue.

Simon Olivier s’est trouvé un but clair il y a plusieurs années lorsqu’une baignade dans le lac Memphrémagog lui a causé des irritations cutanées et des difficultés respiratoires.

« Le médecin m’a dit que j’étais en parfaite santé; le problème, c’était l’eau dans laquelle je m’étais baigné », raconte-t-il.

En tant qu’amateur de voile et de plongée sous-marine, M. Olivier se passionnait déjà pour l’eau, mais cet incident l’a orienté vers une tout autre voie.

Il savait qu’il existait des solutions pour lutter contre la pollution de l’eau, mais leur mise en œuvre n’était pas simple. Au fil d’échanges avec des membres de la communauté entrepreneuriale, il apprend que pour les entreprises de ce domaine, le capital de croissance fait souvent défaut, les banques ne comprenant pas bien la gestion de l’eau ni la façon d’en évaluer les risques. Pour les institutions financières, l’eau est gratuite et disponible en abondance, et n’est donc pas rentable.

« À l’époque, je me suis dit que, comme j’avais du temps et un peu d’argent, j’allais lancer un fonds d’investissement pour investir dans ces entreprises. »

Aujourd’hui, il est à la tête du fonds d’impact Cycle H2O chez Cycle Capital Management et enseigne au Centre des dirigeants John-Molson de l’Université Concordia, au microprogramme en gestion de l’eau et mécanismes du marché.

La gestion de l’eau consiste en la surveillance responsable des ressources en eau afin de garantir leur utilisation durable pour les personnes et l’environnement, tout en tenant compte des besoins économiques. Elle nécessite une collaboration entre les industries, les collectivités et les décideurs politiques afin de protéger la qualité et la disponibilité de l’eau pour les prochaines générations.

La gestion de l’eau est au cœur du travail de M. Olivier, qui vise à faire progresser les technologies et les stratégies permettant de lutter contre la pénurie d’eau et de promouvoir des initiatives durables essentielles tant pour les industries que pour les collectivités.

Voir l’eau autrement

Selon M. Olivier, la première étape consiste à reconnaître que l’eau est une ressource limitée.

« L’eau que l’on boit aujourd’hui a peut-être été consommée par des dinosaures il y a des millions d’années, mais ces dernières années, nous avons atteint le « pic de l’eau », c’est-à-dire que nous consommons plus que ce que la planète peut durablement reconstituer. À cet égard, nous nous trouvons en situation de déficit. »

Les sources habituelles, comme les lacs, les rivières et les aquifères, sont mises à rude épreuve par la surutilisation et la pollution. M. Olivier met en avant deux nouvelles sources : le dessalement et la réutilisation de l’eau.

Le dessalement transforme l’eau de mer en eau douce, offrant ainsi aux régions sujettes à la sécheresse une importante solution de rechange. Quant à la réutilisation, elle consiste à recycler les eaux usées pour prolonger leur utilité dans les industries et les collectivités.

M. Olivier cite en exemple le récent projet de H2O Innovation dans une usine automobile du Texas, où un système de recyclage de l’eau a été mis en place pour répondre à la forte demande de l’atelier de peinture automobile.

Autre réussite de H2O Innovation : la bière Revival, brassée à partir d’eaux usées recyclées de Los Angeles, qui démontre de manière créative le vaste potentiel de la réutilisation de l’eau.

M. Olivier souligne que les hautes directions et l’humanité dans son ensemble doivent changer leur mentalité pour comprendre et adopter ces possibilités.

Possibilités et responsabilités au Canada

Le Canada possède 20 % des réserves mondiales d’eau douce; il est donc particulièrement bien placé pour contribuer à la gestion des eaux à l’échelle internationale. Cependant, une grande partie de cette eau s’écoule vers le nord, alors que la majorité de la population – et de l’activité agricole – est concentrée près de la frontière américaine.

Cette réalité géographique engendre à la fois des difficultés et des possibilités. M. Olivier évoque le concept agricole de l’eau virtuelle, c’est-à-dire l’eau nécessaire tout au long du processus de culture, de transformation et de transport des denrées alimentaires.  

En exportant des cultures à forte consommation d’eau, le Canada redistribue en pratique ses ressources hydriques, allégeant la pression sur des régions sujettes à la sécheresse, comme la Californie, où les récents incendies ont fait augmenter le coût de l’eau d’environ 150 %, menaçant la viabilité de l’agriculture.

M. Olivier fait valoir que le rôle du Canada dans l’approvisionnement alimentaire mondial peut contribuer à soutenir la production agricole dans les régions où l’eau se fait rare.

Plus près de nous, des collectivités canadiennes souffrent également de leurs inefficacités.

Simon Olivier, responsable du fonds Cycle H2O chez Cycle Capital Management Simon Olivier, responsable du fonds Cycle H2O chez Cycle Capital Management

M. Olivier explique que 20 % de l’eau de la ville de Montréal est perdue à cause de fuites dans le système d’aqueduc.

« Pour fournir 100 % de l’eau nécessaire, les services publics doivent donc en produire 120 %. »

Remédier à ces inefficacités permettrait de conserver l’eau et de réduire les coûts pour les municipalités et la population.

Leadership en matière de gestion de l’eau

M. Olivier estime qu’une gestion efficace de l’eau commence par le leadership. Il souligne quatre piliers essentiels : comprendre le rôle et les effets de l’eau, reconnaître les défis comme les sécheresses et la contamination, explorer des technologies innovantes, et utiliser des leviers financiers pour accélérer la mise en place de solutions.

« Il ne suffit pas de relever les défis; il faut faire de l’eau une priorité stratégique. »

Les industries fortement tributaires de l’eau, comme l’agriculture, l’exploitation minière et l’énergie, subissent déjà la pression. Par exemple, l’extraction du lithium au Chili se tourne vers le dessalement en raison de règlements communautaires, et une usine de voitures électriques à Berlin a connu des retards faute de permis d’utilisation de l’eau.

Selon M. Olivier, « l’eau alimente plus d’industries que le pétrole et le gaz ».  

Pour réussir, les entreprises doivent intégrer la gestion de l’eau dans leurs stratégies à long terme.

Comprendre la gestion de l’eau

De la bière fabriquée à partir d’eaux usées recyclées aux grandes usines de dessalement, les solutions existent, mais leur transposition à grande échelle exige leadership et engagement.

M. Olivier souligne l’importance de l’adaptabilité et de la prévoyance, tant sur le plan individuel qu’organisationnel.  

« Les occasions les plus intéressantes se trouvent souvent en terrain inconnu. »

En encourageant l’innovation, les hautes directions peuvent relever les défis actuels pour assurer un avenir durable. 

Pour M. Olivier, l’accès à l’eau potable est un droit fondamental, et les choix que l’industrie et les dirigeants mondiaux font aujourd’hui détermineront s’il sera considéré comme tel.

« Pour résoudre ou aborder ces problèmes, il faut mieux comprendre ce qu’est l’eau et notre relation avec elle. Comme l’a dit Einstein, on ne peut résoudre que ce que l’on comprend. »



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