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Pourquoi attendons-nous les catastrophes pour agir?

2 septembre 2025
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Par Amirreza Torabizadeh

Source: Media Relations

Cet articlé a été publié dans Le Devoir.

L’incendie survenu récemment en pleine nuit, qui a détruit un immeuble de 140 ans au centre-ville de Montréal, ainsi qu’un autre feu ayant nécessité l’intervention de 150 pompiers pour être maîtrisé soulèvent à nouveau une question inconfortable mais urgente.

Montréal — comme de nombreuses villes canadiennes — compte des centaines de bâtiments commerciaux et résidentiels vieillissants, dont plusieurs sont encore utilisés quotidiennement. Beaucoup ne répondent plus aux normes modernes de sécurité. Pourtant, malgré des signes visibles de détérioration, les évaluations et les travaux de mise à niveau sont souvent reportés. Pourquoi ? Parce que les propriétaires et les exploitants craignent les conséquences économiques de fermetures temporaires — la perte d’activités et de revenus que l’on appelle « temps d’arrêt ».

Mais repousser les réparations ne fait pas disparaître le risque — il l’amplifie. Chaque jour d’inaction augmente la probabilité de pertes irréversibles : biens matériels, moyens de subsistance, et potentiellement vies humaines.

En tant que doctorant en génie civil à l’Université Concordia, j’étudie la façon dont les bâtiments vieillissants réagissent au temps, au climat et à l’usage quotidien. J’utilise des simulations avancées pour repérer les vulnérabilités structurelles avant qu’elles ne deviennent visibles ou critiques. Le défi consiste à trouver des méthodes de renforcement efficaces, adaptées à la réalité de bâtiments occupés et en activité. Le marché demande de plus en plus des solutions de remise à niveau rapides, fiables et peu perturbatrices — et heureusement, de nouvelles technologies apparaissent pour répondre à ce besoin.

L’une d’elles est l’acier à mémoire de forme — un matériau intelligent qui renforce les structures de l’intérieur, sans nécessiter de gros équipements ni de longues fermetures. Il fonctionne en étant doucement chauffé, puis « verrouillé » dans une forme plus compacte, comme si on resserrait une sangle de soutien. Une fois installé, il aide la structure à rester solide, à supporter davantage de poids et à résister aux fissures futures — prolongeant ainsi sa durée de vie sécuritaire.

Cela permet de réduire considérablement les perturbations et le temps habituellement liés aux travaux de renforcement — un avantage significatif pour les entreprises et les opérations municipales.

Comme l’explique la firme suisse d’ingénierie Re-Fer, qui utilise cette technologie : « La méthode a permis d’appliquer facilement une précontrainte verticale sans vérins hydrauliques ni ancrages compliqués. »

Autrement dit, l’acier à mémoire de forme peut s’intégrer aux étapes de rénovation sans recourir à de lourds équipements. « Parce que le renforcement est actif dès le départ, le bâtiment devient plus stable et sa durée de vie est considérablement prolongée. »

Et sur le plan de la durabilité : « Il est également 100 % recyclable et, en cas de démolition future, peut être entièrement réintégré dans le cycle de l’acier inoxydable. »

Des solutions comme celle-ci sont particulièrement utiles lorsque le temps, l’espace ou les perturbations constituent des contraintes majeures — par exemple dans des villes très fréquentées, avec des bâtiments occupés, des commerces actifs ou des ponts servant d’artères essentielles pour le transport et la vie quotidienne. Elles permettent aux ingénieurs de renforcer les structures vulnérables plus rapidement et de manière plus durable, sans tout arrêter.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, déclarait récemment, à la suite de fortes inondations : « Nous avons beaucoup d’infrastructures qui vieillissent, voire très anciennes selon les secteurs. » Bien qu’elle évoquât le réseau d’aqueduc municipal, ses propos illustrent une vérité plus large : une grande partie de nos infrastructures — y compris les bâtiments — subissent une détérioration silencieuse qui pourrait entraîner des défaillances soudaines. Sous leur charme historique, beaucoup dissimulent des vulnérabilités structurelles qui exigent une attention avant qu’elles ne deviennent des urgences publiques.

La sécurité publique ne devrait pas dépendre de la chance ou de l’expérience acquise après coup — et pourtant, trop souvent, nous n’agissons qu’après la tragédie. Montréal dispose pourtant du savoir technique, des outils d’ingénierie et de l’élan politique pour être un chef de file sur cette question.

Les récents incendies sont tragiques, mais ils offrent l’occasion de repenser notre rapport aux infrastructures vieillissantes. L’action préventive est toujours plus sûre et plus responsable que le regret.

Nous devons prioriser les évaluations précoces, adopter des technologies éprouvées comme l’acier à mémoire de forme et encourager l’investissement intelligent dans le renouvellement des infrastructures. Montréal est une ville de patrimoine — mais elle doit aussi être une ville résiliente. Préserver les vieux bâtiments ne concerne pas seulement la sécurité — c’est aussi protéger l’identité culturelle et la valeur économique qu’ils représentent.

L’adoption de technologies comme l’acier à mémoire de forme comporte des obstacles — coûts, production limitée, méconnaissance. Mais avec des investissements ciblés et un fort soutien politique, ces barrières peuvent — et doivent — être surmontées.

La prochaine fois, nous n’aurons peut-être pas cette chance.




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