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Repenser le rôle des programmes de santé universitaires grâce à une innovation créative

5 août 2025
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Par Heather McLaughlin

Source: Media Relations

Cet articlé a été publié dans Le Devoir.

Le Devoir vous invite sur les chemins de traverse de la vie universitaire. Une proposition à la fois savante et intime, à cueillir tout l’été comme une carte postale. Aujourd’hui, on se penche sur le rôle de la thérapie par les arts dans le maintien de la santé communautaire.

De nombreuses personnes que je connais, dont des étudiants, des collègues, des clients en thérapie et des amis, portent un fardeau plus lourd que ce qu’elles peuvent raisonnablement supporter. En effet, les systèmes dans lesquels nous évoluons sont mis à rude épreuve ; les soins sont plus difficiles d’accès, la confiance du public s’érode, et les crises actuelles — qu’elles soient liées à la santé mentale, aux services sociaux, à la géopolitique ou au climat — ont des répercussions sur tous les aspects de notre vie. La gouvernance mondiale progresse trop lentement — ou dans la mauvaise direction — pour faire face aux bouleversements sociopolitiques complexes et systémiques que nous connaissons. Je suis de plus en plus frappée par l’énormité de cette polycrise mondiale. L’érosion des ressources publiques, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation, ne fait qu’accentuer les divisions. Dans ce contexte, je me demande sans cesse quelles sont les voies du changement : comment pouvons-nous penser, tisser des liens et agir différemment ensemble, dans le but de trouver le type de réponses que cette époque exige ?

En tant que thérapeute et éducatrice spécialisée dans la théorie des systèmes, je sais depuis longtemps que nos vies personnelles, relationnelles et sociales sont façonnées par des mécanismes complexes. La théorie des systèmes explore les interconnexions et les modèles réciproques entre les éléments. Ceux-ci peuvent être aussi divers que les relations entre les personnes, les écosystèmes, les processus biologiques ou les structures techniques. Dans cette optique, la créativité et la connexion peuvent ouvrir la voie à des changements porteurs.

Je trouve également une orientation dans le travail des nombreux grands penseurs systémiques qui tentent de saisir cette complexité. Par exemple, Vanessa de Oliveira Andreotti explore la manière dont les relations façonnent des systèmes non durables, et comment repenser ces relations peut nous aider à imaginer de nouvelles voies pour l’avenir. Elizabeth Sawin plaide en faveur de la « multisolution », un cadre qui nous permet d’envisager stratégiquement des solutions qui répondent à des problèmes multiples.

Ces idées font écho à ce que je constate dans la pratique : de nouvelles formes de collaboration peuvent voir le jour lorsque nous honorons la complexité de la tâche et que nous nous mettons au défi de penser et de nous impliquer différemment. La créativité peut soutenir le changement collectif en nous aidant à nouer des liens différents et à imaginer de nouvelles possibilités. Comme je travaille dans une université, c’est là que j’ai eu le plus d’occasions d’explorer la façon dont ces idées peuvent s’enraciner. Les universités accomplissent déjà un travail important en matière d’engagement communautaire, et nous nous demandons sans cesse comment ces efforts peuvent être approfondis, mieux alignés sur les besoins de la communauté, mieux soutenus et plus durables.

Au Département de thérapies par les arts de l’Université Concordia, nos étudiants offrent des milliers d’heures de thérapie gratuitement dans le cadre de leur formation, tout en contribuant à tisser des liens durables entre les différents secteurs sociaux. Cependant, face aux pressions sociopolitiques croissantes qui touchent à la fois notre département et nos partenaires, nous avons dû trouver de nouveaux moyens de relever les défis de notre époque. Cette situation soulève des questions plus vastes : comment les départements peuvent-ils mieux relier l’apprentissage universitaire aux réalités et aux besoins de la communauté ? Et quelles structures et ressources permettraient à ces collaborations d’être durables, évolutives et mutuellement bénéfiques ?

