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Zohran Mamdani, une brise de fraîcheur dans une canicule politique infernale

27 juin 2025
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Par Nohémie Bokuma

Source: Media Relations

Cet articlé a été publié dans Le Devoir.

Je prends très au sérieux le devoir de suivre l’actualité, et pourtant, j’ai l’impression de souvent le regretter. Le cynisme politique s’est immiscé dans toutes mes conversations, des plus anodines aux plus profondes. Ainsi, je suis en quête perpétuelle d’espoir et je peine à le trouver.

Entre une amie, enseignante au primaire, qui me raconte les besoins de ses élèves, et en parallèle, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, qui déclare qu’il ne peut « garantir que chaque élève aura tout ce dont il a besoin » en raison de restrictions budgétaires provinciales de plus de 500 millions de dollars pour l’an prochain, je perds patience. Également, avec cette chaleur record qui pèse dans l’atmosphère et avec le constat que de nouveaux records météorologiques nous attendent dans les prochaines années en raison des changements climatiques, mon soupir s’alourdit.

Or, l’élection de Zohran Mamdani, autoproclamé démocrate socialiste, comme candidat démocrate à la course municipale de New York est une grande découverte dans la quête que je mène. La nouvelle est une brise de fraîcheur dans cette canicule politique infernale.

Une vraie victoire pour la gauche

La campagne de Mamdani a suscité un enthousiasme éblouissant auprès des gens, au-delà des frontières de la ville new-yorkaise. Sur les réseaux sociaux, plusieurs se réjouissent de la victoire de Mamdani en écrivant en commentaire « That’s my mayor ! » (« C’est mon maire ! »), bien qu’ils n’habitent ni la ville de New York ni les États-Unis d’Amérique.

Avec une campagne qui priorise les intérêts de la classe ouvrière et des mesures contre le coût élevé de la vie, Mamdani a mis de l’avant l’accessibilité financière : le gel des loyers, la gratuité des bus et des garderies, la taxation des plus riches, la hausse du salaire minimum (à 30 $ l’heure d’ici 2030) et le remplacement de la police pour les services de santé mentale par un département de sécurité communautaire.

Souvent décrit comme déconnecté de la réalité par ses adversaires, Mamdani a formulé ses promesses sans céder au centrisme. C’est cette même critique qu’il a su transformer en force. Au bout du compte, ce sont ses rêves qui l’ont mené vers le refus d’un compromis de ses valeurs gauchistes à des fins électoralistes.

Entre autres, sa campagne s’est faite contre Andrew Cuomo, ancien gouverneur de l’État de New York. Celui-ci aurait obtenu un financement record venant d’un super PAC (comité d’action politique), de l’ancien maire de New York Michael Bloomberg, de DoorDash et de l’investisseur et partisan du président Trump Bill Ackman (comparativement au financement de Mamdani, constitué en grande majorité de milliers de « petits » dons individuels de moins de 100 dollars). Un écart de presque 27 millions de dollars séparait le financement de Mamdani et celui de Cuomo, et c’est l’intégrité de Mamdani envers la classe ouvrière qui lui a permis de gagner.

La mobilisation d’un espoir éduqué

La nuit du 24 juin, alors que les célébrations de la Saint-Jean tiraient à leur fin au Québec, dans la ville de New York, la fête ne faisait que commencer.

Le sentiment que la politique ne se résume qu’à choisir le moindre mal s’estompe peu à peu avec la victoire de Zohran Mamdani. Celle-ci m’inspire puisqu’elle représente une nouvelle perspective pour la gauche, un nouveau point de départ où elle gagne en s’affirmant sans compromis. Il ne s’agit pas de mettre la victoire de Mamdani ou le candidat lui-même sur un piédestal, mais plutôt de comprendre sa victoire comme une leçon pour la gauche, autant dans le reste du pays qu’à l’international.

Sa campagne me motive puisqu’elle retourne aux racines d’une campagne solidaire et critique des inégalités. Elle fait preuve de l’espoir que décrit Henry Giroux, l’un des théoriciens fondateurs de la pédagogie critique aux États-Unis. Il s’agit d’un espoir qui est conscient du monde dans lequel il se trouve, un monde qui souffre, sous le poids de l’exploitation, intégré dans des relations sociales particulières. Toutefois, cet espoir reconnaît sa capacité à s’émanciper au-delà du contexte dans lequel il existe. Cet espoir est alors un discours de critique et de transformation sociales qui insiste sur la possibilité d’un avenir dont il ressent l’absence et pour lequel il continue à se mobiliser.

L’espoir reconnaît l’inachèvement du présent et se doit de générer des solutions à celui-ci, de pousser les limites du statu quo. L’espoir n’est pas seulement une pratique politique, il est aussi pédagogique, un endroit où l’humain peut alors en apprendre davantage sur son agentivité politique. De cette façon, espérer signifie résister et les New-Yorkais ont résisté à la gauche du statu quo.

Dans Le Devoir du 16 juin, Maria Dakli présente l’espoir comme étant une ressource épuisée et la rage comme acteur de changement. Je crois justement que cette rage provient de l’espoir. Je crois qu’à elle seule, la rage ne sait pas où aller. C’est alors l’espoir qui sait la canaliser. Lorsque nous sommes frustrés de l’état du monde d’aujourd’hui, c’est parce que nous espérons, nous cherchons un monde meilleur.

Pour cette semaine, je me considère alors comme satisfaite du résultat de ma quête, même si elle ne s’arrête pas là.




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