PROGRAMME

While the last century’s free was a powerful marketing method, this century’s free is an entirely new economic model

Anderson, 2009

L’(hyper)connectivité du web et la sophistication des technologies qui le sous-tendent ont contribué à l’émergence de modes de consommation plus soutenues et intenses (Reith, 2019). L’univers des jeux digitalisés notamment celui des jeux gratuits sur support mobile, incarne bien ces transformations majeures. La marchandisation de ces produits vise, à travers des modes de production, des modèles de commercialisation et des expériences de consommation, la maximisation de profits dans un marché largement lucratif.

Dans une perspective d’économie politique, nous examinerons les relations de pouvoir entre les producteurs, distributeurs et consommateurs des jeux gratuits sur supports mobiles. Nous examinerons les processus de complexification des modèles de conception des jeux, en portant une attention particulière aux processus de monétisation, de financiarisation et de marchandisation de l’information. Comment est-ce que les stratégies de commercialisation s’incrustent dans la conception des jeux ? Dans quelle mesure la marchandisation des jeux s’effectue sur une transformation du joueur et de son information en un capital ?

Au terme de cette journée, nous visons à approfondir le débat sur la tension que crée ces jeux gratuits entre la nature intrinsèque ludique du jeu et sa marchandisation, ainsi que la contradiction entre concevoir des jeux pour des fins de plaisir et les concevoir pour des fins de profits.

Avec l’expansion du néolibéralisme, la promotion des jeux de hasard et d’argent a pris une envergure inégalée dans l’histoire. Le joueur est devenu un consommateur autonome, libre de ses choix, rationnel et responsable de son bien-être et de son avenir et ce, indépendamment de l’environnement social, politique et économique dans lequel il gravite (Reith, 2007). C’est dans un tel contexte qu’une multitude d’initiatives sont déployées pour attirer le joueur consommateur et favoriser l’augmentation des revenus de l’industrie du jeu et des gouvernements. Dans un contexte où des stratégies de jeu responsable axées sur la responsabilité individuelle sont déployées afin de rappeler au joueur de s’autocontrôler, de s’informer et de faire des choix éclairer, quelle est la responsabilité des opérateurs en termes de promotion du jeu ? Jusqu’à quel point le type de stratégies publicitaires employées est-il acceptable ?

Par ailleurs, dans certaines formes de jeux, le rôle de la publicité va bien au-delà de l’incitation à consommer. C’est le cas des jeux Free-to-Play (forme de jeux hybrides entre les jeux de hasard et d’argent et les jeux vidéo), où la publicité est tantôt utilisée pour inciter une population de consommateurs ciblée sur la base de caractéristiques personnelles à télécharger un jeu ou alors, elle fait partie intégrante de la mécanique du jeu et son visionnement permet par exemple de progresser à l’intérieur de celui-ci.

Alors que la publicité dans le domaine des jeux de hasard et d’argent fait l’objet d’une certaine régulation, par exemple dans les juridictions où la commercialisation du jeu relève de l’État, l’univers des jeux Free-to-Play est quant à lui complètement libre de toute contrainte sur ce plan. Cela soulève d’ailleurs plusieurs questions notamment quant au caractère intrusif des stratégies utilisées et à l’utilisation (cueillette et vente) de données personnelles à des fins de marketing.

Les gens utilisent de plus en plus internet pour leurs expériences de gam(bl)ing. De même, lorsqu’ils rencontrent des difficultés, nombreux sont ceux qui cherchent en ligne des réponses à leurs interrogations ou du soutien. Le recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC) suscite beaucoup d’intérêt dans le champ de la santé et des interventions mobiles et sur Internet ont été tentées dans le champ des dépendances. Cela pourrait notamment permettre de rejoindre des personnes qui autrement ne demanderaient pas de services.

Au-delà, de l’évaluation de l’efficacité de tels programmes, des questions se posent sur les implications épistémologiques et cliniques. Est-ce que le cadre préétabli vient limiter la compréhension du problème; est-ce que le recours à ces technologies d’auto-contrôle contribue à la médicalisation du phénomène et à une responsabilisation individuelle. D’autre part, quelle place est donnée à l’appropriation de l’auto-efficacité; comment les approches motivationnelles et cognitives-comportementales peuvent être adaptées à des plateformes mobiles pour devenir complémentaires aux approches cliniques; quels sont les enjeux au niveau de la diffusion et de la publicisation de ces plateformes de même qu’au niveau de la confidentialité.

Au cours de cette journée ces points seront abordés et discutés par le biais de conférences, panel d’experts et atelier de réflexion.