Cet article a été publié dans LaPresse.
Serena Williams a déclaré à l’émission Today le 21 août dernier qu’elle prenait un médicament de type GLP-1, en tant que porte-parole de l’entreprise Ro, afin de l’aider à atteindre un poids « santé »1.
Les agonistes des récepteurs GLP-1 sont des médicaments utilisés dans le traitement du diabète de type 2 et de l’obésité, sous suivi médical. Ils agissent en imitant une hormone naturelle qui aide à réguler la glycémie, réduit l’appétit et ralentit la digestion. Ces médicaments s’administrent le plus souvent par injection hebdomadaire. Leur efficacité est bien démontrée, tant pour améliorer le contrôle du diabète que pour favoriser la perte de poids.
Comme tout traitement, ils peuvent toutefois entraîner des effets secondaires, généralement gastro-intestinaux (par exemple : nausées, diarrhées, constipation), et, plus rarement, des complications plus graves, comme des atteintes au pancréas ou à la thyroïde. Cela souligne l’importance de poursuivre les recherches sur leurs effets à long terme.
Évoquant ses efforts passés pour contrôler son poids, Serena a dit : « J’ai littéralement tout essayé : courir, marcher, faire du vélo, monter des escaliers, tout ce que vous pouvez imaginer, je l’ai fait. Même jusqu’à essayer de faire un sport professionnel. »
Vingt-trois titres de tournois du Grand Chelem. Quatre médailles d’or aux Jeux olympiques. L’argent n’est pas un problème. L’accès aux soins de santé n’est pas un problème. Si Serena ne parvient pas à réguler son poids uniquement grâce à l’activité physique, qui le peut ?
Elle rappelle que la gestion du poids est un phénomène complexe et que l’activité physique, à elle seule, ne suffit pas nécessairement. Même pour une athlète olympique. Son témoignage pourrait contribuer à améliorer la compréhension des liens entre activité physique et gestion du poids, et à une vision plus nuancée des traitements par GLP-1, en aidant à comprendre certaines choses.
1. Faire plus d’activité physique ne mènera pas nécessairement à une perte de poids
Serena Williams a raconté : « […] mes entraîneurs me disaient : il faut que tu perdes du poids, il faut que tu perdes du poids. Je joue au tennis à un niveau professionnel. Je m’entraîne littéralement cinq heures par jour et pourtant, je finissais toujours par atteindre un certain chiffre sur la balance sans jamais réussir à descendre en dessous1. »
Une perception largement répandue veut que, si les gens faisaient simplement assez d’exercice, ils seraient capables de contrôler leur poids. Des émissions comme The Biggest Loser, qui a été diffusée pendant 17 saisons, ont pu contribuer à entretenir ces perceptions. Le documentaire sorti sur Netflix le 15 août dernier souligne que l’accent excessif mis par l’émission sur l’activité physique pour perdre du poids servait probablement avant tout à faire de la « bonne télé ».

L’histoire de Serena corrobore les données que nous avons actuellement, à savoir que si l’activité physique peut améliorer plusieurs indicateurs de santé physique et mentale, prévenir les maladies chroniques et les morts prématurées, ses effets sur la perte de poids sont modestes2.
La gestion du poids est complexe et d’autres facteurs doivent entrer en jeu pour rendre la tâche si difficile à une célébrité comme Serena Williams, qui dispose d’un pouvoir et de privilèges considérables.
Serena est peut-être le modèle féminin fort, en forme et admiré dont nous avons besoin pour rétablir les faits : le poids est une réalité complexe, et l’activité physique doit être valorisée pour ses bienfaits sur la santé, et non promue comme solution pour maigrir.
2. La prise de médicaments de type GLP-1 pour la gestion d’une maladie chronique n’est pas une « solution facile »
Serena Williams n’est pas paresseuse. Nous ne remettons certainement pas en question sa volonté. Le fait qu’elle ait admis prendre des médicaments de type GLP-1 nous montre que même une athlète professionnelle qui fait beaucoup d’exercice peut avoir besoin d’une aide supplémentaire pour gérer son poids.
Cela remet en question nos stéréotypes profondément ancrés (alias la grossophobie), selon lesquels les personnes grosses ont un surplus de poids parce qu’elles sont paresseuses, parce qu’elles ne font pas assez d’efforts, parce qu’elles ne sont pas assez motivées pour adopter de saines habitudes de vie3.
En racontant son histoire, Serena normalise le fait de recourir à un traitement pour l’accompagner dans la gestion de son poids, ce qui pourrait contribuer à réduire la stigmatisation entourant la prise de ces médicaments.
Ce qui nous préoccupe, c’est la manière dont ces célébrités font la promotion de ces traitements : le récit met surtout l’accent sur la perte de poids.
Les médicaments de type GLP-1 sont des traitements fondés sur des données probantes et approuvés pour le traitement de maladies chroniques comme l’obésité et le diabète de type 24.
L’obésité est une maladie chronique complexe, progressive et multifactorielle, souvent récurrente, caractérisée par un excès anormal de graisse qui nuit à la santé métabolique, biomécanique et psychosociale5,6. C’est la raison pour laquelle il peut être difficile de perdre du poids, mais aussi pourquoi il est important de disposer de traitements efficaces pour réduire l’excès de poids (c’est-à-dire des pharmacothérapies, des opérations métaboliques et bariatriques).
Mais lorsqu’un nombre croissant de célébrités, comme Serena, mettent de l’avant leur perte de poids grâce à ces médicaments, sans fournir d’informations claires sur la nécessité médicale de leur utilisation, cela soulève des questions importantes : n’importe quelle personne peut-elle prendre des médicaments de type GLP-1 pour perdre du poids, quels que soient son état de santé et sa forme physique ? Est-ce qu’une personne qui veut simplement perdre 20 livres avant son mariage pourrait prendre ces médicaments ?
L’ouverture d’esprit de Serena n’est pas une invitation au jugement, mais un appel à la réflexion. Ces médicaments ne sont pas destinés à des objectifs de perte de poids à court terme ou esthétiques. Alors que les communautés scientifique et médicale cherchent à recentrer les soins en obésité sur la santé plutôt que sur la seule perte de poids5, il importe de réfléchir attentivement à la manière dont les médicaments de type GLP‑1 sont présentés dans l’espace public, afin d’éviter d’en donner une image réductrice.