Le programme de maîtrise en thérapie par l’art dramatique de l’Université Concordia célèbre ses 25 années et plus d’existence

Au milieu des années1970, Stephen Snow tirait le diable par la queue en tant que jeune acteur vivant à New York. « À l’époque, j’étais probablement autant chauffeur de taxi qu’acteur », relate-t-il.

Stephen Snow décide alors de se réorienter et de s’inscrire au doctorat en performance artistique à l’Université de New York (NYU). Quelques années plus tard, dans un cours de psychodrame, il fait la connaissance de Barbara MacKay, professeure d’éducation théâtrale à l’Université Concordia, qui était venue suivre une maîtrise en thérapie par l’art dramatique à la NYU.

Cette rencontre s’avère déterminante. Barbara MacKay invite Stephen Snow à se joindre au Département de théâtre de Concordia en 1992, et cinq ans plus tard, il cofonde le programme de maîtrise en thérapie par l’art dramatique de l’Université.

Aujourd’hui professeur émérite de thérapie par l’art dramatique, Stephen Snow rencontre Bonnie Harnden (M.A. 1995) en 1995, alors qu’elle est assistante d’enseignement dans l’un de ses cours. Bonnie Harnden travaillera ensuite pendant 12 ans à l’Hôpital de Montréal pour enfants, puis retournera à Concordia en 2007. Elle est aujourd’hui professeure agrégée et coordonnatrice des stages en thérapie par l’art dramatique au Département de thérapies par les arts de l’Université.

À l’occasion des 25 années et plus d’existence du programme de maîtrise en thérapie par l’art dramatique, Stephen Snow et la P^re Harnden se sont entretenus du passé, du présent et de l’avenir du programme.

« Le premier cours était magique »

Bonnie Harnden: Quelle est selon vous l’essence de la thérapie par l’art dramatique? Comment la définiriez-vous?

Stephen Snow: Elle fait renaître le plaisir du jeu. Elle englobe toutes les facettes de l’art du récit, des jeux de rôles et de la performance, et le fait d’aborder certaines problématiques en ayant recours à ces disciplines rend le processus thérapeutique très dynamique. La définition de la thérapie par l’art dramatique est vraiment très simple : c’est l’utilisation des techniques dramatiques et théâtrales combinées aux principes et pratiques de la psychothérapie.

BH: Le programme offert à Concordia existe maintenant depuis plus de 25 ans. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?

SS: Je suis très fier d’avoir en quelque sorte introduit la thérapie par l’art dramatique à Concordia et au Canada et me réjouis que le programme ait pu se maintenir et se développer.

BH: Qu’est-ce qui vous a inspiré à créer le programme?

SS: Robert Landy a fondé le programme de thérapie par l’art dramatique à la NYU. En 1992, il m’a informé que Barbara MacKay souhaitait mettre sur pied un programme de thérapie par l’art dramatique à Concordia au sein du département de théâtre, alors j’ai posé ma candidature. Je suis arrivé à Concordia en août 1992 et suis resté au département de théâtre pendant cinq ans. Mon enseignement était entièrement axé sur la thérapie par l’art dramatique.

En tant que vice-rectrice adjointe aux programmes, Barbara savait très bien comment élaborer un programme. Nous avons donc conçu ensemble un programme de maîtrise en thérapie par l’art dramatique. Nous y avons travaillé pendant cinq ans, et le sénat de Concordia y a donné son aval en juin 1997. Nous avons commencé à l’enseigner à l’automne de la même année.

De nombreux étudiants qui avaient suivi le cours de thérapie par l’art dramatique avec nous l’année précédente ont choisi de suivre le programme.

Bonnie, vous m’avez vraiment montré l’ampleur de votre talent en thérapie par l’art dramatique lorsque vous étiez mon assistante d’enseignement dans le cadre de ce cours. La moitié des étudiantes et étudiants du cours se sont ensuite inscrits au programme de maîtrise en thérapie par l’art dramatique, à l’automne 1997.

BH: Oui, le premier cours était magique. Lorsque je suis devenue votre assistante d’enseignement, je terminais ma maîtrise en art-thérapie. La thérapie par l’art dramatique m’intéressait beaucoup, et j’y avais eu recours à l’époque où je travaillais avec des personnes aux prises avec des troubles de l’alimentation, à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas de Montréal. La thérapie par l’art dramatique est très incarnée, ce qui m’enthousiasmait beaucoup, et j’avais pu en observer l’effet bénéfique immédiat sur ma clientèle.

SS: Qu’est-ce qui vous a attirée dans la thérapie par l’art dramatique?

BH: J’ai grandi dans une petite ville de l’Ontario. Je tenais beaucoup à devenir thérapeute, mais je m’intéressais aussi à l’art, au dessin et au théâtre. Je suis venue à Montréal pour me former en art-thérapie, puis j’ai suivi une formation en thérapie par l’art dramatique ainsi qu’en thérapie conjugale et familiale et, plus récemment, en psychanalyse et en thérapie par le jeu.

À l’époque où j’ai suivi mes formations additionnelles, j’ai été embauchée à l’Hôpital de Montréal pour enfants pour travailler auprès d’enfants et d’adolescents en situation de crise admis aux services d’urgence. Nous avons mis sur pied à l’hôpital un programme d’art-thérapie et de thérapie par l’art dramatique qui accueillait des étudiantes et étudiants en formation, et la présence de ce programme a installé une vibrante énergie dans tout l’établissement.

