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Communiqué de presse

Devrait-on obliger les pays à payer leur dette climatique?

Un chercheur de Concordia montre à quels pays incombent les coûts liés à l’impact environnemental du réchauffement climatique – une dette qui se chiffre en milliards de dollars

Montréal, le 8 septembre 2015 — Si tous les pays sont en partie responsables des récents changements climatiques, certains y ont contribué de façon beaucoup plus importante. Au fil du temps, les pays qui ont joué un rôle prépondérant dans le réchauffement planétaire ont accumulé une dette climatique envers ceux dont la part de responsabilité est moindre.

Telle est la conclusion d’une nouvelle étude menée par le chercheur Damon Matthews, professeur à l’Université Concordia. Publié dans la revue Nature Climate Change, l’article montre comment les dettes climatiques nationales pourraient servir à décider qui devra assumer les coûts mondiaux associés à l’atténuation des dommages environnementaux.

Les pays qui ont accumulé les dettes de carbone les plus élevées – leur niveau d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) par habitant étant supérieur à la moyenne – sont les États‑Unis, la Russie, le Japon, l’Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni et l’Australie.

À elle seule, la dette des États-Unis représente environ 40 % de la dette mondiale cumulative, contre 4 % pour le Canada. À l’autre extrémité, les pays créditeurs – ceux dont le niveau d’émissions de CO2 est plus faible que la moyenne compte tenu de leur poids démographique – sont l’Indonésie, le Bangladesh, le Pakistan, le Nigeria, le Brésil, la Chine et l’Inde. Cette dernière cumule à elle seule 30 pour cent du crédit mondial.

« Cette conception des changements climatiques fondée sur les dettes et les crédits montre dans quelle mesure chaque pays a contribué au réchauffement planétaire compte tenu de son poids démographique, explique le Pr Matthews, auteur de l’étude et professeur agrégé au Département de géographie, d’urbanisme et d’environnement de l’Université Concordia. Cela brosse un portrait saisissant des inégalités historiques au chapitre des émissions de gaz à effet de serre et révèle la part de responsabilité de chaque pays à l’égard des changements climatiques. »

Mesurer les parts de responsabilité à l’égard des changements climatiques
Afin d’évaluer dans quelle mesure chaque pays a contribué aux changements climatiques, Damon Matthews a calculé les dettes et les crédits de carbone en fonction des émissions de CO2 liées aux combustibles fossiles et des données démographiques enregistrées depuis 1990. En effet, le début de cette décennie marque un tournant dans l’approfondissement des connaissances scientifiques et de la compréhension du public à l’égard des dangers relatifs aux changements climatiques anthropiques.

Depuis lors, la dette totale accumulée par l’ensemble des pays débiteurs a franchi la barre des 250 milliards de tonnes de CO2. Et ce chiffre continue de grimper : en 2013 seulement, la dette mondiale a connu une hausse de 13 milliards de tonnes, ce qui représente environ 35 pour cent des émissions de CO2 produites cette année-là.

Mais quelle est donc la valeur monétaire de cette dette? « Actuellement, on estime que le coût social des émissions de CO2 s’élève à environ 40 $ US par tonne de CO2, affirme le Pr Matthews. Si l’on multiplie ce montant par les 13 milliards de tonnes de CO2 produites par les pays dont le niveau d’émissions était supérieur à la moyenne en 2013, on arrive à 520 milliards de dollars. Ce montant représente la somme que nous devrions verser aux pays dont les émissions de CO2 sont plus faibles pour les aider à assumer les coûts associés aux changements climatiques ou à développer un modèle économique carboneutre ».

En ce qui concerne l’ensemble de la dette mondiale de carbone, les chiffres sont encore plus renversants. Si l’on multiplie par 40 $ la dette de 250 milliards de tonnes accumulée depuis 1990, on obtient 10 trillions de dollars américains. « Peu importe la manière de voir la situation, les chiffres sont astronomiques. Ils dépassent largement les sommes les plus importantes promises par les gouvernements pour aider les pays vulnérables à s’adapter aux changements climatiques et à pallier les dommages environnementaux », souligne le chercheur.

Émissions de CO2 et niveaux d’endettement
Le Pr Matthews a également mesuré l’apport relatif de chaque pays à la hausse des températures en fonction de diverses sources d’émissions de gaz à effet de serre. Selon ces calculs, la dette climatique mondiale cumulative équivaut à une augmentation de 0,1°C depuis 1990, ce qui représente près d’un tiers de la hausse des températures observée durant cette période. Encore une fois, les États-Unis se classent au premier rang des pays débiteurs, tandis que l’Inde arrive en tête des pays créditeurs. Cela dit, certains pays comme le Brésil et l’Indonésie sont très durement touchés par l’introduction d’autres types d’émissions de gaz à effet de serre, notamment celles causées par la déforestation et l’agriculture.

« Le concept des dettes et des crédits climatiques montre de façon saisissante les inégalités historiques quant au degré de responsabilité des différents pays à l’égard du réchauffement planétaire, commente Damon Matthews. Ces chiffres pourraient servir à guider les discussions politiques sur la responsabilité historique et le partage des dépenses. En effet, ils constituent une référence pour déterminer quels pays devraient payer – et combien ils pourraient devoir débourser – pour atténuer l’effet des perturbations climatiques et réparer les dommages environnementaux subis par les pays dont les émissions de CO2 sont plus faibles. »


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