Skip to main content

Une carrière entière consacrée à la défense des droits autochtones

L’honorable James O’Reilly, avocat et diplômé de l’Université Concordia, a apporté une contribution inestimable à la pratique du droit autochtone au Canada – et poursuit toujours sa mission
29 septembre 2022
|
Par Sandrine Rastello


James O'Reilly aux côtés de Mary Simon, gouverneure générale du Canada, à la cérémonie de l’Ordre du Canada James O’Reilly en compagnie de Mary Simon, gouverneure générale du Canada, à la cérémonie de l’Ordre du Canada | Photo: Le Cplc Anis Assari, Rideau Hall © BSGG, 2022

Lors de la cérémonie de l’Ordre national du Québec, en juin, on a pu voir – mais pas entendre – l’avocat James O’Reilly, B.A. 1960, plaisanter avec François Legault alors qu’il recevait l’insigne honorifique.

Le premier ministre du Québec venait de rendre hommage à M. O’Reilly pour son dévouement de longue date à la cause des droits autochtones, citant notamment son apport à la négociation d’un traité de revendication territoriale « révolutionnaire » pour les communautés cries et inuites dans les années 1970, au terme d’une bataille juridique contre la province et Hydro-Québec. À propos de quoi M. O’Reilly pouvait-il bien plaisanter?

« Je lui ai dit : "Nous continuons de nous battre contre Hydro-Québec!" », se souvient M. O’Reilly, sourire en coin, dans un entretien accordé quelques semaines plus tard depuis son bureau du centre-ville de Montréal. Son cabinet défend actuellement la communauté innue dans trois poursuites contre la société d’électricité.

Voilà qui en dit long sur cet avocat pugnace qui, à l’aube de ses 80 ans, a, pour reprendre son expression, « dépassé l’âge de la retraite ». Ces jours-ci, il se permet d’arriver plus tard au bureau – mais il est souvent le dernier à partir.

« Lorsqu’un sujet vous passionne, c’est plus fort que vous », explique ce diplômé du Loyola College – l’un des deux établissements fondateurs de Concordia –, où il a particulièrement apprécié les cours d’histoire et de philosophie. Il s’est ensuite inscrit à l’Université McGill en vue d’obtenir son diplôme en droit.

Dans le cas de M. O’Reilly, parler d’une « passion » est un euphémisme. Plus de cinq décennies de luttes judiciaires aux côtés des Premières nations partout au pays, dont plusieurs fois devant la Cour suprême du Canada, ont fait de lui une autorité en matière de droit autochtone.

« Au bureau, nous avons encore tous les documents qu’il a rédigés dans les années 1960 et 1970, témoigne Geneviève Nevin, étudiante en droit et stagiaire au cabinet de M. O’Reilly. Si vous lui demandez de raconter ce qui s’est passé, il vous détaillera toute l’histoire, tout le contexte : il est meilleur que Google! »

James O'Reilly porte un costume devant un fond gris et sourit à la caméra. « Lorsqu’un sujet vous passionne, c’est plus fort que vous », affirme James O’Reilly. | Photo: Sun Knudsen

Déterminé à changer les choses

Fils d’un policier d’origine irlandaise et d’une enseignante québécoise, James O’Reilly est né et a grandi à Montréal. C’est en se liant d’amitié avec ses coéquipiers mohawks au hockey junior qu’il entre en contact pour la première fois avec les peuples autochtones. Plus tard, durant ses études, il passe plusieurs étés à travailler pour une compagnie d’exploration près de Schefferville, dans le nord-est du Québec. Il n’oublie jamais les conditions de vie désastreuses dont il est témoin au sein de la communauté innue.

« Cette réalité m’a frappé, raconte M. O’Reilly. Plus tard, quand j’en ai eu la possibilité, j’ai décidé que je devais faire quelque chose pour eux, ou avec eux. »

L’occasion se présente à lui lorsqu’il entame sa carrière au cabinet Martineau Walker – devenu plus tard Fasken Martineau –, où il fait ses premières armes en droit successoral et immobilier. À ce jour, il n’a jamais su qui l’a recommandé à Andrew Delisle, ancien chef mohawk de Kahnawake, alors à la recherche d’un avocat pour une affaire d’expropriation de la voie maritime du Saint-Laurent et dont il reçoit un appel tout à fait inattendu.

C’était les années 1960, époque où le militantisme autochtone pour la reconnaissance des droits ancestraux n’en était qu’à ses débuts. James O’Reilly allait devenir un fidèle collaborateur de M. Delisle, membre fondateur du Conseil national des Indiens et de l’Association des Indiens du Québec. Alors qu’ils font la tournée des communautés pour dresser la liste de leurs revendications, le jeune avocat se familiarise avec le droit autochtone, ce que peu de ses pairs avaient fait jusque-là.

Voyant qu’il possède là une rare expertise, James O’Reilly résout de s’impliquer dans le mouvement de protestation contre le projet de barrages hydroélectriques que le gouvernement du Québec entend construire dans la région de la baie James. Les communautés cries et inuites, qui n’ont pas été consultées à propos de cette entreprise colossale, craignent que celle-ci entraîne la dégradation de leur environnement et compromette leur survie. En 1972, M. O’Reilly quitte le cabinet Martineau Walker – qui défend alors la Société de développement de la Baie-James –, prend l’affaire en charge et cofonde son propre cabinet.

« Je ne pouvais pas faire autrement, confie-t-il à propos de cette décision qui a changé sa vie. Je n’aurais pas pu vivre en paix avec moi-même si je n’avais pas essayé. »

Les contestations judiciaires, ponctuées par une courte victoire ayant permis l’interruption temporaire du projet, sont houleuses et suivies de négociations tendues. Toutefois, le traité fondateur qui en découle, connu sous le nom de Convention de la Baie James et du Nord québécois, officialise la reconnaissance des droits spécifiques des communautés vivant sur ce territoire et ouvre la voie à d’autres pactes.

Par la suite, M. O’Reilly travaille en collaboration avec les Premières Nations depuis Terre-Neuve jusqu’à l’Alberta, où il s’élève contre le gouvernement fédéral dans des conflits liés au pétrole et au gaz. À titre de représentant de la Nation mohawk, il devient également l’une des voix de la crise d’Oka en 1990.

M. O’Reilly, qui garde un souvenir ému de l’époque où il jouait dans l’équipe de hockey de Loyola College, a récolté de nombreux honneurs au cours de sa carrière, notamment de la part de la Nation crie de Samson, en Alberta, qui l’a nommé chef honoraire. Lorsqu’il a appris sa nomination à l’Ordre du Canada, il y a trois ans, il a eu un moment de doute.

« Je me suis opposé au Canada toute ma vie. Suis-je en train de trahir mes principes? » expose-t-il.

Les chefs cris qu’il a consultés l’ont aidé à trouver la réponse. « Ils ont dit : "C’est l’ennemi, mais cet ennemi nous respecte, alors pourquoi pas?" Donc j’ai accepté ».



Sujets tendance

Retour en haut de page

© Université Concordia