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Des membres de la communauté de Concordia au cœur de la santé numérique

La recherche en intelligence artificielle transforme l’avenir de la médecine
23 novembre 2021
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Par Alexander Huls


Technologie de reconnaissance faciale, véhicules autonomes et demandes sur Spotify gérées par l’assistant vocal Alexa : ces exemples montrent comment l’intelligence artificielle (IA) transforme notre vie au quotidien.

Même si ce sont généralement les applications destinées aux consommateurs qui monopolisent notre attention, l’IA révolutionnera aussi le domaine de la santé. La recherche et le développement progressent notamment pour des applications en chirurgie, en diagnostic, en surveillance des patients et en soins aux personnes âgées.

Selon des chercheurs et des diplômés de Concordia dans le domaine, ces travaux mèneront à des améliorations en santé et même à la possibilité de prolonger, voire de sauver, des vies.

Pourquoi utiliser l’apprentissage machine en santé?

« L’intelligence artificielle est un outil – il incombe aux chercheurs humains de déterminer ses applications », explique Mojtaba Hasannezhad, doctorant à Concordia et chercheur engagé de 2021.

D’ici 2027, le marché de l’IA en santé devrait atteindre 51,3 milliards de dollars américains selon un rapport publié en 2020 par Meticulous Research. Cette hausse découle en partie d’une meilleure accessibilité et d’une croissance rapide de la puissance de calcul intensif, qui permet de répondre aux fortes demandes d’une forme d’intelligence artificielle répandue en santé : l’apprentissage machine.

Comme son nom l’indique, cette forme d’intelligence artificielle évoque la manière dont les êtres humains assimilent et traitent l’information. L’IA est alimentée de vastes quantités de données et, grâce à des algorithmes complexes, elle commence non seulement à apprendre de ces données, mais aussi à savoir quoi en faire. Elle peut relever des tendances, faire des prévisions ou classer et détecter des anomalies en utilisant des moyens et des volumes de données inimaginables pour un humain. Qui plus est, elle continue d’apprendre et de perfectionner ses habiletés.

Cependant, la vague d’innovations en santé fondées sur l’IA ne découle pas que de la sophistication croissante de cette technologie. C’est également le produit de l’intelligence humaine.

« L’intelligence artificielle est un outil – il incombe aux chercheurs humains de déterminer ses applications, explique Mojtaba Hasannezhad, qui prépare un doctorat en génie électrique et informatique à Concordia sur des assistants fondés sur l’IA qui aideraient les personnes âgées. Nous devons trouver des façons de mettre à profit ces extraordinaires percées technologiques. »

L’IA peut-elle favoriser de saines habitudes de vie?

Simon Bacon, professeur au Département de santé, de kinésiologie et de physiologie appliquée.

En parcourant l’offre d’applications des magasins Apple ou Google, on découvre différentes applis de conditionnement physique qui promettent d’améliorer notre santé. Après avoir téléchargé et essayé ces applications, beaucoup d’utilisateurs se lassent de leurs notifications et les ignorent : 96 % cessent d’utiliser les applications de conditionnement physique à peine 30 jours après leur téléchargement.

Simon Bacon, professeur au Département de santé, de kinésiologie et de physiologie appliquée, cherche à employer l’IA pour résoudre ce problème et à améliorer les applications pour qu’elles apprennent quand et comment interagir avec nous pour nous inciter à prendre soin de notre santé au quotidien.

« Un des enjeux principaux en cybersanté est de tenter de comprendre comment changer des comportements », indique M. Bacon, également titulaire de la Chaire de recherche en intelligence artificielle et en santé numérique pour la modification de comportements de santé du FRQS et de la Chaire de mentorat pour les essais cliniques novateurs de la Stratégie de recherche axée sur le patient des IRSC. M. Bacon croit que repérer l’ambivalence serait une façon d’y parvenir.

Lorsqu’une application de conditionnement physique avertit un utilisateur de faire de l’exercice ou qu’un moniteur de calories lui rappelle de comptabiliser son dîner de sandwich au bacon, à la laitue et aux tomates, cela peut provoquer une forte réaction, surtout si l’utilisateur la reçoit sans grand enthousiasme.