J’ai alors commencé à travailler avec des enfants et des familles en situation de crise. J’ai remarqué — ce qu’avait confirmé un projet de recherche que j’avais réalisé précédemment — que les soignants transmettent ce qu’ils ont vécu — les traumatismes historiques et intergénérationnels — dans leurs relations avec leurs enfants. Ainsi, les traumatismes subsistent dans l’espace qui nous entoure.

J’ai produit une recherche-théâtre intitulée You Arrive sur les effets des traumatismes familiaux, qui a ensuite été adaptée au cinéma. Dans mes recherches, je continue à explorer l’impact des traumatismes, mais je souhaite maintenant y intégrer l’aspect émerveillement et gratitude au moyen de la thérapie par l’art dramatique, et explorer les voies vers l’épanouissement.

SS: C’était en effet un film superbe!

Des recherches dans une variété de domaines

SS: Nous avons eu la chance d’attirer dès le départ un corps professoral fort talentueux au sein du programme. Étant donné que je n’avais jamais travaillé avec des enfants, nous avons embauché Christine Novy, qui venait d’Angleterre; elle a été notre deuxième professeure à temps plein. Elle a apporté un style proprement britannique dans l’application de la thérapie par l’art dramatique, en particulier avec les enfants.

S’est également ajoutée à l’équipe Joanabbey Sack, une spécialiste en thérapie par la danse et en thérapie par l’art dramatique, engagée à temps partiel. Elle nous a fait connaître la merveilleuse méthode fondée sur l’effort et la forme, qui permet d’effectuer une évaluation par le mouvement.

Jason Butler, brillant professeur de thérapie par l’art dramatique, a enseigné au sein de notre programme pendant cinq ans tout en poursuivant son doctorat à Concordia. Il est aujourd’hui directeur du programme de thérapie par les arts de l’Université Lesley, à Cambridge, au Massachusetts.

Yehudit Silverman, également spécialiste en thérapie par la danse et en thérapie par l’art dramatique, est devenue professeure à temps plein au sein du programme. Elle a réalisé une étonnante recherche qui a mené à l’élaboration de sa méthode intégrant les mythes et les contes de fées à la thérapie. Les étudiantes et étudiants ont adoré le cours qu’elle a donné sur cette méthode. Comme moi, Yehudit est aujourd’hui professeure émérite.

BH: Nous pouvons aujourd’hui compter sur une formidable équipe d’enseignantes et enseignants à temps plein et à temps partiel. Jessica Bleuer est notre plus récente recrue à temps plein. Ses recherches portent sur les intersections entre le bien-être individuel et les changements systémiques globaux. Elle fait progresser le travail axé sur l’équité culturelle en ayant recours à la thérapie par l’art dramatique, aux techniques du théâtre de l’opprimé et au théâtre Playback, et elle mène actuellement des recherches sur les microagressions raciales en enseignement supérieur.

Nous offrons aussi un nouveau programme, un certificat de deuxième cycle en thérapie par le jeu. Notre effectif étudiant et les professionnels de domaines connexes peuvent suivre pendant l’été une formation intensive de cinq semaines en thérapie par le jeu. Susan Ward, professeure à temps partiel de longue date, m’assiste dans la prestation de ce nouveau programme. Dans ce type de thérapie, les jouets sont les mots et le jeu est le langage par lequel s’expriment les enfants. La thérapie par le jeu fait également partie des champs de recherche des personnes diplômées du programme.

Des recherches au Centre de développement humain par les arts

SS: Presque toutes mes recherches ont été réalisées au Centre de développement humain par les arts, en particulier celles sur le théâtre thérapeutique. J’ai cofondé le centre en 1996, pour qu’il devienne un lieu voué à la recherche sur les thérapies par les arts.

En 25 ans, nous avons reçu plusieurs subventions du Conseil de recherches en sciences humaines, et nous avons évalué l’efficacité des thérapies par les arts sur les populations auprès desquelles nous intervenons, soit les adultes présentant des troubles du développement ou une déficience intellectuelle.

Nous avons également réalisé un projet de longue haleine sur les processus d’évaluation dans les thérapies par les arts. Selon moi, la recherche compte parmi les plus importantes contributions du centre, et j’espère que celui-ci continuera à explorer en profondeur l’efficacité des outils que nous utilisons dans le cadre des thérapies par les arts.

Ce qui importe par-dessus tout, c’est que le centre a toujours proposé d’excellents stages permettant aux personnes étudiantes d’apprendre en effectuant un travail clinique supervisé de thérapie par les arts. Lors du 25^e anniversaire du centre, en 2021, de nombreuses personnes étudiantes de tous les coins du monde sont venues livrer des témoignages sur l’importance qu’a eue le centre dans leur cheminement.

BH: Ces stages ont assurément été un tremplin pour nos étudiantes et étudiants en thérapie par l’art dramatique. Aujourd’hui, ils contribuent à répandre la pratique de ce type de thérapie dans de nombreux pays du monde.

SS: Aujourd’hui, plus de 250 diplômés en thérapie par l’art dramatique exercent leurs activités un peu partout! Deux d’entre eux sont respectivement présidente et vice-président de la North American Drama Therapy Association, qui tiendra sa rencontre annuelle à Toronto l’année prochaine. Une autre personne diplômée a contribué à la fondation de l’Association nationale de dramathérapie, en France, et une autre encore est à la tête du programme d’études supérieures en thérapie par les arts à l’Université de New York.

BH: Le programme en est à sa 26^e année d’existence, et il n’a certainement pas fini de grandir.

Apprenez-en davantage sur le programme de maîtrise en thérapie par l’art dramatique de Concordia, le Département de thérapies par les arts et le Centre de développement humain par les arts.