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L’infodivertissement menace vos actualités, prévient le doctorant Robert Marinov

Selon une nouvelle analyse de la couverture des journaux canadiens, tribulations personnelles et courses de chevaux rivalisaient avec la couverture de l’actualité lors des élections fédérales de 2019
5 mars 2024
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Collage du mot "news" superposé à une note indiquant "Canada".
Image iStock par petekarici

Au-delà de la disparition de salles de rédaction et de la baisse d’attention du lectorat, il existe de nombreuses raisons de s’inquiéter de la qualité du journalisme canadien d’aujourd’hui.

Autrefois considérés comme un pilier essentiel d’une démocratie saine, les plus grands journaux du pays ont adopté un type de contenu que les critiques qualifient d’infodivertissement – une technique rédactionnelle qui fait appel à des méthodes propres au divertissement pour présenter l’actualité politique.

Dans un nouvel article publié dans la revue Canadian Journal of Political Science, le doctorant Robert Marinov examine, mesure et évalue la portée et la nature de l’infodivertissement dans les plus grands journaux du Canada. Dans le cadre de sa recherche, M. Marinov a retenu le cas des élections fédérales de 2019 pour analyser des articles du Globe and Mail, du Toronto Star, du National Post, du Montreal Gazette, du Calgary Herald et du Vancouver Sun. Étant donné que les quatre derniers journaux cités font partie d’un même réseau (Postmedia), et qu’un volume important d’articles y est dupliqué, ceux-ci ont été regroupés aux fins de l’analyse.

M. Marinov a recueilli 969 nouvelles confirmées – par opposition aux doublons trouvés dans les journaux du réseau Postmedia – au cours des 41 jours de la campagne électorale. En utilisant une méthode mixte d’analyse du discours, il leur a attribué une note de 1 à 5, où « 1 » désigne un contenu principalement informatif et « 5 », un contenu principalement divertissant.

Il a constaté que 51 pour cent – soit plus de la moitié – de toutes les nouvelles confirmées présentaient des caractéristiques notables d’infodivertissement (note de 3 à 5), et que 42 pour cent montraient de fortes ou de très fortes caractéristiques d’infodivertissement (note de 4 ou de 5).

En contrepartie, près de 49 pour cent des nouvelles de l’ensemble des données ne présentaient pas (note de 1) ou peu (note de 2) de caractéristiques de divertissement.

Plus de la moitié – soit 52 pour cent – des nouvelles confirmées comportant des caractéristiques substantielles d’infodivertissement (note de 4 à 5) provenaient de journaux du réseau Postmedia. Cette proportion chutait à 39 pour cent dans le cas du Toronto Star, et à 35 pour cent pour ce qui est du Globe and Mail.

« De nombreuses recherches montrent que les discours politiques plus conservateurs ou de droite ont tendance à être plus émotionnels que ceux de gauche, qui seraient plus rationnels, explique M. Marinov. Nous avons émis l’hypothèse que ces différences idéologiques ont pu contribuer à certains des résultats que nous avons constatés dans le cas des quotidiens du réseau Postmedia, qui sont généralement plus à droite que le Globe and Mail ou le Toronto Star. Toutefois, il est difficile de quantifier l’ampleur de ce phénomène ou de le confirmer sans effectuer des recherches plus approfondies. »

Un homme aux cheveux bruns mi-longs, portant des lunettes, une courte barbe et une chemise blanche se tient debout sur un fond blanc. « La dynamique de l’infodivertissement peut avoir des conséquences importantes sur la manière dont les électrices et électeurs sont informés au cours d’une campagne électorale », selon Robert Marinov.

Encore "une bonne part" de couverture analytique et d'enquête 

Le doctorant a par ailleurs procédé à une synthèse de la documentation existante sur l’infodivertissement afin de créer un cadre global qui puisse résister à une enquête approfondie. Trois particularités s’en sont dégagées.

Tout d’abord, la personnalisation. Il s’agit de mettre l’accent sur les caractéristiques personnelles des politiciennes et politiciens, sur leur vie privée, leur apparence, leur manière de parler, leur comportement et leurs actions au cours d’une campagne électorale.

Puis vient le sensationnalisme, lequel consiste à se concentrer sur les gaffes, les scandales, la présentation sensationnelle des sujets et les discours faisant appel aux émotions.

Ces deux particularités se chevauchent pour en constituer une troisième, soit la décontextualisation, où l’accent est mis sur la spéculation et l’élaboration de jeux stratégiques – qui est en tête dans le dernier sondage, qui a marqué des points lors de la campagne, qui a réussi un bon coup ou fait une volte-face – et où les options politiques réelles arrivent au deuxième plan.

Malgré le volume important d’infodivertissement qu’il a constaté dans la couverture politique des grands journaux canadiens, M. Marinov se dit quelque peu soulagé qu’il n’y en ait pas davantage.

« Il est encourageant de constater qu’il y a encore beaucoup de reportages qui adoptent un ton analytique ou d’enquête et présentent des informations concrètes et substantielles sur les options politiques et les débats, fait-il remarquer. Toutefois, les chiffres montrent également que la dynamique de l’infodivertissement est de plus en plus populaire auprès du lectorat des journaux canadiens. Cela peut avoir des conséquences importantes sur la manière dont les électrices et électeurs sont informés au cours d’une campagne électorale. »

Le Pr Paul Saurette de l’Université d’Ottawa est cosignataire de l’article.

Cette étude a bénéficié de l’appui du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Lisez l’article cité (en anglais) : Infotaining Canadian Politics? Measuring Infotainment in English-Language Newspaper Coverage of the 2019 Canadian Federal Election



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