« Les gens expriment leur ambivalence de toutes sortes de façons », explique le professeur Bacon.

« La plupart sont plutôt subtiles. » Il évoque, par exemple, un haussement d’épaules, un froncement des sourcils, une remarque marmonnée ou un pincement des lèvres. L’objectif du chercheur est d’entraîner un algorithme d’IA jusqu’à ce qu’il soit suffisamment sophistiqué pour détecter ces signes à l’aide d’un outil à la portée de tous.

« Les caméras et les micros dont sont dotés la plupart des appareils numériques nous offrent un excellent moyen de mesurer l’ambivalence avec une application de cybersanté », souligne-t-il.

Lorsque l’IA accède à notre téléphone, elle peut étudier notre visage pour détecter l’ambivalence afin d’améliorer sa capacité à nous inciter à faire de l’exercice et à bien manger.

« L’idée est d’essayer de comprendre la personne qui se trouve devant l’écran. Ainsi, au lieu de recevoir des directives standards – “fais ceci, fais cela” –, elle reçoit un message adapté à ce qu’elle ressent à ce moment-là. »

Simon Bacon n’est pas le seul à développer une IA qui utilise la reconnaissance faciale dans le secteur de la santé. Au cours des dernières années, cette technologie a été appliquée à l’admission de patients, au diagnostic de maladies et à la détection de signes de détresse mentale. Toutes ces applications ont le même but. On dit que les yeux sont les fenêtres de l’âme, et ces appareils d’IA considèrent notre visage comme notre porte d’entrée vers une meilleure santé.

La puissance des agents conversationnels et des assistants virtuels

Dinesh Gambhir, B. Ing. 1983, est président-directeur général de First Outcomes, une entreprise qui emploie des agents conversationnels dotés d’IA pour offrir des soins de santé aux patients.

Les agents conversationnels ont déjà envahi de nombreuses sphères du quotidien. Ils sont là pour offrir de l’aide sur les pages de soutien à la clientèle lorsqu’on perd une connexion Internet ou pour répondre à une question sur des produits lorsqu’on magasine en ligne. Et voilà qu’ils apparaissent dans le domaine de la santé.

First Outcomes, fondée et dirigée par Dinesh Gambhir, B. Ing. 1983, est une entreprise qui a recours à des agents conversationnels dotés d’une IA sophistiquée pour offrir aux patients la surveillance de leur état de santé, des suivis postopératoires et une aide adaptée à leurs besoins.

Par exemple, après une chirurgie ambulatoire, un médecin ou un membre du personnel infirmier doit normalement téléphoner au patient et vérifier qu’il récupère. Les agents de First Outcomes peuvent le faire à leur place.

« Les robots peuvent appeler le patient et lui demander comment il va », affirme M. Gambhir.

Si le patient répond qu’il va bien, l’IA vérifiera à nouveau son état à un moment prédéterminé. Si la réponse est négative, « l’agent transfère directement le patient à un membre du personnel infirmier de triage pour qu’un humain décide de la suite des choses », explique M. Gambhir.

Cette IA va au-delà des suivis. Elle sert également à aider les personnes diabétiques à surveiller leur taux de glucose et à suivre les effets sur leur état de modifications apportées à leur médication. Cette technologie ne vise pas qu’à offrir des soins de qualité, mais aussi à libérer les professionnels de la santé pour qu’ils puissent se consacrer à leur travail de soignant plutôt qu’à des tâches administratives.

« On forme des soignants, qu’il s’agisse d’infirmières ou infirmiers, de travailleurs sociaux ou d’autres professionnels. Ma mission, c’est de leur permettre de faire le travail pour lequel ils ont été formés et qu’ils souhaitent réaliser », précise M. Gambhir.

First Outcomes fait ainsi partie d’une nouvelle vague d’agents dotés d’IA et conçus pour aider les cliniciens à accompagner les patients de manière plus efficace, tout en leur offrant de meilleurs soins.

