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L’abus d’alcool et la sensibilité à l’anxiété sont liés de façons différentes, mais mutuellement complémentaires, selon une nouvelle étude

La chercheuse principale et doctorante Charlotte Corran adopte une nouvelle approche pour examiner les influences multidirectionnelles sur les comportements en matière d’alcool
21 mars 2023
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Young people drinking alcohol
Fred Moon, Unsplash

On sait depuis longtemps qu’il existe entre la sensibilité à l’anxiété – c’est-à-dire la peur de souffrir d’anxiété – et la consommation, ou l’abus, d’alcool une relation qui est loin d’être saine. Les personnes qui présentent un degré élevé de sensibilité à l’anxiété consomment davantage d’alcool de façon abusive comme moyen d’adaptation pour apaiser la tension. Chez les jeunes adultes – qui boivent le plus – une sensibilité élevée à l’anxiété peut augmenter le risque de consommation d’alcool comme moyen de composer avec leurs problèmes, ce qui peut entraîner des conséquences à long terme dans leur vie tant personnelle que professionnelle, notamment le sous-emploi et la dépendance.

Une nouvelle étude dirigée par Charlotte Corran, doctorante à l’Université Concordia, explore l’incidence de la sensibilité à l’anxiété sur la consommation d’alcool chez les jeunes adultes sous l’angle des influences bidirectionnelles propres aux processus cognitifs entourant l’alcool (c’est-à-dire les raisons de consommer de l’alcool).

Les données compilées portent sur quelque 200 élèves du cégep ayant accepté de répondre à des questionnaires sur une période de 12 mois. L’équipe de recherche a découvert que les motifs et les attentes entourant la consommation d’alcool se renforçaient mutuellement, sur le plan tant général (anxiété de trait) que particulier (anxiété d’état). Ces résultats expliquent en partie le risque que pose la sensibilité à l’anxiété dans le cas d’une consommation problématique d’alcool.

« Nous savons que la sensibilité à l’anxiété constitue un facteur de risque de problèmes d’alcool à long terme, mais la corrélation n’est pas toujours directe », explique Mme Corran, auteure principale de l’article.

« L’étude visait à clarifier les effets de la sensibilité à l’anxiété sur la consommation d’alcool et ses problèmes en tenant compte du déroulement de ce processus cognitif bidirectionnel. »

Professeure de psychologie à la Faculté des arts et des sciences, Roisin O’Connor a supervisé l’étude. Christian Hendershot, de l’Université de la Caroline du Nord à Chapel Hill, a aussi contribué au projet.

Charlotte Corran assise a une table « L’étude visait à clarifier les effets de la sensibilité à l’anxiété sur la consommation d’alcool et ses problèmes en tenant compte du déroulement de ce processus cognitif bidirectionnel, » selon Charlotte Corran.

Différentes raisons, différents résultats

L’équipe de recherche a recruté des élèves de dernière année de cégep et les a invités à remplir trois questionnaires à intervalles de six mois. Outre la sensibilité à l’anxiété, les spécialistes ont mesuré :

  • les motifs de consommation, tels que le désir de prendre de l’alcool pour arriver à composer avec l’anxiété ou pour accroître certaines sensations, c’est-à-dire boire pour intensifier les émotions positives;
  • les attentes à l’égard de l’alcool (réduction de la tension, amélioration des habiletés sociales, ou effet de « courage sous forme liquide »); et
  • la consommation et les problèmes d’alcool.

Sur le plan de l’anxiété de trait, les motifs de consommation et les attentes à l’égard de l’alcool étaient positivement associés les uns aux autres, ce à quoi s’attendait l’équipe de recherche. En d’autres mots, les personnes qui consomment de l’alcool comme moyen de composer avec leurs problèmes boivent aussi fréquemment avec l’espoir que l’alcool va réduire leurs tensions. Les motifs de consommation étaient en outre positivement associés à la sociabilité, ou à l’effet de « courage sous forme liquide ».

Au regard de l’anxiété d’état – laquelle est associée à un moment particulier – les spécialistes ont constaté que la sensibilité à l’anxiété constituait un prédicteur positif de la prise d’alcool comme moyen de composer avec ses problèmes et de la consommation d’alcool en général. L’attente selon laquelle boire de l’alcool réduit la tension prédisait la prise d’alcool pour surmonter des problèmes, de même que l’attente face à l’amélioration des habiletés sociales et à l’effet de « courage sous forme liquide ». On a par ailleurs observé que ces attentes, en retour, prédisaient la consommation d’alcool.

« Il semble exister un degré d’interaction notable entre les processus cognitifs, ce qui peut nous aider à mieux comprendre le risque de consommation d’alcool chez les jeunes adultes », fait remarquer Charlotte Corran.

« Les motifs ou les raisons de boire de l’alcool ont des répercussions sur les attentes, et vice-versa — tous ces processus se renforcent les uns les autres. »

Aucune ligne droite

La doctorante souligne que même si le lien entre la sensibilité à l’anxiété et la consommation d’alcool a déjà fait l’objet de recherches exhaustives, cette étude est la première à se pencher sur le phénomène selon une perspective multidirectionnelle.

« Des études portant sur la séquence de ces facteurs ont déjà été menées. La sensibilité à l’anxiété prédit la prise d’alcool comme moyen de composer avec ses problèmes, laquelle prédit l’attente au regard de la réduction des tensions qui, à son tour, prédit la consommation d’alcool. Or, nous avons abordé le phénomène de manière différente », fait-elle valoir.

« Certes, les attentes peuvent renforcer les motifs, mais les motifs peuvent aussi renforcer les attentes. »

Selon Mme Corran, la présente étude se distingue de la recherche existante sur plusieurs points importants. D’abord, il s’agit d’une étude longitudinale, alors que la plupart des autres recherches ont été menées de manière transversale.

« Par ailleurs, le modèle d’analyse statistique utilisé ici était unique en son genre dans la mesure où nous avons eu la possibilité d’examiner les associations sur le plan tant général que particulier », tient-elle à préciser.

« Cet article souligne à la fois l’importance de remettre en question certaines croyances à propos de l’alcool et d’aider les jeunes à améliorer leur confiance en soi au moyen de stratégies d’adaptation plus saines, affirme Roisin O’Connor. Il est peut-être devenu habituel pour nous de légitimer la consommation d’alcool après une “mauvaise journée”. Toutefois, les travaux que nous menons dans notre laboratoire mettent en lumière le cycle potentiellement problématique que présente la consommation d’alcool chez certaines personnes, en particulier celles aux prises avec un degré d’anxiété élevé qui cherchent des façons de composer avec leur état. »

Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont financé l’étude en question.

Lisez l’article cité (en anglais) : Explanatory pathways Linking Anxiety Sensitivity and Alcohol (Mis)Use: A Prospective State-Trait Analysis Among Emerging Adults.



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