Parfois, on choisit sa raison d’être, et parfois, elle s’impose de façon inattendue.
Simon Olivier s’est trouvé un but clair il y a plusieurs années lorsqu’une baignade dans le lac Memphrémagog lui a causé des irritations cutanées et des difficultés respiratoires.
« Le médecin m’a dit que j’étais en parfaite santé; le problème, c’était l’eau dans laquelle je m’étais baigné », raconte-t-il.
En tant qu’amateur de voile et de plongée sous-marine, M. Olivier se passionnait déjà pour l’eau, mais cet incident l’a orienté vers une tout autre voie.
Il savait qu’il existait des solutions pour lutter contre la pollution de l’eau, mais leur mise en œuvre n’était pas simple. Au fil d’échanges avec des membres de la communauté entrepreneuriale, il apprend que pour les entreprises de ce domaine, le capital de croissance fait souvent défaut, les banques ne comprenant pas bien la gestion de l’eau ni la façon d’en évaluer les risques. Pour les institutions financières, l’eau est gratuite et disponible en abondance, et n’est donc pas rentable.
« À l’époque, je me suis dit que, comme j’avais du temps et un peu d’argent, j’allais lancer un fonds d’investissement pour investir dans ces entreprises. »
Aujourd’hui, il est à la tête du fonds d’impact Cycle H2O chez Cycle Capital Management et enseigne au Centre des dirigeants John-Molson de l’Université Concordia, au microprogramme en gestion de l’eau et mécanismes du marché.
La gestion de l’eau consiste en la surveillance responsable des ressources en eau afin de garantir leur utilisation durable pour les personnes et l’environnement, tout en tenant compte des besoins économiques. Elle nécessite une collaboration entre les industries, les collectivités et les décideurs politiques afin de protéger la qualité et la disponibilité de l’eau pour les prochaines générations.
La gestion de l’eau est au cœur du travail de M. Olivier, qui vise à faire progresser les technologies et les stratégies permettant de lutter contre la pénurie d’eau et de promouvoir des initiatives durables essentielles tant pour les industries que pour les collectivités.
Voir l’eau autrement
Selon M. Olivier, la première étape consiste à reconnaître que l’eau est une ressource limitée.
« L’eau que l’on boit aujourd’hui a peut-être été consommée par des dinosaures il y a des millions d’années, mais ces dernières années, nous avons atteint le « pic de l’eau », c’est-à-dire que nous consommons plus que ce que la planète peut durablement reconstituer. À cet égard, nous nous trouvons en situation de déficit. »
Les sources habituelles, comme les lacs, les rivières et les aquifères, sont mises à rude épreuve par la surutilisation et la pollution. M. Olivier met en avant deux nouvelles sources : le dessalement et la réutilisation de l’eau.
Le dessalement transforme l’eau de mer en eau douce, offrant ainsi aux régions sujettes à la sécheresse une importante solution de rechange. Quant à la réutilisation, elle consiste à recycler les eaux usées pour prolonger leur utilité dans les industries et les collectivités.
M. Olivier cite en exemple le récent projet de H2O Innovation dans une usine automobile du Texas, où un système de recyclage de l’eau a été mis en place pour répondre à la forte demande de l’atelier de peinture automobile.
Autre réussite de H2O Innovation : la bière Revival, brassée à partir d’eaux usées recyclées de Los Angeles, qui démontre de manière créative le vaste potentiel de la réutilisation de l’eau.
M. Olivier souligne que les hautes directions et l’humanité dans son ensemble doivent changer leur mentalité pour comprendre et adopter ces possibilités.
Possibilités et responsabilités au Canada
Le Canada possède 20 % des réserves mondiales d’eau douce; il est donc particulièrement bien placé pour contribuer à la gestion des eaux à l’échelle internationale. Cependant, une grande partie de cette eau s’écoule vers le nord, alors que la majorité de la population – et de l’activité agricole – est concentrée près de la frontière américaine.
Cette réalité géographique engendre à la fois des difficultés et des possibilités. M. Olivier évoque le concept agricole de l’eau virtuelle, c’est-à-dire l’eau nécessaire tout au long du processus de culture, de transformation et de transport des denrées alimentaires.
En exportant des cultures à forte consommation d’eau, le Canada redistribue en pratique ses ressources hydriques, allégeant la pression sur des régions sujettes à la sécheresse, comme la Californie, où les récents incendies ont fait augmenter le coût de l’eau d’environ 150 %, menaçant la viabilité de l’agriculture.
M. Olivier fait valoir que le rôle du Canada dans l’approvisionnement alimentaire mondial peut contribuer à soutenir la production agricole dans les régions où l’eau se fait rare.
Plus près de nous, des collectivités canadiennes souffrent également de leurs inefficacités.