Les travaux de Mojtaba Hasannezhad font un usage varié de la technologie de First Outcomes. M. Hasannezhad, un chercheur engagé 2021 de Concordia, a participé à la conception d’un appareil non invasif qui se branche directement dans une prise murale et surveille les personnes âgées ou handicapées. « Par exemple, si quelqu’un tousse, de quel genre de toux s’agit-il? Est-ce un symptôme de maladie? L’appareil permet de détecter la toux et de la classer », explique M. Hasannezhad.

L’outil fondé sur l’IA est capable de surveiller les signes vitaux et de reconnaître une chute ou un épisode de détresse respiratoire. Il apprend même à connaître la routine d’une personne (ses activités physiques, le temps qu’elle passe au lit ou aux toilettes) afin de déceler les écarts qui pourraient indiquer une urgence médicale. Dans ces cas, comme pour les agents conversationnels de M. Gambhir, il s’agit d’offrir aux patients des soins de meilleure qualité.

« Cet appareil peut également communiquer avec les résidents. S’il leur arrive quelque chose, il peut leur demander s’ils vont bien », précise M. Hasannezhad. De plus, l’appareil peut alerter le personnel soignant lorsqu’un patient a besoin d’aide.

Des examens sécuritaires et riches en information

« Comment concevoir ces outils et ces technologies pour qu’ils profitent au monde entier? » s’interroge Marta Kersten-Oertel, professeure agrégée du Département d’informatique et de génie logiciel.

L’une des utilisations émergentes de l’IA qui pourrait le plus transformer – voire sauver – des vies, est son application à l’imagerie médicale, comme la tomodensitométrie, la radiographie et l’échographie, entre autres.

Actuellement, dans le domaine de la santé, les spécialistes de l’imagerie médicale n’arrivent pas à répondre à la demande. Les praticiens peuvent se sentir dépassés et commettre des erreurs lorsqu’ils doivent analyser les centaines d’images produites lors d’une tomodensitométrie, d’une IRM ou d’autres examens. Ces erreurs peuvent être lourdes de conséquences, car les appareils d’imagerie servent souvent à diagnostiquer des maladies graves.

Comme la vision humaine est limitée, elle risque de ne pas détecter les signes précoces de maladies potentiellement mortelles. Voilà pourquoi l’IA a un rôle à jouer.

La technologie ne souffre jamais de surmenage et détecte ce que l’œil humain ne voit pas. D’immenses quantités de données constituées d’images médicales avec et sans signes de maladies sont désormais accessibles dans des bibliothèques à code source ouvert. Ces images sont versées dans l’outil d’IA capable d’apprendre rapidement à distinguer un nodule de cancer du poumon, par exemple.

« L’idée, c’est d’interpréter ces images et de repérer des modèles parfois invisibles à l’œil humain », explique Marta Kersten-Oertel, professeure agrégée du Département d’informatique et de génie logiciel, dont les travaux portent notamment sur le dépistage d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) grâce à l’IA appliquée à la tomodensitométrie. Cette technologie aurait aussi la capacité de dépister des cancers, des AVC et des troubles cognitifs, entre autres, ce qui améliorerait nos chances de sauver des vies.

« Cette méthode permettrait de détecter le cancer à un stade précoce, lorsque le patient a de bonnes chances de survie », souligne Parnian Afshar, doctorante à l’Institut d’ingénierie des systèmes d’information de l’Université Concordia (CIISE) dont les travaux portent sur des méthodes d’imagerie avec apprentissage profond qui ont permis de détecter des tumeurs cérébrales et des nodules de cancer du poumon. Les puissantes capacités de détection et de diagnostic de cette technologie ont même été adaptées au contexte de la pandémie, puisque l’IA a analysé des scanographies thoraciques pour déterminer si des patients étaient atteints de la COVID-19.

Ce type de technologie a déjà démontré son efficacité. En 2019, des chercheurs de Google et de centres de recherche médicale universitaires ont comparé six radiologistes à un outil d’IA qui dépistait le cancer du poumon. L’IA a détecté des signes de cancer avec une exactitude de 94 %, un résultat supérieur à celui des humains. Dans certains cas, l’IA a même relevé des premiers signes sur des examens précoces que les médecins n’avaient pas vus.

