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Maître chez soi? Le Québec et l’immigration en 2025

22 avril 2025
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Par Chedly Belkhodja et Catherine Xhardez

Source: Media Relations

Cet articlé a été publié dans Le Devoir.

Chaque mardi, Le Devoir offre un espace aux artisans d’un périodique. Cette semaine, nous vous proposons un extrait d’un texte paru dans Possibles, vol. 49, no 01 (printemps 2025).

Ces derniers mois, les annonces et les changements politiques liés à la gestion de la migration au Québec se sont enchaînés : diminution des cibles d’immigration permanente et planification inédite par le fédéral du nombre de personnes ayant un statut temporaire qui pourront arriver ou demeurer sur le territoire ; resserrement des conditions d’admission pour venir étudier au pays ; restrictions accrues pour les entreprises qui souhaitent recruter de la main-d’œuvre étrangère ; débats sur la nécessité de « protéger » la frontière canado-américaine pour répondre aux menaces de Donald Trump ; suspension de certains programmes majeurs d’immigration au Québec, allant de la sélection de travailleurs qualifiés à la réinstallation des personnes réfugiées.

Dans un contexte de turbulences, les questionnements sur la manière dont nos sociétés abordent et gèrent les migrations sont plus cruciaux que jamais. C’est pourquoi nous avons jugé important de dresser un bilan, informé par des recherches récentes, de la politique et des politiques migratoires au Québec, tout en renforçant de manière directe le lien entre recherche et débat public informé.

Ce dossier « Migration(s) au Québec » de la revue Possibles propose une lecture des dynamiques migratoires qui placent le Québec dans une situation singulière au sein de la fédération canadienne.

Société distincte

L’arrivée d’immigrants (avec la résidence permanente) et de migrants (à statut temporaire) façonne et questionne profondément le Québec, son histoire, son identité et son projet de société. D’hier à aujourd’hui, le statut de société distincte du Québec teinte les débats autour de la migration.

Un trait central de la singularité québécoise est sa marge d’autonomie. Si toutes les provinces et territoires au Canada disposent d’ententes avec le gouvernement fédéral qui leur permettent de sélectionner une partie de « leurs » immigrants économiques, c’est au Québec que ce pouvoir a été mis en œuvre le premier et qu’il demeure le plus développé.

Grâce à l’Accord Canada-Québec de 1991, le Québec sélectionne l’ensemble de ses immigrants économiques, gère l’intégralité des services d’installation et participe à certaines étapes de l’admission de migrants à statut temporaire. De toutes les entités fédérées dans le monde, le Québec possède ainsi les pouvoirs les plus étendus dans la gestion des migrations.

Au-delà de ces pouvoirs, le Québec se distingue par la place accordée au français et par sa manière d’envisager l’accueil des personnes migrantes — avec la volonté de se différencier du Canada. Où en sommes-nous avec cette singularité du modèle québécois ? S’est-elle transformée au fil du temps ?

Identité

Ces dernières années, plusieurs éléments ont contribué à exacerber les débats sur les « capacités d’accueil » et à redéfinir les enjeux migratoires dans l’espace public québécois. D’abord, le cadrage de la gestion de la diversité comme un enjeu identitaire alimentent des débats persistants sur le modèle d’accueil et d’intégration à privilégier au sein de la nation québécoise.

De façon générale, l’histoire du Québec face à la migration est marquée par une tension permanente entre peur existentielle et ouverture, entre stéréotypes persistants et traditions d’accueil. Comme d’autres nations minoritaires, le Québec oscille entre percevoir la migration comme une occasion ou comme une menace, une dynamique qui s’est modulée au fil du temps en fonction de l’évolution du nationalisme québécois.

Ensuite, la répartition des personnes migrantes et la géographie électorale accentuent la fracture entre Montréal — où s’installent la grande majorité des immigrants — et le reste de la province. Malgré les efforts pour encourager la « régionalisation » de la migration, les résultats restent limités, et la question demeure au cœur des préoccupations politiques.

Finalement, le Québec a fait face en premier à un afflux de personnes demandant l’asile, en particulier via le chemin Roxham à partir de 2017, une situation perçue par une partie de la population et de la classe politique comme un déséquilibre dans le partage des responsabilités migratoires au sein de la fédération. En filigrane, une grille de lecture s’impose : le nationalisme québécois et, surtout, les tensions avec Ottawa. Sur chaque dossier — de l’asile à la réunification familiale, en passant par les étudiants et travailleurs étranges —, ces tensions sont omniprésentes.

 




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