En réponse à ces questions, j’ai développé la vision initiale de ce qui est aujourd’hui le Centre arts et santé de l’Université Concordia. Le centre est devenu une structure vivante d’apprentissage accessible et inclusif, ainsi que de soutien communautaire. Il comprend trois volets interreliés au travers desquels les étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs proposent des thérapies par les arts gratuites, inclusives et accessibles aux personnes, aux groupes et aux familles de tous âges ; une clinique sur le campus, des programmes satellites dans les maisons des jeunes et les écoles publiques, un réseau croissant de partenariats communautaires avec des organismes sans but lucratif et des services publics insuffisamment dotés en ressources. Ces volets reflètent un modèle d’action systémique plus large, qui consiste à renforcer les relations à l’échelle individuelle, à favoriser la collaboration réciproque au sein des communautés et à accroître la résilience des systèmes sociaux dans leur ensemble.

Avec le soutien initial et continu du Centre SHIFT pour la transformation sociale de l’Université Concordia, nous avons créé un prototype du modèle axé sur le service du Centre arts et santé de Concordia, et commencé à mettre en place un changement systémique. Depuis, ces efforts se sont développés bien au-delà de ce que nous avions imaginé au départ, grâce aux généreuses contributions de la Fondation Sandra et Alain Bouchard, de la Fondation Raschkowan, de la Fondation Famille Mongeau et de Sarah Ivory. Au cours de ses trois premières années d’existence, le Centre arts et santé a ainsi offert plus de 7000 heures de thérapie par le biais de sa clinique, de ses programmes dans les écoles et les maisons des jeunes, et de ses partenariats avec la communauté. Ces contributions reflètent une croyance commune, à la fois dans l’importance de la santé communautaire et dans le rôle unique que les arts peuvent jouer pour la favoriser.

Étant donné la complexité des collaborations interinstitutionnelles, nous avons commis des erreurs et avons dû nous adapter, mais cela fait partie de l’apprentissage systémique. La croissance et l’adaptation nécessitent du temps, des investissements et de la réactivité. Toutefois, si les universités peuvent offrir des formes innovantes de soutien à la communauté, elles ne peuvent pas remplacer les ressources perdues dans les systèmes publics durant les périodes d’austérité. Pour appuyer ce travail, il faut repenser l’utilisation des ressources, en recalibrant les approches de l’apprentissage appliqué, des stages communautaires et de la recherche qui renforcent les avantages mutuels. Il faut également établir des partenariats plus durables qui s’étendent au-delà des projets individuels ou des cycles de financement. À mesure que nous progressons, nous continuons à nous demander comment les ressources peuvent être générées et mises en commun de manière à répondre aux besoins de la communauté, à favoriser l’équité et à éviter les pratiques extractives.

Ces questions m’ont également amenée à mettre sur pied C-Change, une conférence créative et interdisciplinaire sur l’action climatique, élaborée en partenariat avec des collègues des universités Concordia et McGill. L’événement a accueilli des artistes, des chercheurs, des thérapeutes, des étudiants et des membres de la communauté en tant que présentateurs et participants. Conçu pour être public, accessible et gratuit, il offrait un espace de réflexion, de dialogue et d’engagement créatif au moyen de conversations ainsi que d’activités axées sur les arts et la nature. L’objectif était de réduire la pression et la honte qui accompagnent souvent les conversations sur le climat — ce qui peut rendre la participation gênante —, et d’inviter au jeu et à la curiosité, deux qualités qui, dans mon travail de thérapeute, contribuent souvent à favoriser le mouvement relationnel. Les réactions ont confirmé le besoin généralisé d’espaces qui rassemblent les gens autrement, par-delà les disciplines, les secteurs et les expériences vécues. Cela m’a aussi rappelé que même de petits événements bien organisés peuvent déclencher des connexions et des changements. La conférence a aussi mis en évidence la nécessité de trouver des moyens de soutenir l’élan qu’elles génèrent.

Ces expériences continuent de façonner ma conception du rôle de l’université en tant que partenaire réactif et relationnel en cette période d’incertitude. Dans le climat actuel, quel type de partenariat ou d’appui espérez-vous de la part d’une université travaillant de concert avec votre communauté ?




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