Par ailleurs, la « vue » perçante de l’IA ne servira pas qu’à l’imagerie médicale.

« Parmi mes principaux champs de recherche se trouvent la chirurgie guidée par l’image et la réalité augmentée », explique Mme Kersten-Oertel, titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia sur la perception appliquée. « Beaucoup de travaux sur l’intelligence artificielle sont menés pour tenter de répondre à des questions comme : “Une incision à cet endroit est-elle sécuritaire?” »

Risques

« Cette méthode permettrait de détecter le cancer à un stade précoce, lorsque le patient a de bonnes chances de survie », souligne la doctorante Parnian Afshar.

Une crainte souvent évoquée au sujet de l’intelligence artificielle est qu’elle rendra certains emplois désuets. Dans le secteur de la santé, elle est moins susceptible de soulever ce genre de préoccupations.

« Cela devrait être un outil utilisé par les gens et non un objet qui remplace les gens, souligne Mme Kersten-Oertel. C’est important qu’un humain fasse toujours partie de l’équation. »

Elle précise que, tant pour l’imagerie que pour la chirurgie guidée par l’IA, le but n’est pas de se dispenser des professionnels de la santé, mais plutôt d’alléger leur charge de travail et de leur offrir des outils qui les aident à accomplir leurs tâches quotidiennes en clinique.

« Tous ces travaux visent à concevoir des outils pour aider les cliniciens ou les patients. Ils peuvent servir à former la prochaine génération de radiologistes, de cliniciens et de chirurgiens. »

La perte d’emplois n’est donc pas une préoccupation majeure, mais il existe d’autres enjeux, comme celui de la confidentialité. En effet, les données exploitées par l’IA contiennent une mine de renseignements personnels : noms, antécédents médicaux, etc.

Des initiatives comme celles de MM. Bacon et Gambhir doivent évidemment recueillir le consentement des patients et comportent malgré tout des risques.

« Nous concevons des programmes et des algorithmes de plus en plus sophistiqués et, en parallèle, des gens sans scrupules développent des virus et des méthodes de piratage », constate M. Bacon.

Il faut également considérer les enjeux éthiques. Les coûts élevés de conception et de mise en œuvre de l’IA risquent de favoriser l’accès à cette technologie dans les pays riches, au détriment des pays à faible revenu.

« Une des questions auxquelles nous devons réfléchir est comment rendre l’IA accessible à tous, indique la professeure Kersten-Oertel. Comment concevoir ces outils et technologies pour qu’ils profitent au monde entier? »

Les inégalités sociales peuvent également affecter l’intelligence artificielle comme telle.

Les données sont neutres en apparence, alors qu’en réalité, elles ne sont pas à l’abri des préjugés institutionnels. Si les données utilisées pour l’apprentissage ne sont pas inclusives et représentatives de la diversité, l’IA risque d’assimiler les préjugés présents dans la société en général.

Les hôpitaux situés dans les quartiers riches ont davantage de ressources, ce qui produit de bons résultats pour les patients. Dans les quartiers défavorisés, les hôpitaux n’ont pas les mêmes ressources, et leurs résultats pourraient être moins bons. Si on alimente l’IA avec des données d’un hôpital du premier groupe, elle ne sera pas représentative des expériences des hôpitaux du second groupe.

Par exemple, des études ont montré que les femmes de couleur, en particulier les Noires, reçoivent souvent un diagnostic de cancer du sein plus tardivement que les Blanches. Ainsi, un outil d’IA alimenté avec des mammographies non inclusives risquerait de ne pas tenir compte de cette importante disparité.

« Nous devons prendre conscience des préjugés existants et tâcher de ne pas les reproduire », affirme Mme Kersten-Oertel.

M. Bacon abonde dans le même sens : l’IA doit produire des résultats inclusifs et globaux dans le domaine de la santé.

« Nous voulons que les gens mènent une vie saine et heureuse, longue et riche. Je sais que ça peut paraître grandiloquent, mais c’est ce qui nous anime. C’est notre motivation. Tous nos efforts tendent vers ce but. »



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