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Pour un leadership au féminin, mais surtout un leadership bienveillant et inclusif

8 mars 2024
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Par Annie Gérin, Pascale Sicotte, Anne-Marie Croteau


Annie Gérin, Pascale Sicotte, Anne-Marie Croteau

Cet article d'opinion a été initialement publié dans Le Devoir le 8 mars.

Depuis le début de la pandémie, nous, doyennes de trois des quatre Facultés de l’Université Concordia, constatons avec inquiétude un déclin de la représentation des femmes dans des postes de leadership au Canada, en particulier dans le milieu académique. En effet, de nombreuses leaders académiques ont récemment pris la décision de mettre fin à leur mandat ou de ne pas le renouveler. Nous nous interrogeons donc sur les forces en jeu dans ce retrait, certainement multiples et complexes, et nous voulons surtout apporter des pistes de solution.

Avant la crise sanitaire, nous avions noté des progrès encourageants : bien que modestes, les chiffres indiquaient une augmentation de la présence des femmes dans des postes de leadership au sein des universités. Cependant, en 2021, seulement 20 % des 200 premières universités mondiales avaient nommé une rectrice, comme l’indique Julie Cafley, vice-présidente chargée des communications et des relations extérieures à l’Alliance de recherche numérique du Canada, et spécialiste en leadership dans l’enseignement supérieur, dans un essai sur le sujet. De plus, de 2019 à 2021, cinq recteurs, rectrices n'ont pas achevé leur mandat dans les universités canadiennes et de ce nombre, 4 étaient des femmes.

La pandémie semble non seulement avoir exacerbé les enjeux de ressources humaines dans les milieux dominés par les femmes – tels que l’éducation et la santé – et entraîné des conséquences économiques préoccupantes pour ces dernières, mais elle a également causé un recul dans leur présence dans des postes de direction.

Cette situation n’est pas sans évoquer ce qui se passe dans le milieu des affaires. En 2019-2020, seulement 23,7 % des postes de haute direction dans les entreprises au Canada étaient occupés par des femmes, selon Statistiques Canada. De plus, les femmes occupaient davantage des postes de vice-présidence (27,8 %) que de présidence de société (1,3 %). Ces nombres ont chuté depuis. En 2022, le cabinet McKinsey publiait sa huitième étude sur l’avancement des femmes dans le monde des entreprises (Women in the Workplace 2022) et constatait que, cette année-là, les femmes gestionnaires ont quitté leur emploi à un rythme plus élevé que leurs collègues masculins.

La pandémie a mis en lumière les défis auxquels les femmes en particulier sont confrontées sur le plan professionnel et personnel, notamment en ce qui concerne l'équilibre entre travail et vie familiale. Se sont-elles retirées temporairement pour se rééquilibrer, pour se reconstruire? Nous le souhaitons. Mais ce déclin montre que l'augmentation de la présence des femmes dans des postes de direction reste fragile et ne peut être considérée comme acquise. Malgré les progrès significatifs réalisés par le passé, cette crise a-t-elle laissé un sentiment d'incertitude quant à l'avenir? Où se trouve la relève? Comment la cultiver?

En tant que chercheuses, professeures et leaders académiques, nous avons développé notre résilience et nos compétences au fil des ans. La découverte de nos capacités a été rendue possible non seulement par notre propre détermination, mais aussi par le soutien de nos collègues et mentor·es, des membres de la haute direction et des institutions pour lesquelles nous avons travaillé, qui ont manifesté une confiance claire envers nous, et qui nous ont soutenues à travers les difficultés (ou les crises!) que nous avons dû gérer. En tant que leaders, c’est à notre tour de soutenir nos équipes et collègues dans leur trajectoire, en tenant compte des conditions particulières qui sont les leurs.

Un premier pas dans la bonne direction est d'identifier les obstacles rencontrés par les femmes dans l'accès aux postes de direction, puis de prendre des mesures concrètes pour les soutenir dans chaque étape de leur parcours professionnel. Il est essentiel de cultiver un leadership bienveillant, inclusif, fort et durable. C’est en partie la mission que nous nous donnons comme doyennes. Mais il est important de noter que nous travaillons dans un contexte particulier. En effet, l’Université Concordia se démarque par la présence importante des femmes au sein de sa direction : 17 personnes sur 29, soit 58 %, un pourcentage remarquable. D’ailleurs, l’École de gestion John-Molson de Concordia a reçu la certification de parité décernée par l’organisme La Gouvernance au féminin, elle devient ainsi la toute première institution du genre au Canada à avoir reçu cette reconnaissance.

En cette Journée internationale des droits des femmes, au lieu de parler de "leadership féminin", nous proposons le terme de "leadership bienveillant", car ses caractéristiques ne sont pas exclusivement genrées. Il est de notre ressort, à toutes et à tous, de réorienter notre approche pour favoriser l’épanouissement de chaque individu.

Encourageons des discussions d'équipe où chaque voix peut être entendue et considérée. Assurons une représentation et une parité au sein des groupes de leadership, garantissant ainsi que toutes les parties prenantes impactées par les décisions soient entendues. Collaborons dans un esprit de service envers autrui, adoptons une approche humaine et inclusive. Mettons en valeur les forces individuelles afin de faire la promotion d’un leadership basé sur le consensus et l'influence. Développons et soutenons un leadership qui favorise une gestion collégiale et consultative, un leadership qui utilise activement les qualités et les perspectives multiples de nos membres. Et ayons la force, la confiance et l’audace nécessaire pour implanter cette nouvelle vision au sein de nos organisations.

C’est par ces moyens, activés de façon intentionnelle, que nous arriverons à cultiver la prochaine génération de femmes leaders académiques. Célébrons ensemble cette Journée internationale des droits des femmes!

Anne-Marie Croteau, Annie Gérin et Pascale Sicotte respectivement doyenne de l’École de gestion John-Molson, la Faculté des beaux-arts et la Faculté des arts et des sciences de l’Université Concordia.



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